Jésus vient de recevoir le baptême de Jean. Poussé par l’Esprit il se rend au désert où il va rester quarante jours pour être tenté par le diable nous dit l’évangile de St Mt. Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi va-t-il au désert pour être tenté par le démon ? Pour que le salut soit total et la rédemption parfaitement accomplie, le Christ doit vaincre le démon et c’est en triomphant des tentations qu’il le vaincra. De plus, en revivant dans le désert de Juda pendant quarante jours les tentations que l’ancien Israël a connu dans le désert du Sinaï pendant quarante ans, Jésus, tel un nouveau Moïse, va accomplir le nouvel Exode et conduire l’Israël nouveau vers la vie nouvelle. En terminant son récit, St Marc souligne que Jésus vivait parmi les bêtes sauvages et que les anges le servaient. Pourquoi ? Cette familiarité de Jésus avec les bêtes sauvages correspond à la description idyllique des temps messianiques dressée par Isaïe le loup habitera avec l’agneau…le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira (11,6) Et les anges servant le Seigneur présentent le Messie comme l’Homme Nouveau vivant en parfaite harmonie avec le ciel comme avec la terre.En quelques phrases St Marc présente Jésus comme le Messie, venant en continuité parfaite avec Moïse et l’Ancien Testament.
Sa toute première prédication : Convertissez-vous reprend celle de Jean Baptiste qui prêchait un baptême de repentir pour le pardon des péchés. Ce mot d’ordre du Christ s’adresse à nous aujourd’hui tout autant qu’à ses auditeurs d’il y a deux mille ans. Mais qu’est-ce que cela veut dire exactement : Convertissez-vous ? Le mot grec métanoeïté employé ici veut dire changement de mentalité et retour vers Dieu. Il s’agit donc d’une démarche ouvrant sur l’avenir alors que la pénitence et le repentir désignent une démarche plutôt tournée vers le passé puisqu’ils consistent surtout à regretter les fautes passées. Quand le Seigneur nous ordonne : convertissez-vous, il nous demande plus que de nous repentir des fautes du passé, il nous demande de pousser ce repentir jusqu’à changer de vie. Ce mot d’ordre du Christ : Convertissez-vous, tombe à point en ce premier dimanche de carême. Le carême, c’est une période de quarante jours pendant laquelle nous sommes invités à nous reprendre pour vivre mieux en chrétiens et repartir à Pâques, renouvelés, renforcés dans notre communion avec le Christ commencée le jour de notre baptême.
Qu’est-ce qui ne va pas, qu’est-ce qu’il faudrait changer dans notre manière de vivre pour revenir vers Dieu et vivre mieux en chrétiens ? C’est à chacun de voir. Si vous trouvez que c’est trop difficile, si vous ne voyez pas ce qu’il faudrait changer dans votre vie, demandez à un de vos proches, à votre mari, à votre femme, vous verrez, on vous dira tout de suite quoi faire !
Mais outre cette conversion personnelle spéciale à chacun, je crois qu’il y a une conversion que nous sommes tous appelés à faire, c’est de ne pas séparer notre vie chrétienne de notre vie tout court. Sans vouloir délibérément orienter notre vie dans un sens opposé à l’évangile, nous sommes peut-être souvent de ceux qui mènent leur vie sans trop s’occuper de la volonté de Dieu. Impossible de penser à Dieu du matin au soir, bien sûr ! Quand on est au volant de sa voiture, il faut regarder la route. Il faut être présent à ce qu’on fait. Mais est-ce que pris par ce que nous faisons, nous ne sommes pas la plupart du temps coupés de Dieu, déconnectés, séparés de lui ? Nous sommes tentés de penser, bien à tort, que c’est seulement de temps en temps, lors d’un petit moment de prière dans la journée et à la messe du dimanche que nous sommes unis à Dieu. Et cela ne fait pas beaucoup……
Comment faire pour que nos activités ne nous coupent pas de Dieu ? Comment rester en communion avec lui jusque dans les occupations qui remplissent nos journées ? Voilà quel pourrait être notre effort de carême. Il faudrait nous mettre dans la tête une bonne fois pour toutes que la vie chrétienne n’est pas quelque chose de rajouté par-dessus la vie personnelle, familiale ou professionnelle, un peu comme on rajoute une couche de sucre glacé par-dessus un gâteau. La vie chrétienne est DANS la vie ordinaire. La vie chrétienne, c’est vivre d’une certaine manière tous les instants de la vie ordinaire. Le jour de notre baptême, nous avons reçu la vie du Christ. Désormais toutes nos activités au long de nos journées sont contaminées par le divin qui est en nous. Il n’y a jamais rien de profane dans nos vies. Même si tout peut être profané par l’orgueil, la volonté de dominer les autres ou la frénésie de gagner de l’argent par n’importe quel moyen, ce qui nous conduit à penser que le travail nous coupe de Dieu et que seule la prière nous permet d’être en communion avec Dieu. Mais cela est totalement faux. Le travail, l’activité humaine sont aussi un moyen d’être en communion avec Dieu.
