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Dimanche 28  Septembre  2025                        

(Amos 6,1a, 4-7)  (Tim.6, 11-16) (Luc 16,19-31) Fives  

L’histoire de Lazare et du mauvais riche prolonge l’enseignement de Jésus sur l’usage de l’argent que nous avons entendu dans l’évangile de dimanche dernier et qu’on pourrait résumer ainsi : se servir de l’argent, oui, mais servir l’argent, non. Servir l’argent, ce serait  le mettre au-dessus de tout, le rechercher avant tout et par tous les moyens et finalement faire de l’argent le dieu qui commande nos vies, ça, non. Le Christ est formel : Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’argent. (Luc,16,13) Par contre, se servir de l’argent, oui. D’ailleurs nous n’avons pas le choix : il est absolument nécessaire pour se procurer ce dont  nous avons  besoin. D’ailleurs l’Écriture présente l’argent comme un don de Dieu qui comble de biens ceux qu’il aime. Abraham était riche, Isaac et Jacob  immensément riches nous dit l’Écriture (Gn 13,2.26,12.30,43) D’autre part la richesse est aussi le fruit légitime du courage, des talents que Dieu nous donne et le résultat mérité de nos   efforts  et de notre travail.

Mais si la richesse est un don  de Dieu, alors, on ne peut pas en faire n’importe quoi. Nous n’en sommes pas vraiment les propriétaires, mais seulement les gérants. Et si nous l’oublions,  si nous prétendons  gérer nos richesses à notre idée, alors nous allons  à la catastrophe. C’est ce que nous voyons tous les jours dans notre monde où la cupidité pousse à vouloir acquérir toujours plus de richesses, par tous les moyens y compris la violence,  sans tenir compte des exigences de l’honnêteté et de la justice. Résultat : La société devient le lieu de conflits sociaux   et de guerres sans fins. La vie de famille est bouleversée sinon ruinée par des horaires de travail impossibles et les « burn outs »  n’épargnent personne que ce soit le grand patron ou le manoeuvre sans spécialité. Au lieu d’être un bienfait venant de Dieu,  la richesse est devenue  la racine de tous les maux, comme l’écrivait St  Paul à Timothée (1 Tim.6,10). Le monde est devenu invivable et les riches, odieux. Seul compte pour eux l’argent qui leur donne pouvoir et puissance. Isolés dans un orgueil qui les rend méprisants et dominateurs, ils ne tiennent compte de rien ni de personne, et font disparaître totalement de leur  existence Dieu, à qui pourtant ils doivent tout. Le Deutéronome nous avait pourtant prévenus : attention !   Garde toi d’oublier ton Dieu quand tu auras mangé et te seras rassasié, quand tu auras bâti de belles maisons et y habiteras, quand tu auras vu abonder ton argent et ton or, s’accroître tous tes biens…Garde toi de dire en ton cœur : c’est ma force, la vigueur de mon bras qui m’ont procuré ce pouvoir. Souviens-toi de Yahvé ton Dieu, c’est lui qui t’a donné cette force, qui t’a procuré ce pouvoir. (Deut.8,13,17,18)

Mais quelque chose nous choque dans cette parabole du mauvais riche. Le Christ nous dit qu’après sa mort, le mauvais riche est en enfer en proie à la torture. Comment Dieu qui nous aime peut-il jeter quelqu’un en enfer ?  En réalité, Dieu ne jette personne en enfer, c’est nous qui nous y précipitons de nous-mêmes. Il nous enseigne les voies du salut à travers  l’Eglise, nos parents, et nos éducateurs. Mais, comme il est amour, il ne nous force pas. Il nous laisse la liberté de choisir. Vois, lit-on dans le Deutéronome, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, bénédiction ou malédiction…mort ou malheur. Si tu écoutes les commandements

de Yahvé ton Dieu, que tu aimes Dieu, que tu marches selon ses voies, tu vivras, mais si ton cœur se dévoie, tu mourras certainement. Choisis donc la vie, pour que toi et ta descendance, vous viviez. (Dt 30,15….) ce qui nous rappelle deux choses auxquelles nous ne voulons pas trop  penser : la première c’est que notre vie ici-bas n’est que la première mi-temps de notre existence qui se prolongera par-delà notre mort et la deuxième, c’est que après, nous serons jugés par le Seigneur qui rendra à chacun selon ses œuvres.

 A propos de ce jugement, il serait ridicule d’imaginer le Seigneur déguisé en juge, délivrant un verdict dans une salle de tribunal . Le jugement, c’est  notre vie qui apparaît dans sa parfaite vérité à la lumière divine c’est tout. Un peu comme dans l’anecdote suivante que m’ont rapporté deux religieuses, un dimanche où je dinais avec elles quelque part en brousse à Madagascar. Elles étaient allées la veille dans un village à l’écart réunir les jeunes. Le soir venu, alors qu’elles s’apprêtaient à se mettre au lit, une des religieuses dit à l’autre.  Excuse moi, j’ai oublié mon sac dans la cuisine, je vais le chercher, je prends la bougie.  ( il n’y avait  pas d’électricité, ). L’autre religieuse reste seule dans le noir, assise sur son lit. Elle pense alors : J’ai marché dans la boue, il faut que je nettoie mes chaussures. Justement en tâtant, elle trouve à côté d’elle un chiffon et se met à frotter ses chaussures. Là-dessus, l’autre religieuse rentre avec la bougie et la pauvre sœur s’aperçoit alors, à la lueur de la bougie, que ce qu’elle a pris pour un chiffon c’est en réalité son voile ! Heureusement, il leur restait un fonds d’eau dans un seau, elle ont réussi à laver le voile ! Le jugement dernier, c’est cela : à la lumière divine, on est mis en face  de sa vie, en toute vérité. Tout est là, le bien et le mal. Et on  ne peut plus retourner en arrière. Il n’y a plus rien à faire, il n’y a aucun recours. Chacun est livré au destin qu’il s’est forgé lui-même par son choix de vie.

Le mauvais riche a fait le mauvais choix. Cependant il n’est pas complètement mauvais. Pensant à ses cinq frères, il demande à Abraham d’envoyer Lazare les mettre en garde pour qu’ils ne soient pas damnés eux aussi. Mais il lui est répondu : ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent… s’ils ne les écoutent pas, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts, il ne seront pas convaincus. Pour nous aujourd’hui, cela veut dire : vous avez l’Esprit Saint, écoutez-le. Autrement dit quand nous prenons nos décisions, chaque jour, pensons à nous tourner vers le Seigneur : Est-ce bien ça que tu voudrais que je fasse ? Le tort du mauvais riche et de tout pécheur, c’est de mener sa vie comme il l’entend, dans son petit monde à lui, complètement isolé,comme une fourmi dans une fourmilière, en ignorant les autres et sans avoir conscience  qu’il vit dans un univers créé par Dieu. Quoiqu’il fasse, ça finira mal.

Que retenir de tout cela ?

Le mauvais riche comme tout pécheur, c’est quelqu’un qui s’est enfermé dans son monde à lui. les autres, Dieu, cela n’existe pas. Seul compte l’argent qui va lui donner pouvoir et puissance pour réaliser ses ambitions. Et tant pis si les autres doivent en souffrir. Le pire c’est que notre monde compte beaucoup trop de ces mauvais riches qui s’affrontent sans répit chacun luttant égoïstement pour arriver à ses fins personnelles sans s’occuper du reste. Nous voyons tous les jours le résultat que cela donne.                                                

Face aux mauvais riches, heureusement certains se souviennent, de ce qu’on dit à la messe : Seigneur, Tu as créé l’homme à ton image et tu lui as confié l’univers, afin qu’en te servant il règne sur la création, ce qui laisse entendre que s’il s’écarte de Dieu, il ne règnera plus sur la création, mais se retrouvera plus ou moins esclave. Quand on achète quelque chose, on l’utilise toujours dans la pensée de celui qui l’a fabriqué. La richesse, comme n’importe quel autre don de Dieu, il convient de s’en servir dans la pensée de celui qui l’a créée. N’essayons pas de nous croire plus malins que le Bon Dieu.

Dimanche 31  Août  2025

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31  Août  2025

(Eccles.3,17,18.20.23-29) (Heb.12,18-19.22-24a) (Luc 14,1.7-14)

Ce jour là, un jour de sabbat, Jésus était invité à souper chez un Pharisien. C’était une invitation pleine d’arrière-pensées. On en profiterait pour le piéger et si possible le discréditer définitivement.

Au début du repas, un accrochage s’était déjà produit, que l’évangile d’aujourd’hui ne nous rapporte pas : un malade était venu implorer sa guérison, suscitant une discussion : peut-on guérir un malade le jour du sabbat ? Jésus s’en était tiré habilement et avait guéri le malade. Les pharisiens embarrassés avaient été réduits au silence. Mais les hostilités étaient déclenchées. Jésus, voyant  les invités se bousculer pour chercher les premières places lance un nouveau débat.

