Dimanche 6 Juillet 2025
(Isaïe 66,10-14c) (Gal.6,14-18) (Luc 10,1-12.17-20)
Le Seigneur avait déjà envoyé les douze proclamer l’évangile et faire des guérisons. Pourquoi envoie-t-il encore d’autres disciples en mission ? Et pourquoi au nombre de 72 ? Peut-être y a-t-il là une allusion aux 72 peuples de la terre dont parle la Genèse (Gen.10,2-31) ? En tous cas cela manifeste que l’évangélisation n’est pas réservée à quelques-uns dans l’Eglise, elle est confiée à tous.. D’ailleurs il est écrit en toutes lettres dans la liturgie du baptême que tout baptisé participe de la vie du Christ prêtre, prophète et roi. Malheureusement de nos jours, le sacerdoce des laïcs est largement oublié dans l’ensemble de l’Eglise, sauf en pays de mission où, à cause du manque de prêtres, (mais peut-être faudrait-il dire grâce au manque de prêtres) dans toutes les églises, en particulier en brousse, tous les dimanches, un laïc, le plus souvent un homme, mais parfois c’est une femme, après une formation appropriée, dirige l’assemblée de prière dominicale et prononce l’homélie. Ceci en parfaite conformité aux traditions les plus anciennes de l’Eglise. J’en ai été le témoin durant les vingt années où j’ai été curé en brousse à Madagascar. Rappelons-nous que dans l’Eglise, on a célébré l’Eucharistie bien avant qu’il y ait des prêtres ! C’était le presbyteros, un ancien de la communauté qui présidait la célébration. A la fin de l’épitre aux Romains, St Paul fait même allusion à des femmes qui présidaient la communauté chrétienne et donc présidaient aussi le repas eucharistique, avec la fraction du pain (J.Moingt : L’Evangile sauvera l’Eglise p.41). Comme dans la suite des siècles, le bon peuple chrétien était illettré, les clercs, qui eux savaient lire et écrire, étaient les seuls à pouvoir enseigner. Ils en ont malencontreusement profité pour monopoliser la fonction sacerdotale. Si bien qu’aujourd’hui, lorsqu’on suggère qu’on pourrait peut-être ordonner des hommes mariés ou des femmes, le bon peuple chrétien est horrifié par ce qu’il pense être des nouveautés dangereuses. Et ne parlons pas de la hiérarchie et de la majorité du milieu clérical qui sont toujours les derniers à s’affranchir des habitudes acquises. Du temps du Christ il en était déjà ainsi. La majorité du milieu clérical, les prêtres, les lévites, les scribes et les docteurs de la Loi faisaient bloc contre lui. D’après eux il ne fallait surtout pas changer quoi que ce soit aux pratiques en usage. Ils accusaient Jésus d’être un révolutionnaire impie qui voulait détruire la religion traditionnelle et en introduire une nouvelle parce qu’il s’élevait contre leur interprétation légaliste et figée de la religion. Ils ne voulaient pas entendre parler d’une compréhension meilleure et plus profonde de l’Ecriture et de la Tradition., telle qu’il la proposait. Vous avez appris qu’il vous a été dit… et moi je vous dis. (Mt.ch. 5 et 6) répète -t-il six fois dans son grand discours inaugural qu’on appelle le sermon sur la montagne. Toujours le Christ voulait faire évoluer les choses. Mais toujours la hiérarchie et l’ensemble du milieu clérical de l’époque s’opposaient farouchement à tout changement.Aujourd’hui, le peuple chrétien n’est plus un peuple illettré. On rencontre même parmi les laïcs des diplômés en théologie, en Ecriture Sainte ou en ecclésiologie. Et de toutes façons, même sans être diplômé en sciences religieuses, tout chrétien est éclairé par l’Esprit Saint. Le pape François aimait à souligner que L’Eglise n’est pas animée seulement par l’Esprit Saint descendant de l’archevêché en direction du peuple chrétien, mais aussi par le l’Esprit Saint montant de la base, de la foule des laïcs, mais il n’était guère écouté . Mais de toutes façons, c’est le Seigneur qui appelle et envoie. Personne ne peut se donner à soi-même autorité pour partir en mission. Si quelqu’un ressent le désir de s’engager, c’est que le Seigneur lui a ouvert l’esprit et le cœur. Il a mis en lui le désir, l’élan et la force nécessaires. Le Seigneur le dit bien dans l’évangile d’aujourd’hui : N’emportez ni bourse, ni sac, ni besace, c’est-à-dire : ce n’est pas l’argent, les ordinateurs, les diplômes de théologie ou