Peut-on commander d’aimer? Dimanche 29 octobre

Dimanche 29 Octobre 2023

Jésus mettait tout le monde dans l’embarras. Certains le prenaient pour un juste, d’autres pour un hérétique. Il répandait des idées nouvelles inquiétantes pour ceux qui étaient attachés aux traditions. Il affichait un anticléricalisme agressif visant non seulement les prêtres mais les lévites, les docteurs de la Loi, les saducéens et les pharisiens.  L’un d’eux lui pose donc une question de fond, espérant par-là l’obliger à   dévoiler sa déviance : Dans la Loi, quel est le plus grand commandement ? Mais Jésus va lui donner une réponse on ne peut plus orthodoxe, fondée sur l’Écriture. Le premier commandement, c’est : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur de toute ton âme et de tout ton esprit comme on peut le voir dans le livre de l’Exode. Et le second qui lui est semblable, c’est : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, comme dit le Lévitique. Le questionneur en est pour ses frais.

Mais la réponse de Jésus nous pose à nous aujourd’hui une nouvelle question : peut-on commander d’aimer ? Aimer, cela ne se commande pas. Pourquoi faudrait-il-il aimer Dieu ? Et d’abord pourquoi aime-t-on quelque chose ou quelqu’un ? On aime une chose ou une personne parce qu’elle vous plaît, vous attire. Qu’est-ce qui nous plaît ou nous attire en Dieu ? Ce qui nous attire, c’est que Dieu, c’est la vie, la force du créateur. Un Dieu créateur, on est impressionné par la puissance qu’il représente, on veut l’avoir pour allié, être de son côté. Mais en même temps on le craint :   sa toute-puissance fait peur et dans la mesure où il est mystérieux, inaccessible, inconnu, il fait encore plus peur. Pas possible de l’aimer dans ces conditions.

 Mais notre Dieu à nous, chrétiens, n’est pas inconnu. Et il n’est pas non plus un Dieu tout puissant Au long des siècles il s’est fait connaître à travers les sages et les prophètes et finalement le Christ a achevé de nous révéler que notre Dieu n’était pas une force brute, un Dieu créateur à la toute-puissance effrayante, mais un Dieu Amour. Chez lui la toute- puissance obéit à l’Amour. C’est un Père qui nous aime comme ses enfants, qui veille sur nous, qui ne pense qu’à nous rendre heureux, qui veut ce qu’il y a de mieux pour   nous. A tel point qu’il est allé jusqu’à envoyer son Fils parmi nous et le Christ s’est fait homme pour qu’il n’y ait plus de distance entre Dieu et les hommes. En Jésus la divinité et l’humanité ne font qu’un. De même en chaque baptisé la divinité entre dans l’humanité. Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu disait St Irénée.

Voilà qui change tout. Tant qu’on avait affaire à un dieu mystérieux à la toute-puissance effrayante, il fallait lutter contre lui pour arriver à ce que ce dieu énigmatique et lointain se tourne vers nous et nous vienne en aide. Il fallait lui adresser de longues prières, lui offrir des sacrifices onéreux, les plus belles bêtes de son troupeau et parfois même des sacrifices humains, un enfant, un jeune homme, une jeune fille, pour apaiser sa colère, vaincre son indifférence et obtenir ses bonnes grâces.

Mais si Dieu est un Père qui nous aime, cela change tout. Et le Christ met les points sur les i dans l’évangile : Quand vous priez, ne rabâchez pas comme les païens, ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer. Ne leur ressemblez donc pas, car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant même que vous le lui demandiez. (Mt.6,7,8) St Paul va même jusqu’à nous recommander de rendre grâces, avant même de recevoir la réponse à nos prières, tellement nous pouvons être sûrs qu’elles seront entendues : Ne soyez inquiets de rien, mais…par la prière et la supplication accompagnées d’action de grâces, faites connaître vos demandes à Dieu. (Phil.4,8) Désormais, nous pouvons aimer Dieu ; il n’est pas un inconnu inquiétant ni un Être à la toute-puissance redoutable, mais un Père qui nous aime. Et la bible, d’un bout à l’autre, nous fait découvrir ses qualités, en particulier sa bonté, sa bienveillance et sa miséricorde infinies : Tu fermes les yeux sur les péchés de hommes pour qu’ils se repentent. Oui, tu aimes tous les êtres et n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait, car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formée. Et comment une chose subsisterait-elle si tu ne l’avais voulue, comment conserverait-elle l’existence si tu ne l’y avais appelée ? Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître, ami de la vie. (Sagesse,11, 24-26) Un Dieu pareil, impossible de ne pas l’aimer.