Une fois encore, ses propos sont surprenants et même choquants. Il conseille, quand on est invité d’aller se mettre à la dernière place. Personne ne cherche jamais la dernière place nulle part,  dans aucun domaine, que ce soit dans les affaires, les études, le sport ou la politique. Tous les parents cherchent à voir leurs enfants premiers en tout. Ce n’est pas possible que le Seigneur souhaite que ses disciples soient les derniers partout ! D’ailleurs il leur propose un programme d’excellence extrêmement ambitieux : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ! (Mt.5,48) Alors, qu’est-ce qu’il veut dire exactement ?

A regarder le texte de plus près, on constate qu’il ne nous invite pas tant  à choisir la dernière place, qu’à ne pas nous précipiter pour chercher la première place en pensant qu’elle nous revient de droit et il nous invite à nous comporter comme si nous estimions les autres supérieurs à nous. On cherchera donc les dernières places en laissant le maître de maison nous faire monter plus haut, s’il estime convenable de le faire. Est-ce de l’humilité ? N’est-ce pas plutôt du bon sens ou du réalisme ? En effet, si nous avons des qualités et des talents, d’où cela nous vient-il ? Cela vient du Seigneur qui nous les a donnés, soit directement, soit à travers nos parents, nos éducateurs ou des amis qu’il a placés sur notre route. Peut-être avons-nous quelque mérite si nous avons fait fructifier ces talents, mais c’est tout. Ce qu’il y a de bien en nous, c’est Dieu qui l’y a mis. De nous-mêmes, par nous-mêmes, qu’est-ce que nous valons ? Pas grand-chose. St Paul nous le rappelle sans ménagements : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu et si vous l’avez reçu, de quoi vous glorifiez-vous comme si vous ne l’aviez pas reçu ? (1Cor.4,7)

Mais il y a une autre raison pour ne pas chercher les premières places et rechercher plutôt les dernières, c’est qu’en agissant ainsi, nous suivons l’exemple du Christ. Il s’est considérablement abaissé en se faisant homme comme nous. Lui, de condition divine, écrit St Paul, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est dépouillé de son rang de Dieu, prenant condition d’esclave, devenant semblable aux hommes. (Phil.2,6,7)   S’il voulait se faire homme, il aurait pu le faire d’une manière moins choquante. Il aurait pu apparaître soudainement sur le parvis du Temple de Jérusalem, comme un respectable docteur de la Loi ou un grand prêtre imposant, solennel dans ses vêtements sacerdotaux. Pourquoi ce scenario invraisemblable : naître comme un petit bébé et dans une étable, même pas dans une maison correcte. Il a fallu qu’il apprenne à marcher, à parler, à faire ses prières. Plus tard,   il a vécu entouré de gens si frustes que


même les meilleurs, ses apôtres,  ne comprenaient pas grand-chose à ce qu’il disait. Et puis l’histoire atroce de sa passion, de sa mort sur une croix comme un criminel. Pourquoi un tel scenario ? Nous ne comprenons pas. Il faut être Dieu pour avoir des idées pareilles. En tous cas,  

une chose est claire : si le Christ s’est abaissé ainsi, nous ne pouvons pas nous prétendre chrétiens et avoir une attitude opposée à la sienne en cherchant les premières places en toute occasion. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus, écrit St Paul. Lui qui était de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est dépouillé de son rang de Dieu, devenant semblable aux hommes. Il s’est abaissé jusqu’à se mettre au dernier rang parmi les hommes, dit St Paul, faites en autant. Et il poursuit : il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix (Phil.2,5-8)  

Et puis, tout d’un coup, St Paul change complètement de ton, il ajoute : C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse et que toute langue confesse que le Seigneur , c’est Jésus  Christ à la gloire de Dieu le Père. (Phil. 2,9-11) C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé. Comment Dieu peut-il souverainement élever Jésus parce qu’il est extrêmement humilié, rabaissé ? Comment l’extrême abaissement de Jésus peut-il être un motif d’élévation ? L’abaissement de Jésus, en soi, c’est une extrême humiliation, un point, c’est tout. Oui, mais regardons la motivation de cet abaissement, de cette humiliation. Pourquoi Jésus a-t-il non seulement accepté, mais voulu cet abaissement ? A cause de son extrême amour pour nous. Le Christ n’est pas souverainement élevé à cause de son extrême abaissement, mais à cause de l’extrême amour que manifeste cet extrême abaissement.    L’extrême humiliation du Christ mourant pour nous sur la croix révèle en même temps l’extrême amour qu’il a pour nous et manifeste du même coup sa gloire infinie. Voilà le genre de dernière place que le Christ veut nous voir prendre : la dernière place qu’on choisit par amour, pour le service des autres, et qui vous propulse du même coup à la première place.

Que retenir de tout cela ?

Cherchez la dernière place, non pas parce que cette dernière place est désirable en soi, mais parce qu’en allant vous mettre à la dernière place, vous manifestez votre lucidité et votre humilité, voyant clairement que, par vous-mêmes, vous ne valez pas grand-chose et que tout ce qu’il y a de valable en vous, vient du Seigneur qui vous l’a donné.  

Mais surtout cherchez la dernière place parce qu’en allant vous mettre à la dernière place, vous faites comme le Christ qui s’est abaissé jusqu’à prendre la dernière place par amour pour vous. S

nous prétendons être ses disciples, il faut, nous aussi, comme lui, nous abaisser jusqu’à prendre la dernière place en nous mettant, comme lui, au service des autres.

Le Christ nous demande  de chercher la dernière place, mais pas n’importe quelle dernière place, pas la dernière place qui ferait de nous des nuls, mais le genre de  dernière place qu’on choisit, comme lui, par amour pour le service  des autres et qui vous propulse du même coup à la première place.


Dimanche  24  Août   2025

(Isaïe 66,18-21)  (Heb.12,5-7.11-13)  (Luc 13,22-30)

Ce n’est pas étonnant que quelqu’un ait demandé à Jésus : N’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? A l’époque, les opinions étaient partagées. Certains rabbins enseignaient que tous les israélites seraient sauvés en tant que fils d’Abraham, d’autres prétendaient que ceux qui périraient seraient plus nombreux que ceux qui seraient sauvés. Jésus ne répond pas directement à la question posée, mais il recommande à chacun de faire ce qu’il faut pour être sauvé. En d’autres termes : le nombre des sauvés, cela ne vous regarde pas ; occupez-vous de votre salut à vous : efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à rentrer et n’y parviendront pas.

Profitant de l’occasion, il répète une fois encore ce qu’il avait déjà répété bien des fois : Produisez des fruits de repentir et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : nous avons pour père Abraham. Car je vous le dis, des pierres que voilà, Dieu peut susciter des enfants à Abraham. (Mt.13,8,9) Aujourd’hui il insiste : vous aurez beau dire : Seigneur nous avons mangé et bu en ta présence et tu as enseigné sur nos places, le Maître vous répondra : Je ne sais pas d’où vous êtes. Eloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.

Produire des fruits de repentir, Qu’est-ce que le Christ entend par là ? Tout simplement ne pas commettre d’injustice, mais  pratiquer la justice. Il insiste là-dessus parce que la pratique religieuse de l’époque se contentait trop souvent de célébrations festives et de sacrifices, laissant de côté les devoirs de justice, alors que justement l’Ecriture et la Tradition enseignaient le contraire : pratiquer la justice et le droit vaut mieux que les sacrifices, lit-on au livre des Proverbes, (21,3) tandis qu’à travers Amos et Osée le Seigneur est catégorique : Je hais, je méprise vos fêtes, pour vos solennités je n’ai que dégoût…Vos oblations, je n’en veux pas, vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde pas. Eloigne de moi le bruit de tes cantiques, que je n’entende pas le son de tes harpes, mais que le droit coule comme l’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit pas. (Amos 5,21-24) C’est l’amour que je veux, non les sacrifices. (Osée 6,6)  

Pour un certain nombre d’auditeurs de Jésus, leur monde s’écroule. Ils étaient pratiquement sûrs d’être sauvés puisqu’ils étaient fils d’Abraham et  observaient soigneusement les pratiques pieuses en usage. Et voilà que Jésus leur explique que tout cela ne vaut rien aux yeux de Dieu si cela ne débouche pas sur un changement de vie, une conversion et la pratique de la justice. Et le Seigneur achève de les assommer en ajoutant que tous ceux qui se seront convertis et auront pratiqué la justice et la charité seront sauvés, même s’il s’agit de païens, de collecteurs d’impôts ou de prostituées : IIs entreront avant vous dans le Royaume de Dieu. Jean est venu …et vous ne l’avez pas cru, collecteurs d’impôts et prostituées l’ont cru. (Mt.21,31-32) Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers. (Mt.19,30)

