(Néhémie 8,2-4a.5-6,8-10) (1Cor.12,12-14.27) (Luc1,1-4 ; 4,14-21)
La deuxième partie de cet évangile nous rapporte la première prédication de Jésus à Nazareth tandis que dans la première partie St Luc nous parle de sa décision d’écrire son évangile J’en profite pour retracer avec vous l’histoire de la composition des quatre évangiles par St Mt, St Marc, St Luc et St Jean.
Dès qu’ils eurent reçu l’Esprit Saint à la Pentecôte, les apôtres commencèrent à annoncer partout l’Evangile. Il n’y avait pas encore de texte écrit. Ils rapportaient de mémoire ce que leurs yeux avaient vu et ce que leurs oreilles avaient entendu. Mais bientôt le nombre de fidèles augmentant considérablement, le nombre des prédicateurs s’accrut aussi et beaucoup d’entre eux n’étaient pas des témoins oculaires ayant suivi Jésus. Pour éviter les erreurs et les inexactitudes, on a donc commencé à écrire des petits résumés d’abord concernant seulement la Passion et la Résurrection, puis, pour répondre aux questions de nouveaux convertis qui voulaient toujours en savoir davantage sur Jésus, on a mis par écrit les principaux enseignements de Jésus et le récit de certains de ses miracles, c’est ce qui a donné les évangiles que nous connaissons aujourd’hui. Les convertis venant de milieux différents, il fallait présenter l’enseignement du Christ de manière adaptée à leur culture et à leur mentalité particulière. Aux Juifs qui se convertissaient, il fallait expliquer bien clairement que l’enseignement de Jésus ne détruisait pas celui de la Loi et des prophètes mais en réalisait l’accomplissement. C’est pourquoi St Matthieu qui écrit son évangile pour eux cite 53 fois l’A.T., plus que les trois autres évangélistes réunis, afin de souligner : ceci s’est passé afin que se réalise telle parole de tel prophète. St Marc qui écrit son évangile pour des convertis venant de milieux Romains et St Luc qui écrit le sien pour des convertis de culture grecque, écrivirent eux aussi un évangile rapportant l’ensemble de l’enseignement de Jésus et de ses miracles ainsi que les détails principaux de sa vie, mais adapté aux besoins de leur public respectif et sans trop citer les Ecritures juives que leur public ne connaît guère.
Selon les exégètes (spécialistes de l’Ecriture Sainte) Mt et Luc écrits vers les année 80,90, se seraient inspirés de l’évangile de Marc écrit quelques années auparavant vers les années 65,70 et d’une autre source aujourd’hui disparue. Ce qui explique qu’on peut relevcr 330 versets communs aux évangiles de MT, Marc et Luc . On les appelle synoptiques parce que ces trois évangiles présentent de grandes ressemblances. Le quatrième évangile, écrit par St Jean dans les toutes dernières années du premier siècle, donne un écho de l’enseignement du Christ plus personnel. St Jean rapporte de nouveaux récits qu’on ne trouve pas chez Mt. Marc ou Luc, mais ne se croit pas obligé de répéter ce que les rois autre évangiles ont déjà exposé. C’est ainsi qu’il consacre cinq chapitres à la veillée du Jeudi Saint, beaucoup plus que les autres évangiles, racontant longuement le lavement des pieds dont ne parlent pas les autres évangiles, mais il ne rapporte pas l’institution de l’Eucharistie déjà mentionnée par les trois autres évangiles.
Quel était le but exact des auteurs lorsqu’ils ont écrit leur évangile ? Ils voulaient présenter un exposé de l’enseignement de Jésus sur la base d’informations précises, comme le souligne St
Luc, afin que les catéchumènes puissent bien se rendre compte de la solidité des enseignements reçus (Luc 1,4) …pour qu’ils croient que Jésus est le Christ , le Fils de Dieu et pour que, en croyant ils aient la vie en son nom. (Jean 20,31) Il ne faut donc pas chercher dans les évangiles une biographie racontant toutes les péripéties de la vie de Jésus. Ils nous disent très peu de choses sur son enfance et sur les années qu’il a passées à Nazareth qu’on appelle la vie cachée de Jésus. Ils ne nous parlent que de l’enseignement qu’il a donné et des miracles qu’il a fait au cours des trois années de sa vie publique. Et encore ils ne nous donnent pas un compte rendu exhaustif de tout ce qu’il a dit, ni de tous les miracles qu’il a accomplis. St Jean le dit d’ailleurs explicitement vers la fin de son évangile : Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d’autres miracles qui ne sont pas rapportés dans ce livre. (Jean 20,30)
Voilà donc ce que sont les évangiles, pourquoi et comment ils ont été écrits.