d’écriture sainte qui vous permettront d’accomplir votre mission, mais l’amour que je mettrai dans vos cœurs, la passion que je planterai en vous, de faire connaître l’amour de Dieu et l’enseignement que je vous apporterai. Il l’a dit clairement aux quatre premiers apôtres qu’il a appelés : je vous ferai pêcheurs d’hommes (Mt.4,19) Puisque c’est le Seigneur qui appelle et qui forme les ouvriers pour sa moisson, c’est à lui qu’il faut demander d’en envoyer si on en manque, l’évangile d’aujourd’hui nous le rappelle : Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. On le fait. Partout on prie pour les vocations, on organise des journées des vocations, chaque année, on consacre au moins un dimanche aux vocations, mais à l’évidence sans grand succès. Les séminaires et les noviciats restent désespérément vides. Pourquoi ? Ce n’est sûrement pas le Seigneur qui n’appelle pas ou ne veut pas appeler. Si nos prières n’aboutissent pas, cela ne peut venir que de nous.Pourquoi ? Pour beaucoup de raisons, je n’en soulignerai que deux qui me paraissent les deux principales. D’abord nous ne croyons pas que notre Dieu est un Père qui a un projet pour chacun de ses enfants, il n’en laisse aucun de côté et il appelle chacun à faire quelque chose de précis dans le monde afin d’y mettre un peu plus de paix, de justice et de charité . Nous pensons généralement que les vocations, cela ne concerne que les prêtres, les religieux et les religieuses et que le Seigneur ne s’occupe pas des autres. Comme si les prêtres, les religieux, les religieuses, seraient les vrais enfants de Dieu dont ils s’occupe, les autres, il ne s’en occuperait pas vraiment, ce serait des sortes de bâtards. C’est insultant Tous les jours en récitant le Notre Père nous prions que ta volonté soit faite mais qui s’interroge : c’est quoi sa volonté pour moi aujourd’hui, qu’est-ce qu’il attend de moi aujourd’hui ? Il m’appelle à quoi aujourd’hui ? Est-ce que nous apprenons aux enfants à se poser cette question ? Comment pouvons-nous prier : Seigneur appelle nombreux des ouvriers pour travailler à la moisson, quand, en même temps, nous n’écoutons pas les appels qu’il nous adresse chaque jour, quand en même temps, nous ne cherchons même pas à écouter, étant persuadés d’avance qu’il n’y a rien à entendre ?Une autre raison pour laquelle nos prières pour les vocations n’aboutissent pas, c’est notre étroitesse d’esprit. Nous ne voulons pas entendre parler de vocations d’un type différent de celles auxquelles nous sommes habitués. Pas question d’ordonner des hommes mariés ou des femmes, Pourquoi ? Aucune raison théologique ne s’y oppose, le pape pourrait très bien changer les règlements actuels. D’ailleurs il y a déjà des prêtres mariés chez les catholiques maronites au Moyen Orient. Quant à l’ordination des femmes, nous sommes tout simplement prisonniers des coutumes et de la culture des cent dernières années. Nous refusons de voir que le monde autour de nous a changé. C’est une femme qui est à la tête de la banque mondiale, il y a des femmes chefs d’état, premiers ministres, hauts fonctionnaires, maires de villes importantes ou chefs d’entreprises En France les deux plus importants syndicats sont dirigés par des femmes. Mais dans l’Eglise de3 / 3France, si, dans beaucoup de paroisses des femmes font les lectures et distribuent la communion, il y a encore des prêtres qui ne veulent pas de filles ou de femmes dans le service de l’autel. C’est minable. Nous prions pour les vocations, mais en même temps nous les étouffons, les vocations.Que retenir de tout cela ?En envoyant, outre les 12 apôtres, 72 autres disciples annoncer l’évangile, le Christ nous rappelle que l’évangélisation n’est pas réservée à un petit groupe de prêtres et de religieux mais qu’elle est confiée à tous les baptisés qui participent de la vie du Christ prêtre. Ces 72 disciples que le Christ envoie annoncer l’évangile sont les ancêtres fondateurs des laïcs catéchistes, des équipes de laïcs qui célèbrent les enterrements et des équipes liturgiques de nos paroisses d’aujourd’hui. Il n’y a pas place pour les chômeurs dans l’Eglise. Tous les baptisés sont appelés à travailler sur le chantier de l’évangélisation‘