Nous aussi aujourd’hui nous avons besoin d’entendre ce rappel à l’ordre de Jésus. Comme les Juifs de son temps, nous avons tendance à croire que pour être un bon chrétien, il suffit de  faire quelques prières et d’aller à la messe le dimanche. D’ailleurs comment définit-on un chrétien ? On dit : C’est quelqu’un qui va à la messe. On devrait dire c’est quelqu’un qui pratique la justice ou qui fait la volonté de Dieu. Le Christ est formel : il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur… il faut  


faire la volonté de mon Père (Mt.7,21).  700 ans auparavant Michée enseignait déjà : On t’a fait savoir homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer avec tendresse et de marcher humblement avec le Seigneur ton Dieu. (Michée 6,8) On dirait que les croyants de tous les temps ont toujours essayé de tricher avec Dieu et de se persuader qu’il suffisait de dire quelques prières et d’accomplir quelque rites liturgiques pour régler la question de nos devoirs envers lui et qu’ensuite, on pourrait faire ce qu’on veut. On a toujours été d’accord pour reconnaître que la prière était absolument nécessaire pour se rapprocher de Dieu et entrer en communion avec lui, mais il semble bien que souvent on ait oublié que  le but de la prière,  en définitive, c’est  de trouver dans cette communion avec Dieu l’inspiration de notre vie et de nos activités. Une prière qui ne débouche pas dans une action est une prière avortée. Consacrer un temps à l’adoration du St Sacrement, c’est très bien, mais on ne peut pas en rester à chanter le Tantun Ergo. L’adoration du Sacrement par lequel le Christ donne sa vie pour nous demande que nous allions jusqu’à donner nous aussi notre vie pour les autres. Bien sûr, ce ne sera pas d’une manière spectaculaire en mourant crucifié sur une croix, ce sera en gardant chaque jour et durant toute la journée une attitude de service envers ceux qui nous entourent. C’est exigeant, mais de toute façon on ne peut pas y échapper : si on prétend être chrétien, il faut faire comme le Christ. Jésus a donné sa vie pour nous, nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères, dit St Jean (1 Si bien que tout cela nous amène à nous demander si notre idéal est toujours d’imiter le Christ à Jean,4,7)travers le service des autres ? Est-ce que c’est cela que nous avons en tête chaque matin quand nous commençons notre journée ?  

nous ne sommes pas de grands criminels ni des pécheurs notoires, mais ce qui ruine notre vie chrétienne et nous maintient dans la médiocrité, c’est que nous nous laissons enfermer dans l’univers étriqué des nécessités immédiates dont il est urgent de s’occuper : la visite de sécurité de la voiture, le repas de midi à préparer, les enfants à aller chercher à l’école,  sans voir plus loin, sans voir leur sens devant Dieu. Je pense souvent à ces ouvriers d’un chantier naval dont parle saint Exupery : le voilier te parle de ses voiles, le charpentier te parle de ses planches le cloutier te parle de ses clous… et tous oublient la mer. Comme si la bonne marche du foyer, l’éducation des enfants n’étaient pas aussi des manières de remplir des tâches que le Seigneur nous confie, comme si ce n’était pas là ce qui constitue l’accomplissement de notre vocation. Obstinément nous persistons à ne voir dans tout cela que des tâches profanes. C’est faux. Mais cette erreur  est ancrée depuis des siècles dans la mentalité des croyants. Avez-vous quelquefois vu une image ou une statue de Notre Dame la montrant en train de faire le ménage ou la cuisine ? Surtout pas. Il est entendu une fois pour toutes que tout ça c’est profane. Désolé, le Seigneur n’a jamais demandé à personne de passer sa vie les mains jointes en récitant son chapelet. L’Evangile est clair : le Seigneur dira aux élus  venez les bénis de mon Père recevoir en partage le Royaume…parce que vous êtes restés tout le temps les mains jointes à dire votre chapelet ? Non mais parce que j’ai eu faim vous m’avez donné à manger …..parce que vous avez fait plein de choses que bêtement vous appelez profanes (Mt.25, 34)

Que retenir de tout cela ?

Cherchez à rentrer par la porte étroite. Produisez des fruits de repentir…Que le droit coule comme l’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit pas. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ? Rien.  Rien d’autre que ce que nous faisons déjà. Mais le faire autrement, le faire en voyant le sens,


la portée, le poids de tout cela devant  Dieu. Continuez à vous occuper de vos voiles, de vos clous et de vos planches,  mais n’oubliez pas la mer. Continuez à vous occuper de la visite de sécurité de votre voiture, de préparer votre repas, de vous occuper de l’éducation de vos enfants, parce que c’est cela que le Seigneur attend de vous. Et n’oubliez pas de perdre un peu de temps à prier parce que c’est en riant que vous découvrirez la valeur de tout ça devant Dieu.


Dimanche  6  Avril  2025

5e dimanche de carême année C (Isaïe 43,16-21)  (Phil.3,8-14)  (Jean 8,1-11)

Les Pharisiens amènent à Jésus une femme surprise en situation d’adultère et l’interrogent : la Loi de Moïse dit qu’il faut lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? La démarche des Pharisiens relève d’un souci de justice : il convient de respecter la Loi. Il n’y a plus de vie possible en société si on ne respecte plus les lois. Personne ne le conteste et Jésus non plus. Seulement il évalue différemment les choses. Pour les Pharisiens, ce qui compte, c’est la Loi, qu’elle soit respectée. Pour Jésus, ce qui compte, ce sont les personnes, qu’elles soient sauvées, restaurées dans une vie digne et honnête. Pour lui, dans le cas présent, ce ne serait  pas assez de venger la Loi bafouée en imposant une sanction, Il veut aller jusqu’à relancer la femme adultère, dans une vie droite en lui accordant le pardon. Pour les Pharisiens, il n’y a pas d’autre solution que la sanction. C’est pourquoi ils posent la question à Jésus : la Loi de Moïse dit qu’il faut lapider les femmes adultères. Et toi, que dis-tu ? Mais derrière leur souci légitime du respect de la Loi, se cache un piège. Si Jésus répond : Non il ne faut pas lapider ces femmes-là, alors il ne respecte pas la Loi de Moïse et se range parmi les impies, s’il dit oui, il faut lapider ces femmes là comme le prescrit la Loi de Moïse, alors il doit cesser de prêcher un enseignement nouveau qui sème le trouble parmi les croyants. Apparemment le dilemme est imparable.

Mais Jésus ne se laisse pas enfermer dans ce dilemme. Pour lui la solution, ce n’est pas la sanction, mais la conversion, fruit du pardon accordé à un vrai repentir.  Pourquoi la solution n’est-elle pas la sanction ? Parce que, même si la crainte de la sanction peut retenir celui qui est tenté d’enfreindre la loi, cela ne résout pas le problème, cela ne fait que le repousser. Dès que les représentants de l’autorité ne sont plus là, les adultères, les voleurs, et les malfaiteurs en tout genre récidivent. La vraie solution c’est que les adultères, les voleurs et les malfaiteurs en tous genres se convertissent. Or qu’est-ce qui peut amener à la conversion ? D’abord et avant  tout, le repentir. Prenant conscience  du mal commis, on le regrette et on décide de changer de conduite. On voit très bien les deux temps du repentir chez le fils prodigue quand il dit : J’irai vers mon père et je lui dirai : père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Par ces paroles il reconnaît sa faute et exprime le regret de sa conduite passée. Et il ajoute : Traite-moi comme un de tes ouvriers. Il exprime là sa volonté de changer de conduite. Désormais, il veut cesser de mener une vie de plaisir et se remettre au travail sous les ordres de son père. Du simple repentir, il passe à la vraie conversion. En plus de la contrition et du regret du passé, il y a la décision de changer et de faire autrement à l’avenir.

Mais plus encore que le repentir, ce qui permet d’arriver à la conversion, c’est le pardon accordé par le Seigneur au pécheur. Car, ainsi qu’il est dit en Ézéchiel, le pardon donné par le Seigneur, en plus d’effacer le péché, donne un cœur nouveau au pécheur et lui donne la force de changer de vie :  Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau……je mettrai mon esprit en vous et JE FERAI QUE vous marchiez selon mes lois et que vous observiez mes coutumes. (Ez.36,2-,27)Le pécheur pardonné est dynamisé. En nous donnant son pardon le Seigneur transfère son cœur dans le nôtre. Nous avons désormais la force de changer de vie.

Les scribes et les pharisiens, un peu dépités de voir que Jésus ne répond pas à leur question le relancent pour qu’il se prononce. Apparemment le Seigneur avait laissé tomber l’affaire et écrivait

sur le sol avec son doigt. Finalement  il se redresse et leur répond en les renvoyant à leur conscience d’une phrase devenue une expression proverbiale  Que celui qui est sans péché,  lui jette  la première pierre, puis il  se remet à écrire sur le sol.Complètement désarçonnés, un par un les scribes et les  pharisiens quittent le terrain. Aucun d’entre eux n’ose condamner la femme qui reste seule avec Jésus. Ce dernier conclut le débat : Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et désormais ne pèche plus. En même temps qu’il l’acquitte, Jésus invite  la femme à la conversion. Il n’est pas venu pour juger mais pour sauver ce qui était perdu. Nous qui lisons cet évangile aujourd’hui nous sommes invités, comme la femme, à ne pas nous enfermer dans le passé même pour regretter le mal qu’il pourrait abriter, mais à marcher désormais vers l’avant, dans l’avenir, avec le Christ. D’ailleurs, Isaïe dans la première lecture nous donnait la même consigne : ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé Et St Paul dans la deuxième lecture insistait lui aussi Oubliant ce qui est en arrière,   c’est-à-dire mon passé de pharisien, et lancé vers l’avant je cours vers le but…auquel Dieu nous appelle …dans le Christ Jésus.