Dans la deuxième partie de l’évangile d’aujourd’hui, Jésus, qui est entré dans la synagogue de Nazareth lit pour l’assemblée un passage du prophète Isaïe : L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Après quoi, s’étant assis, il ajoute : Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. Sous-entendu parce qu’il parle de moi. Il ne le dit pas ouvertement, mais il laisse entendre qu’il est le Messie La suite de l’évangile que nous ne lisons pas dans la liturgie d’aujourd’hui nous rapporte que les auditeurs d’abord ravis d’entendre les paroles de Jésus commencèrent à s’opposer violemment à lui : N’est-ce pas là le fils de Joseph ? Sous-entendu : pour qui se prend-il ? Et comme ils voulaient s’en prendre à lui, Jésus dût partir précipitamment. Cela montre que même des croyants a priori bien disposés n’arrivent pas à se libérer de leurs préjugés ce qui peut les amener jusqu’à rejeter Dieu. Pour les gens de Nazareth, le Messie ne pouvait pas être un charpentier de village. Dieu, ils étaient pour, le Messie, ils étaient pour, mais à condition qu’il soit comme ils se l’imaginaient. Mais Dieu dépasse tout ce qu’on peut penser ou dire de lui, comme l’exprime très bien une hymne attribué à St Grégoire de Naziance : O Toi, l’au-delà de tout… Quel langage te dira ? Aucun mot ne t’exprime. A quoi l’esprit t’attachera-t-il ? Tu dépasses toute intelligence.
Aujourd’hui encore, malgré toute notre bonne volonté de croyants sincères nous restons prisonniers de bien des préjugés qui handicapent notre manière de pratiquer notre religion. Pensez à la façon dont nous catholiques romains restons scotchés sur la forme actuelle du sacerdoce comme si c’était un dogme de même ordre que la Trinité ou l’Incarnation ! A l’idée qu’il puisse y avoir des prêtres mariés, les cheveux de bien des chrétiens se dressent sur leur tête, alors qu’il y a déjà dans l’Eglise catholique de rite maronite des prêtres mariés et que théologiquement rien ne s’oppose à l’ordination de prêtres mariés ni d’ailleurs à l’ordination de femmes. On met sur le même plan le respect qu’on peut avoir pour les coutumes culturelles d’une époque et le respect qu’on doit avoir pour les dogmes éternels. Il y a, de nos jours, une manière de s’accrocher au passé qui hélas, ressemble fort à l’attitude des prêtres, des scribes, des docteurs de la Loi et des pharisiens profondément hostiles au Christ parce qu’il renouvelait l’enseignement de l’Ecriture et de la Tradition. Dans l’Evangile, le Christ bouscule l’immobilisme de L’Eglise de son temps. Chaque fois qu’on veut le retenir quelque part, le Seigneur refuse et invite les siens à repartir, à aller de l’avant : Allons ailleurs dans les bourgs voisins pour que j’y prêche aussi l’évangile.
(Marc 1,37 ) Fidèle à la manière de faire du Christ, L’Eglise a toujours évolué au long des âges et continue d’évoluer. Regardez combien notre façon de participer à la messe s’est considérablement améliorée par rapport à ce qu’elle était il y a cinquante ou quatre-vingts ans.
(Marc 1,37) Je ne sais pas, vous ne savez pas, personne ne sait ce que l’avenir nous réserve. Mais il y aura encore certainement des changements, des réformes, des changements dans notre manière de croire, de prier. Et alors ? Pas de quoi s’affoler. Le Christ va de l’avant. Si nous prétendons être des siens, allons nous aussi de l’avant, avec lui.
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