Le deuxième commandement : aimer le prochain, fait beaucoup plus problème. Les justes et ceux qui nous sont sympathiques, oui, on peut les aimer, mais les autres, les voleurs, les assassins, les terroristes, comment les aimer ? Comment le Christ fait-il pour aimer les pécheurs ? Il ne les aime pas parce qu’ils sont pécheurs. Mais parce que même chez le pire d’entre eux, il reste toujours un petit rien de bon grain sur lequel il se précipite à la première occasion pour le sauver, comme on le voit avec le bon larron. Il n’approuve pas ses crimes, mais dès que ce dernier a une parole de repentir, le Seigneur lui ouvre les portes du paradis. C’est ce parti pris de bienveillance absolu que le Seigneur nous demande d’imiter. Lui, il suffit d’un petit rien de bon grain chez quelqu’un, même au milieu de beaucoup d’ivraie, pour qu’il l’aime. Nous au contraire, il suffit d’un petit rien d’ivraie chez quelqu’un, même au milieu de beaucoup de bon grain, pour qu’on le rejette. Il va falloir nous battre chaque jour pour que l’amour en nous l’emporte chaque jour sur l’égoïsme.

Que retenir de tout cela ?

L’évangile d’aujourd’hui nous replace devant l’essentiel de notre foi : il s’agit d’aimer Dieu et d’aimer notre prochain.

Pourquoi aimer Dieu ? Parce que, contrairement aux dieux des anciennes religions qui sont des dieux tout puissants, effrayants, mystérieux, lointains, impénétrables, par conséquent on ne peut que les craindre, notre Dieu est un Dieu qui se révèle et se fait connaître   comme un Père, un Dieu Amour. En lui la toute-puissance obéit à l’amour. Il nous aime comme ses enfants. Il n’a pas d’autre projet, d’autre volonté, que de partager tout ce qu’il a et tout ce qu’il est avec nous. Face à nos péchés sa miséricorde est infinie. Un Dieu pareil, on ne peut que l’aimer en retour.

Mais cette bonté infinie du Seigneur à notre égard nous oblige à la même bonté envers le prochain.  Soyez bons les uns pour les autres,  nous recommande St Paul, imitez Dieu , pardonnez vous mutuellement comme Dieu vous a pardonnés en Christ …Vivez dans l’amour  comme le Christ vous a aimés (Eph.4,32 -5,1) L’amour est la source de tout ce qui vit, de toute vie. Infiniment plus qu’une qualité ou une vertu, l’amour c’est l’énergie créatrice de la vie. S’il y a des choses plutôt que rien, s’il y a un univers grouillant de vie, c’est à cause du dynamisme d’amour de Dieu qui se répandant en dehors de lui, a créé tout ce qui vit. S’écarter de l’amour, c’est aller vers le néant et la mort. L’égoïsme, avant d’être un défaut ou un péché est une pathologie mortifère.

Dieu qui est amour est la seule source d’amour Nous qui ne sommes pas Dieu, nous sommes incapables d’aimer d’amour. L’amour n’est pas un sentiment humain. Mais parce que nous sommes créés à l’image de Dieu, nous parvenons quand même à aimer d’amour. Profitons de cette messe pour nous offrir au Seigneur afin qu’il nous « christifie » toujours davantage comme le dit la prière de la consécration (3°prière eucharistique) : Nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons : sanctifie le par ton Esprit pour qu’elles deviennent, c’est à dire pour que nous devenions le corps et le sang de Jésus-Christ notre Seigneur.