Pour nous aujourd’hui, l’objectif est clair : en ce temps de carême, il s’agit de regarder le Christ, afin de mieux le connaître, l’aimer et le servir et non pas nous tourner vers nous et perdre notre temps à ressasser nos faiblesses et nos péchés, même pour les regretter Le carême n’est pas un moment où il faut lutter contre nos défauts et ses péchés en vue d’améliorer notre standing spirituel, c’est un moment où il faut lutter contre ses défauts et nos péchés  en vue d’être plus comme le Christ, davantage en communion avec lui. Le but, ce n’est pas moi, mon standing spirituel, c’est le Christ,  ma communion avec lui.

Que retenir de tout cela ?

Devant la femme adultère qui a transgressé la Loi, les scribes et les Pharisiens veulent sauver la Loi. Le Christ lui, veut sauver la femme. La justice des pharisiens est une justice de règlement de comptes, qui fonctionne à coups de sanctions et tournée vers le passé. La justice de Jésus est une justice de miséricorde qui fonctionne à coups de pardon et tournée vers l’avenir.

Le pardon du Seigneur n’est pas une simple décision par laquelle  le Seigneur déciderait d’oublier nos fautes et d’effacer  nos péchés passés. En plus de cela, en nous pardonnant, Christ transforme notre cœur, il  nous donne un cœur nouveau, un esprit nouveau, il transfère son cœur dans le nôtre. Forts de la force du Christ, nous pouvons repartir dans un avenir nouveau. Le pardon du Seigneur, c’est un geste d’amour qui nous ré-unifie avec lui, sans que nous l’ayons mérité, par conséquent en toute injustice. Le pardon, c’est l’injustice de l’amour.

Mais nous ne pouvons pas nous contenter  d’applaudir le Seigneur qui nous pardonne encore et toujours sans jamais se décourager devant nos rechutes. Nous aussi nous devons pardonner à ceux qui nous font du tort. Le Seigneur est clair sur ce point. Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi, mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes. (Mt.6,14)

Dimanche  30  mars  2025

4e dimanche de carême année C (Josué 5, 9a, 1-41)  (2Cor.5,17-21)  (Luc 15,1-3. 11-32)

Les pharisiens et les scribes avaient de bonnes raisons de récriminer. Ils trouvaient les manières de faire de Jésus choquantes. Il adressait la parole à des dissidents comme les Samaritains, il s’approchait d’intouchables comme les lépreux, il fréquentait les pécheurs et mangeait à leur table. Par contre, il critiquait durement les prêtres, et s’en prenait souvent aux docteurs de la Loi et aux  pharisiens, pourtant observateurs minutieux des moindres prescriptions de la Loi. Un tel non-conformisme ne pouvait que   provoquer des réactions de méfiance sinon d’hostilité.

De plus on en était resté à la prédication de Jean Baptiste qui annonçait la venue du Messie comme celle d’un justicier sévère. Il apostrophait ses auditeurs sans ménagements : Bande de vipères repentez-vous, déjà la cognée est à la racine des arbres, tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. (Luc 3,7,9) Jésus au contraire délivrait un message de miséricorde et de réconciliation. Il enseignait que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. (Jean 3,17), il expliquait  que le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. (Luc 19,10) et qu’il y avait plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. (Luc 15,7) Avec la parabole de l’enfant prodigue, il va essayer, une fois encore, de faire comprendre qu’il n’est pas venu pour condamner mais pour sauver et rattraper ce qui était perdu.

Le fils prodigue ne vole rien à personne. Il demande à son père la part d’héritage qui lui revient. Son père la lui remet. Tout cela est légal. Mais sa démarche du fils prodigue n’en est pas moins profondément choquante. Emporté par un égoïsme sans retenue, il ne pense qu’à lui, il ne pense qu’à satisfaire tous ses désirs, à s’accorder tous les plaisirs dont il a envie, en toute indépendance, sans s’occuper de personne. Il se moque pas mal de laisser tout le travail de la ferme à son père et à son frère, il n’a pas une pensée pour sa mère dont l’évangile ne nous parle pas mais qui devait être bien malheureuse de voir son enfant quitter la maison. Une fois parti, il dépense tout ce qu’il a à faire la fête, et son argent épuisé, il se retrouve dans une misère noire, réduit à garder les cochons, ce qui pour les  Juifs est le comble de la déchéance, le porc étant pour eux un animal impur. Alors  il décida de rentrer chez lui et de  demander pardon à son père : je dirai à mon père : j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils …et St Luc explique il rentra en lui-même et se dit les ouvriers de mon père on du pain à satiété et moi je meurs de faim.

Qu’est-ce ce que cela veut dire exactement il rentra en lui- même ? je trouve le texte de l’évangile en malgache plus clair qui dit : izay vao nody ny sainy c’est-à-dire mot à mot  à ce moment là, son intelligence lui est revenue, autrement dit : il retrouve ses esprits. Ce qui laisse entendre que lorsqu’on se laisse emporter par la tentation, on n’est plus soi-même, on a perdu son bon sens et son jugement, on est hors de soi, le démon nous plonge dans un monde d’illusions et quand on se convertit on revient dans le monde réel. C’est bien ce qui est arrivé au fils prodigue. Le démon l’a trompé, lui faisant miroiter la perspective d’une vie de plaisir, bien plus attirante que de labourer les champs ou de nettoyer les étables, mais en lui cachant la grossièreté de sa conduite, la peine qu’il cause aux siens en les quittant et surtout le fait que sa vie de plaisir n’aura qu’un temps et qu’une fois qu’il aura dépensé tout son argent  il se retrouvera dans la misère Il a réussi à lui faire perdre son bon sens et son jugement. Mais quand il se convertit, le prodigue retrouve ses esprits et rejoint le monde réel.

                                                         Il s’attendait, bien sûr, à se faire accueillir fraîchement par son père qui lui ferait des reproches mérités. Mais les choses se passent tout autrement. Il est encore loin de sa maison lorsque son père, l’aperçoit et , pris de pitié, court se jeter à son cou. Le fils prodigue n’a même pas le temps de finir son petit discours d’excuses, à peine a-t-il commencé à demander pardon, que son père lui coupe la parole et l’embrasse, appelle ses serviteurs et le malheureux prodigue en haillons, pieds nus, misérable, se retrouve habillé de neuf, des sandales aux pieds, son père lui passe même un anneau au doigt, signe qu’il est réintégré dans la famille et restauré dans sa dignité de fils. Et tout le monde passe à table pour le festin des retrouvailles. Le message est clair. Jésus veut nous faire comprendre l’attitude de notre Père du ciel. Blessé par nos offenses, loin de ressasser sa rancœur et de guetter la première occasion pour nous punir,  il est malheureux de voir la misère dans laquelle nous plongent  nos errances. Il le disait déjà en Jérémie : Est-ce bien moi qu’ils blessent avec leurs péchés, n’est-ce pas plutôt eux-mêmes pour leur propre confusion ? C’est pourquoi, tel le père du prodigue  dans la parabole, il guette notre  premier mouvement de repentir  pour nous pardonner et nous faire rentrer à nouveau dans l’intimité familiale.

Mais la parabole ne s’arrête pas là. L’apparition du fils aîné vient troubler l’atmosphère euphorique et gâcher la fête. En entendant la musique et les danses célébrant le retour de son frère, il se laisse emporter par la colère et la jalousie. Il refuse de se joindre à la fête. Il trouve injuste qu’on fasse la fête pour le retour de son frère, alors que son père n’en a jamais fait autant pour lui qui a toujours été un fils obéissant et dévoué. C’est vrai qu’il s’est toujours conduit mieux que son frère. Mais est-ce que cela lui donne le droit d’exiger quoi que ce soit de son père ? Il n’a pas mérité d’être le fils de son père. Son père lui a donné la vie sans qu’il y soit pour quelque chose. Dans son amour et sa tendresse, son père l’a accueilli dans la chaleur du foyer et lui a toujours donné accès à tout. Avec raison il peut lui dire : Tout ce qui est à moi est à toi. Moi, ton père, je t’ai tout donné. Tout ce que tu as, tu l’as reçu de moi. Tu n’as aucun droit à exiger de moi quoi que ce soit. A travers le comportement du fils ainé, c’est celui des Pharisiens que le Christ condamne ici. Les Pharisiens estiment que compte tenu de leur observation scrupuleuse des moindres prescriptions de la Loi, ils ont le droit d’exiger de Dieu quelque chose en retour. Pour nous aujourd’hui, cela veut dire que nous non plus, nous ne pouvons jamais nous considérer comme des justes, ayant des droits et pouvant exiger du Seigneur quelque chose en retour. Si nous sommes des gens honnêtes et d’assez bons chrétiens, nous le devons surtout au Seigneur qui nous en rend capables. Rappelons-nous la parole de St Paul : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? Et si vous l’avez reçu, pourquoi vous enorgueillir comme si vous ne l’aviez pas reçu ? (1Cor.4,7)

Que retenir de tout cela ?

