Dimanche  30  mars  2025

4e dimanche de carême année C (Josué 5, 9a, 1-41)  (2Cor.5,17-21)  (Luc 15,1-3. 11-32)

Les pharisiens et les scribes avaient de bonnes raisons de récriminer. Ils trouvaient les manières de faire de Jésus choquantes. Il adressait la parole à des dissidents comme les Samaritains, il s’approchait d’intouchables comme les lépreux, il fréquentait les pécheurs et mangeait à leur table. Par contre, il critiquait durement les prêtres, et s’en prenait souvent aux docteurs de la Loi et aux  pharisiens, pourtant observateurs minutieux des moindres prescriptions de la Loi. Un tel non-conformisme ne pouvait que   provoquer des réactions de méfiance sinon d’hostilité.

De plus on en était resté à la prédication de Jean Baptiste qui annonçait la venue du Messie comme celle d’un justicier sévère. Il apostrophait ses auditeurs sans ménagements : Bande de vipères repentez-vous, déjà la cognée est à la racine des arbres, tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. (Luc 3,7,9) Jésus au contraire délivrait un message de miséricorde et de réconciliation. Il enseignait que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. (Jean 3,17), il expliquait  que le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. (Luc 19,10) et qu’il y avait plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. (Luc 15,7) Avec la parabole de l’enfant prodigue, il va essayer, une fois encore, de faire comprendre qu’il n’est pas venu pour condamner mais pour sauver et rattraper ce qui était perdu.

Le fils prodigue ne vole rien à personne. Il demande à son père la part d’héritage qui lui revient. Son père la lui remet. Tout cela est légal. Mais sa démarche du fils prodigue n’en est pas moins profondément choquante. Emporté par un égoïsme sans retenue, il ne pense qu’à lui, il ne pense qu’à satisfaire tous ses désirs, à s’accorder tous les plaisirs dont il a envie, en toute indépendance, sans s’occuper de personne. Il se moque pas mal de laisser tout le travail de la ferme à son père et à son frère, il n’a pas une pensée pour sa mère dont l’évangile ne nous parle pas mais qui devait être bien malheureuse de voir son enfant quitter la maison. Une fois parti, il dépense tout ce qu’il a à faire la fête, et son argent épuisé, il se retrouve dans une misère noire, réduit à garder les cochons, ce qui pour les  Juifs est le comble de la déchéance, le porc étant pour eux un animal impur. Alors  il décida de rentrer chez lui et de  demander pardon à son père : je dirai à mon père : j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils …et St Luc explique il rentra en lui-même et se dit les ouvriers de mon père on du pain à satiété et moi je meurs de faim.

Qu’est-ce ce que cela veut dire exactement il rentra en lui- même ? je trouve le texte de l’évangile en malgache plus clair qui dit : izay vao nody ny sainy c’est-à-dire mot à mot  à ce moment là, son intelligence lui est revenue, autrement dit : il retrouve ses esprits. Ce qui laisse entendre que lorsqu’on se laisse emporter par la tentation, on n’est plus soi-même, on a perdu son bon sens et son jugement, on est hors de soi, le démon nous plonge dans un monde d’illusions et quand on se convertit on revient dans le monde réel. C’est bien ce qui est arrivé au fils prodigue. Le démon l’a trompé, lui faisant miroiter la perspective d’une vie de plaisir, bien plus attirante que de labourer les champs ou de nettoyer les étables, mais en lui cachant la grossièreté de sa conduite, la peine qu’il cause aux siens en les quittant et surtout le fait que sa vie de plaisir n’aura qu’un temps et qu’une fois qu’il aura dépensé tout son argent  il se retrouvera dans la misère Il a réussi à lui faire perdre son bon sens et son jugement. Mais quand il se convertit, le prodigue retrouve ses esprits et rejoint le monde réel.