Comment cela ? Eh bien, le travail c ’est quoi ? C’est ce qui permet à un homme ou une femme de gagner sa vie, de subvenir aux besoins de sa famille. Or cela ne nous coupe pas de Dieu, au contraire, on accomplit une tâche que Dieu nous a confiée, le travail permet de répondre à la vocation de père ou de mère de famille à laquelle on a été appelé. De plus quand je travaille, je mets en œuvre l’intelligence et les talents que le Seigneur m’ a donnés. Je ne suis pas coupé de Dieu, Dieu travaille avec moi. De plus, tout travail comporte une part de service des autres, que ce soit le travail d’une maîtresse de maison qui prépare le repas de la famille, d’un médecin qui soigne des malades ou d’un instituteur qui apprend à lire à des enfants. Or ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous l’aurez fait.(Mt.25,40)Et puis enfin tout travail continue et prolonge l’œuvre du créateur. Là où il n’y avait qu’un terrain vague, il y a maintenant un champ de blé ou un groupe d’habitations. Il est donc juste de dire que le travail et les activités humaines ne nous coupent pas de Dieu. Ils sont, comme la prière, mais d’une autre manière, une façon de rester en union avec Dieu.
Malheureusement nous n’en sommes guère conscients. Il faut dire que trop souvent l’orgueil, la volonté de dominer les autres ou la passion de l’argent font du travail un enfer ; la vie personnelle du travailleur, sa vie de famille et la société qui l’entoure sont ravagées. On ne peut plus, dans ces conditions voir le travail comme un moyen de rester uni à Dieu ; On ne voit plus que le mal et les souffrances qu’il charrie avec lui. De plus, on n’ose pas reconnaître la sainteté du travail. Avez-vous jamais vu une représentation de Notre Dame en train de faire la cuisine ou le ménage ? Pourtant elle n’était pas moins sainte lorsqu’elle faisait la soupe que lorsqu’elle était en prière. Notre effort de carême pourrait être de nous efforcer de changer notre regard pour aller jusqu’à redécouvrir le sens profond et la valeur devant Dieu de notre travail.
Que retenir de tout cela ?
Les élégantes surveillent leur ligne et de temps en temps s’imposent de suivre un régime. Le carême c’est un temps où nous sommes invités à surveiller notre ligne de conduite chrétienne et à nous mettre au régime si nécessaire. Où en suis-je ? Est-ce qu’il y a suffisamment de moments de prière dans ma vie ? Est-ce que nous prions quelquefois en famille ? Qu’est-ce qu’il faudrait que je change dans mes manières de faire ? A chacun d’établir son régime. Comme on supprime les féculents et les matières grasses, supprimer les mouvements de colère ou une certaine paresse.
Mais surtout veiller à ne pas séparer ma vie chrétienne de ma vie tout court. La vie chrétienne est DANS la vie ordinaire, c’est vivre d’une une certaine manière tous les instants de la vie ordinaire. Depuis le jour de notre baptême, le Christ est vivant en nous. Nous sommes en communion avec lui à chaque instant. Même quand je travaille, il est là, il travaille avec moi. Dans ma vie, rien n’est profane, mais tout peut être profané, si je ne fais pas attention.