L’histoire de l’enfant prodigue nous permet de découvrir comment dans la tentation le démon, menteur et père du mensonge, comme dit st Jean (8,44) nous fait perdre notre bon et notre jugement et nous plonge dans l’illusion. tandis que  la conversion au contraire, nous ramène dans la vérité du réel.

Mais le  but principal de Jésus à travers cette parabole est de nous faire réaliser que notre Père du ciel nous aime d’un amour inconditionnel. Sans jamais se lasser, toujours, il est prêt à passer par-dessus nos manquements. Il n’a pas envoyé son Fils parmi nous pour mener une expédition punitive mais pour sauver ce qui était perdu Au moindre signe de repentir de notre part, comme le père de l’enfant prodigue qui guette le retour de son fils au bord du chemin, il vient au-devant de nous pour nous réintégrer dans la tendresse de l’intimité familiale. Nous sommes confus et émerveillés d’être aimés à ce point, malgré nos offenses et nos infidélités. Il demeure celui qui nous disait déjà dans Jérémie Je ne cesserai pas de vous faire du bien. Je trouverai ma joie à vous faire du bien. (Jr 32, 40,41)

Notre sœur la cendre 5 mars 2025

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Homélie Cendres 2025

Chers frères et sœurs,  

Ce matin j’ai fait un petit feu de buis dans mon jardin pour préparer les cendres !

Et lorsque les rameaux se sont enflammés j’ai pensé à ce grand feu que nous ferons dans 40 jours pour la vigile pascale, accompagnant les catéchumènes pour le grand jour de leur baptême.

Ça y est, nous y sommes, c’est le carême ! Le chemin de conversion qui nous conduira à Pâques s’ouvre aujourd’hui.  

En effet, dans un instant nous recevront un peu de cendre sur le front et nous entendrons la parole : Convertis-toi et crois à l’Evangile !

Notre sœur la cendre pour parler comme St François est bonne conseillère : elle nous dit tu vois ce que je suis, eh bien dans peu de temps tu seras comme moi. Autrement dit dépêche-toi de te convertir, de vivre l’essentiel car notre sœur la mort arrive vite !

Mais qu’est-ce que la conversion ?

La conversion, ou metanoïa, dans les Evangiles, « c’est un mouvement de retournement de tout l’être vers Dieu », comme quelqu’un qui de nouveau regarderait le visage de celui à qui il tournait le dos parce qu’il était fâché. Il s’agit non seulement de tourner son regard vers Dieu mais tout son être, c’est à dire revenir à Dieu de tout notre cœur, comme disait le prophète Joel dans la première lecture.  

Et c’est là que l’évangile que nous venons d’entendre peut nous aider. Nous sommes dans le sermon sur la Montagne dans l’Evangile de Matthieu. Jésus parle à ses disciples de ce qui est essentiel pour lui. Et s’il y a quelque chose qui est important pour Jésus c’est d’être vrai, et libre…Se libérer du regard des autres.

Jésus nous parle de l’aumône, le fait de partager avec ceux qui ont besoin, de la prière et du jeûne qui étaient à son époque les trois pratiques fondamentales de la religion juive.

Le Père nous voit dans le secret et le carême est fait pour être avec lui dans le secret du cœur.  

Mais comment revenir à lui?

Par la prière d’abord. La prière c’est regarder Jésus, le visage du Père, le regarder tellement pendant ces 40 jours que nous l’aimerons davantage et que nous lui ressemblerons à force de le regarder, alors se dissipera notre laideur et reviendra sur notre visage la joie d’être aimé. Comment le regarder ? En lisant


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une page d’évangile chaque jour et en contemplant sa manière d’être, de parler, d’agir, ou bien en contemplant une icône ou répétant pendant la journée une parole de psaume, une parole de l’Evangile qui exprime ce que nous portons dans le coeur…Je vous promets que si vous faites cela vous ne serez plus les mêmes à Pâques…Qui regarde vers Dieu resplendira…

Faire ainsi c’est revenir à Dieu de tout notre cœur, comme disait le prophète Joel, c’est déchirer son cœur et non pas ses vêtements.

Ensuite à chacun de voir ce qui sera meilleur l’aider

-Ce pourra être se libérer de ces réflexes qui viennent de la peur de manquer, ou de la peur du vide qui nous conduisent à nous remplir de ce qui nourrit mal : nourriture, informations, écrans, relations superficielles sur les réseaux. Cette peur fondamentale qui nous empêche si bien d’être en relation à Dieu : c’est le sens du jeûne, découvrir que je peux me remplacer tout cela par l’écoute de la parole (cf Mt 4,4)

l’aumône, c’est-à-dire le partage m’aidera aussi à revenir à Dieu, parce que lui-même est amour, don de soi, partage. Partager de l’argent, mais si on n’en a pas il y a encore beaucoup de richesses que l’on peut partager : un sourire, passer un coup de fil à une personne qui en a besoin, partager de son temps pour rendre service.

Tout cela fera grandir la joie dans ma vie.  

Amen


Dimanche 26 janvier 2025

(Néhémie 8,2-4a.5-6,8-10) (1Cor.12,12-14.27) (Luc1,1-4 ; 4,14-21)  

La deuxième partie de cet évangile nous rapporte la première prédication de Jésus à Nazareth tandis que dans la première partie St Luc nous parle de sa décision d’écrire son évangile J’en profite pour retracer avec vous l’histoire de la composition des quatre évangiles par St Mt, St Marc, St Luc et St Jean.

Dès qu’ils eurent reçu l’Esprit Saint à la Pentecôte, les apôtres commencèrent à annoncer partout l’Evangile. Il n’y avait pas encore de texte écrit. Ils rapportaient de mémoire ce que leurs yeux avaient vu et ce que leurs oreilles avaient entendu. Mais bientôt le nombre de fidèles augmentant considérablement, le nombre des prédicateurs s’accrut aussi et beaucoup d’entre eux n’étaient pas des témoins oculaires ayant suivi Jésus. Pour éviter les erreurs et les inexactitudes, on a donc commencé à écrire des petits résumés d’abord concernant seulement la Passion et la Résurrection, puis, pour répondre aux questions de nouveaux convertis qui voulaient toujours en savoir davantage sur Jésus, on a mis par écrit  les principaux enseignements de Jésus et le récit de certains de ses miracles, c’est ce qui a donné les évangiles que nous connaissons aujourd’hui. Les convertis venant de milieux différents, il fallait présenter l’enseignement du Christ de manière adaptée à leur culture et à leur mentalité particulière. Aux Juifs qui se convertissaient, il fallait expliquer bien clairement que l’enseignement de Jésus ne détruisait pas celui de la Loi et des prophètes mais en réalisait l’accomplissement. C’est pourquoi St Matthieu qui écrit son évangile pour eux cite 53 fois l’A.T., plus que les trois autres évangélistes réunis, afin de souligner : ceci s’est passé afin que se réalise telle parole de tel prophète. St Marc qui écrit son évangile pour des convertis venant de milieux Romains et St Luc qui écrit le sien pour des convertis de culture grecque, écrivirent eux aussi un évangile rapportant l’ensemble de l’enseignement de Jésus et de ses miracles ainsi que les détails principaux de sa vie, mais adapté aux besoins de leur public respectif et sans trop citer les Ecritures juives que leur public ne connaît guère.

Selon les exégètes (spécialistes de l’Ecriture Sainte) Mt et Luc écrits vers les année 80,90, se seraient inspirés de l’évangile de Marc écrit quelques années auparavant vers les années 65,70 et d’une autre source aujourd’hui disparue. Ce qui explique qu’on peut relevcr 330 versets communs aux évangiles de MT, Marc et Luc . On les appelle synoptiques parce que ces trois évangiles  présentent de grandes ressemblances. Le quatrième évangile, écrit par St Jean dans les toutes dernières années du premier siècle, donne un écho de l’enseignement du Christ plus personnel. St Jean rapporte  de nouveaux récits qu’on ne trouve pas chez Mt. Marc ou Luc, mais ne se croit pas obligé de répéter ce que les rois autre évangiles ont déjà exposé. C’est ainsi qu’il consacre cinq chapitres à la veillée du Jeudi Saint, beaucoup plus que les autres évangiles,  racontant  longuement le lavement des pieds dont ne parlent pas les autres évangiles, mais il ne rapporte pas l’institution de l’Eucharistie déjà  mentionnée par les trois autres évangiles.