                                                         Il s’attendait, bien sûr, à se faire accueillir fraîchement par son père qui lui ferait des reproches mérités. Mais les choses se passent tout autrement. Il est encore loin de sa maison lorsque son père, l’aperçoit et , pris de pitié, court se jeter à son cou. Le fils prodigue n’a même pas le temps de finir son petit discours d’excuses, à peine a-t-il commencé à demander pardon, que son père lui coupe la parole et l’embrasse, appelle ses serviteurs et le malheureux prodigue en haillons, pieds nus, misérable, se retrouve habillé de neuf, des sandales aux pieds, son père lui passe même un anneau au doigt, signe qu’il est réintégré dans la famille et restauré dans sa dignité de fils. Et tout le monde passe à table pour le festin des retrouvailles. Le message est clair. Jésus veut nous faire comprendre l’attitude de notre Père du ciel. Blessé par nos offenses, loin de ressasser sa rancœur et de guetter la première occasion pour nous punir,  il est malheureux de voir la misère dans laquelle nous plongent  nos errances. Il le disait déjà en Jérémie : Est-ce bien moi qu’ils blessent avec leurs péchés, n’est-ce pas plutôt eux-mêmes pour leur propre confusion ? C’est pourquoi, tel le père du prodigue  dans la parabole, il guette notre  premier mouvement de repentir  pour nous pardonner et nous faire rentrer à nouveau dans l’intimité familiale.

Mais la parabole ne s’arrête pas là. L’apparition du fils aîné vient troubler l’atmosphère euphorique et gâcher la fête. En entendant la musique et les danses célébrant le retour de son frère, il se laisse emporter par la colère et la jalousie. Il refuse de se joindre à la fête. Il trouve injuste qu’on fasse la fête pour le retour de son frère, alors que son père n’en a jamais fait autant pour lui qui a toujours été un fils obéissant et dévoué. C’est vrai qu’il s’est toujours conduit mieux que son frère. Mais est-ce que cela lui donne le droit d’exiger quoi que ce soit de son père ? Il n’a pas mérité d’être le fils de son père. Son père lui a donné la vie sans qu’il y soit pour quelque chose. Dans son amour et sa tendresse, son père l’a accueilli dans la chaleur du foyer et lui a toujours donné accès à tout. Avec raison il peut lui dire : Tout ce qui est à moi est à toi. Moi, ton père, je t’ai tout donné. Tout ce que tu as, tu l’as reçu de moi. Tu n’as aucun droit à exiger de moi quoi que ce soit. A travers le comportement du fils ainé, c’est celui des Pharisiens que le Christ condamne ici. Les Pharisiens estiment que compte tenu de leur observation scrupuleuse des moindres prescriptions de la Loi, ils ont le droit d’exiger de Dieu quelque chose en retour. Pour nous aujourd’hui, cela veut dire que nous non plus, nous ne pouvons jamais nous considérer comme des justes, ayant des droits et pouvant exiger du Seigneur quelque chose en retour. Si nous sommes des gens honnêtes et d’assez bons chrétiens, nous le devons surtout au Seigneur qui nous en rend capables. Rappelons-nous la parole de St Paul : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? Et si vous l’avez reçu, pourquoi vous enorgueillir comme si vous ne l’aviez pas reçu ? (1Cor.4,7)

Que retenir de tout cela ?

L’histoire de l’enfant prodigue nous permet de découvrir comment dans la tentation le démon, menteur et père du mensonge, comme dit st Jean (8,44) nous fait perdre notre bon et notre jugement et nous plonge dans l’illusion. tandis que  la conversion au contraire, nous ramène dans la vérité du réel.

Mais le  but principal de Jésus à travers cette parabole est de nous faire réaliser que notre Père du ciel nous aime d’un amour inconditionnel. Sans jamais se lasser, toujours, il est prêt à passer par-dessus nos manquements. Il n’a pas envoyé son Fils parmi nous pour mener une expédition punitive mais pour sauver ce qui était perdu Au moindre signe de repentir de notre part, comme le père de l’enfant prodigue qui guette le retour de son fils au bord du chemin, il vient au-devant de nous pour nous réintégrer dans la tendresse de l’intimité familiale. Nous sommes confus et émerveillés d’être aimés à ce point, malgré nos offenses et nos infidélités. Il demeure celui qui nous disait déjà dans Jérémie Je ne cesserai pas de vous faire du bien. Je trouverai ma joie à vous faire du bien. (Jr 32, 40,41)

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