Dimanche 28 Septembre 2025
(Amos 6,1a, 4-7) (Tim.6, 11-16) (Luc 16,19-31) Fives
L’histoire de Lazare et du mauvais riche prolonge l’enseignement de Jésus sur l’usage de l’argent que nous avons entendu dans l’évangile de dimanche dernier et qu’on pourrait résumer ainsi : se servir de l’argent, oui, mais servir l’argent, non. Servir l’argent, ce serait le mettre au-dessus de tout, le rechercher avant tout et par tous les moyens et finalement faire de l’argent le dieu qui commande nos vies, ça, non. Le Christ est formel : Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’argent. (Luc,16,13) Par contre, se servir de l’argent, oui. D’ailleurs nous n’avons pas le choix : il est absolument nécessaire pour se procurer ce dont nous avons besoin. D’ailleurs l’Écriture présente l’argent comme un don de Dieu qui comble de biens ceux qu’il aime. Abraham était riche, Isaac et Jacob immensément riches nous dit l’Écriture (Gn 13,2.26,12.30,43) D’autre part la richesse est aussi le fruit légitime du courage, des talents que Dieu nous donne et le résultat mérité de nos efforts et de notre travail.
Mais si la richesse est un don de Dieu, alors, on ne peut pas en faire n’importe quoi. Nous n’en sommes pas vraiment les propriétaires, mais seulement les gérants. Et si nous l’oublions, si nous prétendons gérer nos richesses à notre idée, alors nous allons à la catastrophe. C’est ce que nous voyons tous les jours dans notre monde où la cupidité pousse à vouloir acquérir toujours plus de richesses, par tous les moyens y compris la violence, sans tenir compte des exigences de l’honnêteté et de la justice. Résultat : La société devient le lieu de conflits sociaux et de guerres sans fins. La vie de famille est bouleversée sinon ruinée par des horaires de travail impossibles et les « burn outs » n’épargnent personne que ce soit le grand patron ou le manoeuvre sans spécialité. Au lieu d’être un bienfait venant de Dieu, la richesse est devenue la racine de tous les maux, comme l’écrivait St Paul à Timothée (1 Tim.6,10). Le monde est devenu invivable et les riches, odieux. Seul compte pour eux l’argent qui leur donne pouvoir et puissance. Isolés dans un orgueil qui les rend méprisants et dominateurs, ils ne tiennent compte de rien ni de personne, et font disparaître totalement de leur existence Dieu, à qui pourtant ils doivent tout. Le Deutéronome nous avait pourtant prévenus : attention ! Garde toi d’oublier ton Dieu quand tu auras mangé et te seras rassasié, quand tu auras bâti de belles maisons et y habiteras, quand tu auras vu abonder ton argent et ton or, s’accroître tous tes biens…Garde toi de dire en ton cœur : c’est ma force, la vigueur de mon bras qui m’ont procuré ce pouvoir. Souviens-toi de Yahvé ton Dieu, c’est lui qui t’a donné cette force, qui t’a procuré ce pouvoir. (Deut.8,13,17,18)
Mais quelque chose nous choque dans cette parabole du mauvais riche. Le Christ nous dit qu’après sa mort, le mauvais riche est en enfer en proie à la torture. Comment Dieu qui nous aime peut-il jeter quelqu’un en enfer ? En réalité, Dieu ne jette personne en enfer, c’est nous qui nous y précipitons de nous-mêmes. Il nous enseigne les voies du salut à travers l’Eglise, nos parents, et nos éducateurs. Mais, comme il est amour, il ne nous force pas. Il nous laisse la liberté de choisir. Vois, lit-on dans le Deutéronome, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, bénédiction ou malédiction…mort ou malheur. Si tu écoutes les commandements
de Yahvé ton Dieu, que tu aimes Dieu, que tu marches selon ses voies, tu vivras, mais si ton cœur se dévoie, tu mourras certainement. Choisis donc la vie, pour que toi et ta descendance, vous viviez. (Dt 30,15….) ce qui nous rappelle deux choses auxquelles nous ne voulons pas trop penser : la première c’est que notre vie ici-bas n’est que la première mi-temps de notre existence qui se prolongera par-delà notre mort et la deuxième, c’est que après, nous serons jugés par le Seigneur qui rendra à chacun selon ses œuvres.