Quel était le but exact des auteurs lorsqu’ils ont écrit leur évangile ? Ils voulaient présenter un exposé de l’enseignement de Jésus sur la base  d’informations précises, comme le souligne St


Luc, afin que les catéchumènes  puissent bien se rendre compte de la solidité des enseignements reçus (Luc 1,4)  …pour qu’ils croient que  Jésus est le Christ , le Fils de Dieu et pour que, en croyant ils aient la vie en son nom. (Jean 20,31) Il ne faut donc pas chercher dans les évangiles une biographie racontant toutes les péripéties de la vie de Jésus. Ils nous disent très peu de choses sur son enfance et sur les années qu’il a passées à Nazareth  qu’on appelle la vie cachée de Jésus. Ils ne nous parlent que  de l’enseignement qu’il a donné et des miracles qu’il a fait au cours des trois années de sa vie publique. Et encore ils ne nous donnent pas   un compte rendu exhaustif de tout ce qu’il a dit, ni de tous les miracles qu’il a accomplis.  St Jean le dit d’ailleurs explicitement vers la fin de son évangile : Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d’autres miracles qui ne sont pas rapportés dans ce livre. (Jean 20,30)

Voilà donc ce que sont les évangiles, pourquoi et comment ils ont été écrits.

Dans la deuxième partie de l’évangile d’aujourd’hui, Jésus, qui est entré dans la synagogue de Nazareth lit pour l’assemblée un passage du prophète Isaïe : L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Après quoi, s’étant assis, il ajoute : Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. Sous-entendu parce qu’il parle de moi. Il ne le dit pas ouvertement, mais il laisse entendre qu’il est le Messie La suite de l’évangile que nous ne lisons pas dans la liturgie d’aujourd’hui nous rapporte que les auditeurs d’abord ravis d’entendre les paroles de Jésus commencèrent à s’opposer violemment à lui : N’est-ce pas là le fils de Joseph ? Sous-entendu : pour qui se prend-il ? Et comme ils voulaient s’en prendre à lui, Jésus dût partir précipitamment. Cela montre que même des croyants a priori bien disposés n’arrivent pas à se libérer de leurs préjugés ce qui peut les amener jusqu’à rejeter Dieu. Pour les gens de Nazareth, le Messie ne pouvait pas être un charpentier de village. Dieu, ils étaient pour, le Messie, ils étaient pour, mais à condition qu’il soit comme ils se l’imaginaient. Mais Dieu dépasse tout ce qu’on peut penser  ou dire de lui, comme l’exprime très bien une hymne attribué à St Grégoire de Naziance : O Toi, l’au-delà de tout… Quel langage te dira ? Aucun mot ne t’exprime. A quoi l’esprit t’attachera-t-il ? Tu dépasses toute intelligence.

Aujourd’hui encore, malgré toute notre bonne volonté de croyants sincères nous restons prisonniers de bien des préjugés qui handicapent notre manière de pratiquer notre religion. Pensez à la façon dont nous catholiques romains restons scotchés sur la forme actuelle du sacerdoce comme si c’était un dogme de même ordre que la Trinité ou l’Incarnation !   A l’idée qu’il puisse y avoir des prêtres mariés, les cheveux de  bien des chrétiens se dressent sur leur  tête, alors qu’il y a déjà dans l’Eglise catholique de rite maronite des prêtres mariés et que théologiquement rien ne s’oppose à l’ordination de prêtres mariés ni d’ailleurs à l’ordination de femmes. On met sur le même plan le respect qu’on peut avoir pour les  coutumes culturelles d’une époque et le respect qu’on doit avoir pour les dogmes éternels. Il y a, de nos jours, une manière de s’accrocher au passé qui hélas, ressemble fort à l’attitude des prêtres, des scribes, des docteurs de la Loi et des pharisiens profondément hostiles au Christ parce qu’il renouvelait l’enseignement de l’Ecriture et de la Tradition. Dans l’Evangile, le Christ bouscule l’immobilisme de L’Eglise de son temps. Chaque fois qu’on veut le retenir quelque part, le Seigneur refuse et invite les siens à repartir, à aller de l’avant : Allons ailleurs dans les bourgs voisins pour que j’y prêche aussi l’évangile.


(Marc 1,37 ) Fidèle à la manière de faire du Christ, L’Eglise a toujours évolué au long des âges et continue d’évoluer. Regardez combien notre façon de participer à la messe s’est considérablement améliorée par rapport à ce qu’elle était il y a cinquante ou quatre-vingts ans.

(Marc 1,37) Je ne sais pas, vous ne savez pas, personne ne sait ce que l’avenir nous réserve. Mais il y aura encore certainement des changements, des réformes, des changements dans notre manière de croire, de prier. Et alors ? Pas de quoi s’affoler. Le Christ va de l’avant. Si nous prétendons être des siens, allons nous aussi de l’avant, avec lui.

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4°Dimanche de l’Avent,  22  Décembre 2024.

Michée (5,1-4a)  Heb. (10,5-10)  Luc (1,39-45)

Elizabeth était âgée et elle allait accoucher. Elle avait besoin d’aide. Marie, sa cousine n’a pas hésité. Elle a traversé tout le pays, du Nord au Sud, de Nazareth en Galilée jusqu’au village d’Aïn Karin  en Judée où habitait Elizabeth. Elle a l’a trouvée rayonnante ! Celle qu’on méprisait parce qu’elle était stérile, voilà qu’elle attendait un enfant ! Ne pas avoir d’enfant était considéré comme une honte ou un châtiment. Dans toutes les familles juives, les enfants étaient regardés comme une bénédiction divine. Et puis surtout comme chacun vivait dans l’attente du Messie, les époux qui avaient des enfants, pouvaient se dire ; peut-être que nous ne verrons pas le  Messie, mais notre descendance, elle, le verra.

Anne et Zacharie étaient un cas à part. On avait vu Zacharie qui était prêtre sortir un jour du temple où il officiait,  fort troublé et devenu soudainement muet. En communiquant par gestes ou par écrit il avait expliqué qu’il avait eu une vision : pendant qu’il officiait un ange lui avait annoncé la naissance d’un fils. Tout le monde était au courant………………….. Marie, Zacharie, Anne, des gens ordinaires, des villageois comme les autres. Les voilà désormais bien en vue, sortis de l’anonymat par le Seigneur qui les appelle à une destinée tout à fait extraordinaire. Lorsqu’ils prennent conscience de ce qui leur arrive, ils laissent éclater leur joie qui s’exprime encore aujourd’hui dans ce qu’on appelle le cantique de Zacharie et le Magnificat.

Mais devant la destinée hors du commun de Marie, d’Anne et de Zacharie, je crains fort que nous en tirions la conclusion fausse qu’une vocation c’est toujours l’histoire d’un homme ou d’une femme que le Seigneur met à part  pour un destin hors du commun, tandis que la masse des autres serait laissée de côté. Comme si notre Père du ciel avait des projets pour certains de ses enfants qu’il appellerait à une tâche spéciale tandis qu’il ne s’occuperait pas des autres ! Impensable ! Sans le dire tout haut, au fond, nous pensons que la vocation c’est toujours et uniquement vocation au sacerdoce ou à la vie religieuse. D’ailleurs, c’est un fait, lors des journées de prières pour les vocations on ne prie que pour les vocations sacerdotales et religieuses. Les prêtres, les religieux, les religieuses seraient-ils les vrais enfants de Dieu ceux pour qui il a des projets tandis que les laïcs, seraient des enfants de Dieude second choix , pour ne pas dire des bâtards ! Quelle horreur ! Notre Dieu est un Père. Même les pères de la terre ont le souci de tous leurs enfants. Ils n’en laisseraient jamais un de côté. A plus forte raison notre Père du ciel. Il a des projets pour chacun d’entre nous.

Zacharie, un ange lui est apparu. Marie, l’ange Gabriel lui a annoncé ce qui allait advenir, St Paul a été jeté à bas de son cheval lors d ’une vision sur le chemin de Damas. Est-ce que cela veut dire que toute vocation doit se dérouler dans le cadre d’un scenario spectaculaire ? Pas du tout, mais on peut être tenté de le croire. Or, c’est un fait, les vocations se déroulent de manière beaucoup plus discrète. Concrètement, comment ça se passe ?  La plupart du temps, c’est une parole qui touche profondément la personne qui est appelée et elle comprend qu’elle doit orienter sa vie dans telle ou telle direction. Comment se fait-il que si peu de personnes se sentent appelées ?  A mon avis, c’est parce que nous ne croyons pas vraiment que le Seigneur communique  et de façon habituelle, avec chacun d’entre nous. Facilement nous pensons qu’il ne parle pas à des gens insignifiants  comme nous, nous voyons Dieu comme le PDG d’une énorme multinationale qui ne peut pas avoir de relations personnelles  avec chacun de ses employés et non pas comme un Père qui a des projets pour chacun de ses enfants. Comme  on pense qu’il n’y a rien à entendre, , parce qu’il ne communique guère avec de gens simples comme nous,on ne cherche pas à écouter. Voilà pourquoi si peu de personnes se sentent appelées. Concrètement que faudrait-il faire ?  Où est le problème ? Ce n’est pas le Seigneur qui n’appelle pas, c’est nous qui n’entendons pas. Concrètement que faut-il faire pour arriver à repérer les appels du Seigneur ?  

D’abord raviver notre foi en Dieu, Père qui s’intéresse à moi comme à n’importe lequel de ses enfants.et non pas comme le PDG d’une multinationale qui ne peut pas s’intéresser à chacun de ses employés. Et ensuite se mettre à l’écouter et à l’interroger, comme    St François d’Assise qui demandait fréquemment dans sa prière : Seigneur, que veux-tu que je fasse ? Nous pourrions faire cette prière tous les matins au départ de nos journées, car chaque jour, le Seigneur espère de nous quelque chose. Ne rêvons  pas de visions ou d’ apparitions. Le Seigneur vient au fil de nos idées nous tentant d’aller vers le bien comme le diable vient au fil de nos idées nous tenter d’aller vers le mal. Généralement nous savons reconnaître après avoir fait une mauvaise action : le diable m’a tenté. Comment se fait-il que nous acceptions que le diable intervient  dans nos vies pour nous tenter de faire le mal et que nous n’acceptions pas que le Seigneur puisse intervenir lui aussi pour nous tenter de faire le bien ? Ne disons pas trop vite ; mais non, ces idées là, ça ne vient pas de Dieu, ça vient de mon imagination. Il ne faut pas prendre les vessies pour des lanternes. D’accord. Mais ce  n’est pas une raison pour prendre prendre les lanternes pour des vessies.

Que retenir de tout cela ?

Dans son amour pour nous, le Seigneur appelle chacun d’entre nous à une tâche précise ici-bas. Il ne laisse personne de côté. Chacun de nous fait l’objet d’une vocation. Il est donc capital pour chacun de discerner sa vocation, sous peine de passer à côté de sa. Prions le Seigneur avec le psaume : Fais-moi comprendre et je vivrai. (Ps.118,144) Fais-moi comprendre ce que Tu attends de moi et je vivrai à plein, comprenant l’importance, l’envergure et la valeur de ma vie.

Des apparitions, des visions, des miracles accompagnent certaines vocations dans la Bible. Cela ne veut absolument pas dire qu’une vocation ne peut voir le jour que dans le cadre d’apparitions,  de visions ou de miracles spectaculaires. La plupart du temps une vocation naît d’une pensée que le Seigneur fait éclore dans le secret du cœur de celui qu’il appelle et le conduit à orienter ses décisions..

 Un jour, sans doute lassé de voir qu’on le comprenait pas, le Christ   a posé brutalement la question : Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? (Jean 8,43) Il pourrait encore aujourd’hui, nous poser la même question. Et il a répondu lui-même à la question qu’il avait posée à ses auditeurs. Il n’a pas dit Vous ne comprenez pas mon langage parce que vous ne voulez pas, il a dit Vous ne comprenez pas mon langage parce que vous ne pouvez pas. Et pourquoi ne pouvaient-ils pas comprendre ? Parce qu’ils s’étaient endurcis dans leurs préjugés. Pour eux Dieu ne pouvait pas s’introduire dans la banalité de leur vie quotidienne. D’après eux, il devait garder son rang. Si Dieu leur parlait ce ne pouvait être que dans le fracas du tonnerre et dans un grand déploiement de prodiges spectaculaires et de toute façon s’ il parlait aux hommes, cela ne pouvait être qu’à de gens importants des prophètes, des grands prêtres et pas à d’obscurs croyants.

Devant la crèche de Noël, devant Dieu qui se fait petit enfant, laissons tomber nos préjugés et taisons nous. Lui qui était de condition divine ne s’est pas accroché à son rang, il s’est fait le plus petit possible pour nous relever et nous rehausser jusqu’à lui. C’est fou ! c’est vrai ! mais St Paul l’a constaté avant nous, ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes. (1Cor 1,25)

Dimanche 27 Octobre 2024

30e dimanche T.O. B Jérémie (31,7-9)  Hébreux (5, 1-6) Marc (10,46b-52)

Voilà une histoire qui se termine bien. Au début Bartimée est aveugle, à la fin il voit clair. Au début, c’est un mendiant, un clochard, un exclu. Il n’est pas dans le match, il est sur la touche, assis sur le côté de la route. A la fin du récit il est rentré dans le match, il est intégré à l’équipe des disciples. Avec  eux, il suit Jésus sur le chemin.

Il était aveugle, mais ce n’était pas un paumé. Comme tout le monde, il avait entendu parler de Jésus et, réfléchissant en lui-même sur ce qu’on lui avait rapporté, il avait reconnu en lui le Messie. Il était aveugle, mais il voyait clair. Quand il a entendu Jésus et la foule qui l’accompagnait arriver, il l’a salué du titre traditionnellement réservé au Messie :  Fils de David, prends pitié de moi ! ça n’a pas plu. On a essayé de le faire taire. On voulait bien reconnaître en Jésus un prophète à l’enseignement remarquable et aux miracles impressionnants, mais pas au point de voir en lui le Messie. Mais l’aveugle, obstiné, n’en criait que plus fort : Fils de David, prends pitié de moi ! Jésus s’arrête alors et le fait appeler. Du coup la foule qui le rabrouait fait volte-face et l’encourage : Lève-toi, il t’appelle. Et lui, jetant son manteau, court vers Jésus.

Peu familiers avec la culture juive, la signification de ce geste risque de nous échapper. Le manteau symbolise l’état, la personnalité de celui qui le porte. Quand Élie jette son manteau sur Élisée, (1Rois19,16) son manteau était le symbole de sa condition de prophète, il jette sur Élisée la condition de prophète dont il le recouvre, il en fait son disciple. Quand l’aveugle jette son manteau, cela veut dire qu’il rejette l’état dans lequel il était jusque-là pour prendre un nouveau départ. Les gens l’ avaient d’ailleurs poussé à prendre ce nouveau départ, car le mot qu’ils emploient en lui disant lève-toi ne veut pas dire simplement : ne reste pas assis, mets-toi debout. Dans le grec de l’évangile, il signifie aussi ressusciter, repartir dans une nouvelle vie.

   Voilà que, arrivé devant Jésus celui-ci lui demande : Que veux tu que je fasse pour toi ? Pourquoi Jésus pose-t-il cette question ? Il sait très bien ce que désire ce pauvre aveugle. Mais il veut que Bartimée exprime tout haut sa demande, manifestant ainsi sa confiance, sa foi. Il sera alors clair pour tout le monde qu’un miracle c’est un geste religieux, c’est la réponse à une prière faite avec foi, et non pas une sorte de coup de force de la toute puissance divine. Jésus n’accorde pas salut, grâce ou guérison, à celui qui ne demande rien. Dieu ne vient pas au secours de celui qui reste couché, dit un proverbe malgache, que ce soit par découragement, paresse ou désespoir qu’il reste couché. Dans sa délicatesse, le Seigneur veut que nous participions à notre salut. Il ne veut pas nous sauver comme on tire de l’eau une épave inerte, mais comme on tire de l’eau un nageur en difficulté qui tend la main vers son sauveteur. Tout heureux de voir l’aveugle jeter son manteau, bondir, courir vers lui et lui demander : Rabbouni, fais que je retrouve la vue, Jésus lui dit : Va, ta foi t’a sauvé ! Aussitôt Bartimée recouvra la vue. Mais St Luc n’arrête pas là son récit,  il ajoute que Bartimée  se mit à la suite de Jésus. Il y a là comme un deuxième miracle du Seigneur. Il n’a pas seulement rendu la vue à Bartimée, il en a fait un disciple.

Comment Bartimée s’est il retrouvé disciple du Seigneur ? Reprenons son cheminement depuis le départ.  Comment se fait-il qu’il soit là, sur le passage du Christ ? Comment se fait-il qu’il l’appelle à son secours ? Il y avait sûrement d’autres aveugles dans la région. Ils ne se sont pas déplacés. Pourquoi lui, Bartimée s’est-il mis en route ? Il faut qu’il ait entendu parler de Jésus, de son enseignement et de ses miracles, mais surtout il faut qu’il ait réfléchi sur tout cela. Et peut-être que justement parce que, étant aveugle, il n’était pas distrait par tout ce qui aurait pu retenir son attention s’il avait été un voyant, il pouvait se concentrer plus facilement sur ce qu’il ressentait intérieurement, réfléchir, méditer là-dessus et finalement il en a conclu : quelqu’un qui parle comme ce Jésus, qui fait des miracles comme ce Jésus , ça doit être le Messie. Alors il est parti de là où il habitait, il s’est mis en route et il a supplié Jésus : Fais que je retrouve la vue Mais le Seigneur a fait davantage, il a donné bien plus que ce qui lui était demandé.