A propos de ce jugement, il serait ridicule d’imaginer le Seigneur déguisé en juge, délivrant un verdict dans une salle de tribunal . Le jugement, c’est notre vie qui apparaît dans sa parfaite vérité à la lumière divine c’est tout. Un peu comme dans l’anecdote suivante que m’ont rapporté deux religieuses, un dimanche où je dinais avec elles quelque part en brousse à Madagascar. Elles étaient allées la veille dans un village à l’écart réunir les jeunes. Le soir venu, alors qu’elles s’apprêtaient à se mettre au lit, une des religieuses dit à l’autre. Excuse moi, j’ai oublié mon sac dans la cuisine, je vais le chercher, je prends la bougie. ( il n’y avait pas d’électricité, ). L’autre religieuse reste seule dans le noir, assise sur son lit. Elle pense alors : J’ai marché dans la boue, il faut que je nettoie mes chaussures. Justement en tâtant, elle trouve à côté d’elle un chiffon et se met à frotter ses chaussures. Là-dessus, l’autre religieuse rentre avec la bougie et la pauvre sœur s’aperçoit alors, à la lueur de la bougie, que ce qu’elle a pris pour un chiffon c’est en réalité son voile ! Heureusement, il leur restait un fonds d’eau dans un seau, elle ont réussi à laver le voile ! Le jugement dernier, c’est cela : à la lumière divine, on est mis en face de sa vie, en toute vérité. Tout est là, le bien et le mal. Et on ne peut plus retourner en arrière. Il n’y a plus rien à faire, il n’y a aucun recours. Chacun est livré au destin qu’il s’est forgé lui-même par son choix de vie.
Le mauvais riche a fait le mauvais choix. Cependant il n’est pas complètement mauvais. Pensant à ses cinq frères, il demande à Abraham d’envoyer Lazare les mettre en garde pour qu’ils ne soient pas damnés eux aussi. Mais il lui est répondu : ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent… s’ils ne les écoutent pas, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts, il ne seront pas convaincus. Pour nous aujourd’hui, cela veut dire : vous avez l’Esprit Saint, écoutez-le. Autrement dit quand nous prenons nos décisions, chaque jour, pensons à nous tourner vers le Seigneur : Est-ce bien ça que tu voudrais que je fasse ? Le tort du mauvais riche et de tout pécheur, c’est de mener sa vie comme il l’entend, dans son petit monde à lui, complètement isolé,comme une fourmi dans une fourmilière, en ignorant les autres et sans avoir conscience qu’il vit dans un univers créé par Dieu. Quoiqu’il fasse, ça finira mal.
Que retenir de tout cela ?
Le mauvais riche comme tout pécheur, c’est quelqu’un qui s’est enfermé dans son monde à lui. les autres, Dieu, cela n’existe pas. Seul compte l’argent qui va lui donner pouvoir et puissance pour réaliser ses ambitions. Et tant pis si les autres doivent en souffrir. Le pire c’est que notre monde compte beaucoup trop de ces mauvais riches qui s’affrontent sans répit chacun luttant égoïstement pour arriver à ses fins personnelles sans s’occuper du reste. Nous voyons tous les jours le résultat que cela donne.
Face aux mauvais riches, heureusement certains se souviennent, de ce qu’on dit à la messe : Seigneur, Tu as créé l’homme à ton image et tu lui as confié l’univers, afin qu’en te servant il règne sur la création, ce qui laisse entendre que s’il s’écarte de Dieu, il ne règnera plus sur la création, mais se retrouvera plus ou moins esclave. Quand on achète quelque chose, on l’utilise toujours dans la pensée de celui qui l’a fabriqué. La richesse, comme n’importe quel autre don de Dieu, il convient de s’en servir dans la pensée de celui qui l’a créée. N’essayons pas de nous croire plus malins que le Bon Dieu.