 En disant à Bartimée : Va, ta foi t’a sauvé il le reconnait comme sien, comme disciple, et il l’envoie témoigner : Va ! Il n’y a pas là un miracle, mais deux. Premier miracle Bartimée recouvre la vue. Deuxième miracle Bartimée se retrouve disciple. Il était venu simplement demander de recouvrer la vue, il se retrouve, en plus, disciple. St Paul parlera plus tard du Seigneur comme de celui   dont la puissance agissant en nous peut faire bien plus, infiniment plus que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer. (Eph.3,20)

Dans l’histoire de Bartimée, il y a pour nous un enseignement précieux : Dans son malheur d’être aveugle, il avait la chance de ne pas pouvoir être distrait par tout ce qu’il avait sous les yeux, et il avait tout le temps de réfléchir sur ce qu’il ressentait intérieurement. Et c’est à partir de cela qu’il s’est mis en route pour aller se poster sur le chemin du Seigneur. Nous autres, nous sommes bien souvent tiraillés de tous côtés, l’esprit encombré d’une foule de préoccupations, sautant d’une tâche à une autre. Nous pourrions peut-être faire comme Bartimée, prendre le temps de réfléchir sur tout ce que nous avons ressenti intérieurement et relever ce qui nous a touchés et rapprochés de Dieu pendant la journée : la beauté de la nature en automne, quelque chose que nous avons surpris en regardant la télé, ou dans une conversation, en voyant le dévouement et la générosité de quelqu’un, en écoutant une homélie ou une lecture de l’Écriture à la messe. On nous a appris à faire notre examen de conscience pour voir le mal que nous avons fait et nous en repentir, c’est très bien. Mais pourquoi examiner sa journée pour n’y rechercher et n’y voir que le mal ? C’est absurde. Il faut être tordu pour faire ça. Pourquoi ne pas regarder aussi tout ce qui s’est passé de bien et qui est la trace de Dieu dans nos journées ? Parce qu’il n’y a qu’une source de bien dans le monde, c’est Dieu. Alors assez de temps perdu. Mettons nous sérieusement à recenser tout ce que nous avons vu, senti, éprouvé, dit ou fait de bien dans nos journées. Même s’il s’agit de choses banales et ordinaires. Dieu est là. Si on nous disait que le Christ vient d’apparaître sur la Place de la Concorde, entouré d’une escorte d’anges en grand uniforme, avec chacun une paire d’ailes dorées dans le dos, ce serait la ruée, mais comme il est là en permanence dans le dévouement discret mais soutenu à toute heure du jour et de la nuit du personnel soignant des hôpitaux et des Ephad, dans le quotidien pas spectaculaire du tout de tant d’ obscurs prêtres de paroisse au service de tous, dans les efforts  soutenus dans les familles pour que chacun  de leurs membres puisse être heureux, personne ne s’en aperçoit. Nous sommes tous des disciples d’Emmaüs, cheminant tristement, accablés par l’absence de Dieu sans voir qu’il et là marchant  à nos côtés. Chaque fois qu’il y a quelque part dans le monde quelque chose de bien, Dieu est là. Chaque fois que quelque part dans le monde quelqu’un dit ou fait quelque chose de bien, Dieu est là. Est-ce que nous savons le voir ? Au lieu de méditer et de contempler Bartimée nous ferions mieux de faire comme lui et de supplier le Seigneur Fais que je recouvre la vue !

Que retenir de tout cela ?

Dans cet évangile, il y a le miracle où Jésus guérit Bartimée de sa cécité et puis il y a le miracle spirituel où le Seigneur transforme le mendiant, le clochard, l’exclu, en disciple. Mais pourquoi tout cela s’est-il passé ? parce que Bartimée, touché par ce qu’il avait entendu dire de Jésus,  touché par ce qu’il avait ressenti au fond de son cœur a reconnu : ça, c’est le Seigneur, c’est lui qui est là.

                        Aujourd’hui encore, le Seigneur passe au milieu de nous. Saurons-nous le reconnaître ? Pensons à reconnaître chaque jour tout ce qui est beau, tout ce qui a été bon, tout ce qui a été bien et qui est la trace de Dieu dans nos journées. Il est là, prêt à nous guérir de nos aveuglements, à l’affût, guettant u signe, un appel de notre part, pour y répondre. Ne laissons pas passer notre chance.

les trois regards de Jésus

Mc 10, 17-30

L’Évangile que nous venons d’entendre nous raconte une histoire de rencontre qui se termine mal entre Jésus et un homme riche. Ce qui conduit Jésus à nous dire que les richesses rendent très difficile l’entrée dans le Royaume de Dieu.

Pour nous guider dans cet évangile, je vous propose de nous laisser guider les trois regards de Jésus qui rythment ce passage.

Le premier regard de Jésus, c’est le regard pour cet homme qui accourt et s’agenouille devant lui alors que Jésus se met en route. Cet homme demande : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Jésus ne lui permet pas de l’appeler bon, sans doute parce qu’il soupçonne derrière ce qualificatif, une forme de flatterie, une manière pour l’homme de s’attirer les faveurs de Jésus. Or Jésus ne veut jamais être obligé par personne, à quoi que ce soit. Jésus ne suit que la volonté de son Père. Il veut rester libre et répond : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements ». Et Jésus de citer parmi les dix paroles, celles qui concernent la relation au prochain, avec cette particularité : alors que ces commandements commencent par « honore ton père et ta mère », Jésus cite ce commandement en dernier. C’est comme si Jésus voulait changer la manière de voir la vie de cet homme. Cet homme a observé les commandements depuis sa jeunesse, il les a certainement reçus de ses parents et il s’adresse à Jésus de manière à chercher son affection, pour qu’il lui donne la recette pour « avoir la vie éternelle en héritage », comme il a reçu de ses parents les commandements et la richesse. Pour cet homme la vie éternelle est du même ordre que tout ce qu’il a reçu de ses parents, quelque chose que l’on peut posséder comme un héritage, quelque chose qui nous assure un avenir et des lendemains heureux.
Quelque part dans la vie de cet homme, la relation à ses parents, à l’héritage qu’il reçoit d’eux a pris la place de Dieu est devenue une idole dont Jésus veut le débarrasser.

C’est pour cela qu’il le regarde et l’aime. C’est parce que le don de la vie éternelle, est de l’ordre de l’être et non pas de l’avoir. La vie éternelle c’est connaitre ce regard de Jésus qui nous aime et nous libère !

Jésus a vu que cet homme est chargé comme un chameau de tout ce qu’il a reçu depuis sa jeunesse, que l’héritage reçu de ses parents, ses richesses qui auraient pu l’aider, sont pour lui un fardeau sur le chemin de la vie éternelle parce qu’elles ont pris la place de Dieu. Alors il l’invite à tout laisser pour que Dieu lui-même soit son unique trésor.

On pourrait objecter que cet homme devait avoir une vocation bien particulière et que tout laisser pour suivre Jésus est réservé à quelques-uns, et que cela ne nous concerne pas ! Pourtant le deuxième regard de Jésus vient nous montrer que cette invitation à tout laisser pour suivre Jésus nous concerne tous. « Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Qui possède des richesses ici ? Nous tous. C’est donc pour nous tous ce matin que Jésus dit : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu !Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »

Pourquoi est-ce que Jésus dit cela ? Pourquoi est-ce que les richesses rendent si difficile l’entrée dans le royaume de Dieu ?

Les richesses ne sont pas mauvaises en soi, elles sont des moyens que Dieu nous donne pour vivre les uns avec les autres, et lui rendre gloire par notre vie. Le problème c’est que nous préférons souvent les richesses à celui qui en est la source, les dons au donateur.

Or, le Royaume de Dieu, ce n’est pas posséder des richesses, ce n’est pas de l’ordre de l’avoir, mais c’est une relation d’amour, un échange de regard entre Dieu et nous. Les richesses que nous avons (les biens, les qualités, l’expérience, la réputation, le regard des autres, la sécurité, le confort, les projets) peuvent petit à petit prendre la place de Dieu dans notre vie, c’est-à-dire nous donner l’impression que nous avons de la valeur, que nous sommes quelqu’un, parce que nous les possédons. Nous pouvons faire un test : que devenons nous quand soudain nous perdons ce qui fait notre richesse, tel bien, tel poste, telle reconnaissance sociale, tel revenu. Si cela ne nous dérange pas, cela veut dire que nous n’y sommes pas attaché et que Dieu garde sa place dans notre cœur. Si au contraire cela provoque une tempête en nous, c’est que petit à petit cette chose avait pris la place de Dieu dans notre vie et nous empêchait d’entrer dans le Royaume ;

Dieu ne nous interdit pas de posséder des richesses et d’en faire profiter les autres, mais nous demande d’être vigilant à ce que ces richesses ne prennent pas sa place.

C’est difficile ? Oui et non. Oui parce qu’il n’est jamais facile de se détacher des richesses et non parce qu’il y a le dernier regard de Jésus : « Jésus les regarde et dit:
« Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » Laissons-nous habiter, posséder parce de regard de Jésus qui est le trésor de notre vie et peu nous rendre libre par rapport à toutes les idoles que nous accumulons et qui nous empêchent d’entrer dans la joie du Royaume de Dieu. Nous sommes aimés de Jésus, infiniment, c’est la richesse des pauvres et cette richesse-là personne ne nous l’enlèvera jamais. Amen.