Je profite de ce Jeudi Saint où on célèbre l’institution de l’Eucharistie pour vous proposer la deuxième homélie sur le sens de la messe. Dans une première homélie, le 15 Octobre dernier nous avions réfléchi sur la messe comme sacrifice de l’Offertoire au Pater. Aujourd’hui nous parlerons de la communion du Pater à la fin de la messe Mais avant un résumé de la première homélie.
La Messe- Sacrifice (résumé)
La messe, c’est l’actualisation du sacrifice de N.S. mort sur la croix il y a 2000 ans, par lequel nos péchés ont été pardonnés et par lequel nous avons été réconciliés avec le Père. Ce sacrifice agit encore pour nous aujourd’hui. Tout se passe comme si le sacrifice du Christ avait lieu pour nous aujourd’hui puisqu’il obtient le pardon de nos péchés d’aujourd’hui et notre réconciliation avec le Père aujourd’hui. La messe n’est donc pas une commémoraison du passé, une sorte de cérémonie du souvenir, mais l’actualisation de quelque chose qui s’est passé il y a longtemps mais qui continue d’agir pour nous aujourd’hui. Qu’est-ce qui se passe à la messe ? Nous offrons au Père le sacrifice du Christ : « Reçois, Père le sacrifice du Christ mort pour nous il y a 2000ans. Que les fruits de ce sacrifice retombent encore sur nous aujourd’hui. » L’essentiel de la messe, c’est ça. Et comme nous sommes sûrs que ce sacrifice sera accepté par le Père, parce que le sacrifice de son Fils est un sacrifice pur et saint, un sacrifice parfait, ainsi que le dit une des prières de la messe, et comme ce sacrifice nous obtient à chaque fois le pardon de nos péchés et la réconciliation avec le Père, c’est avec joie et dans l’action de grâces que nous l’offrons. C’est pour ça qu’on l’appelle sacrifice eucharistique du grec eucharizein rendre grâces.
Mais à la messe, nous n’offrons pas seulement le sacrifice du Christ, nous nous offrons aussi nous-mêmes. Alors que nous ne le méritons pas, il nous offre cette promotion extraordinaire : nous unir à lui. Nous ne pouvons pas rester passifs à applaudir : Vive J.C. qui nous pardonne nos fautes, nous unit à lui et nous réconcilie avec le Père ! La moindre des choses, c’est que nous nous avancions vers lui, pour nous offrir à lui, pour être unis à lui, nous, notre vie et notre travail. « Seigneur, vous voulez nous unir à vous eh bien, nous aussi, nous voulons nous unir à vous. » D’ailleurs St Paul nous y exhorte vigoureusement : Je vous exhorte à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. (Rom 12,1)
Comment allons-nous faire ? Cela commence à l’offertoire. Nous offrons le pain, fruit de la terre et du travail des hommes et le vin, fruit de la vigne et du travail des hommes pour qu’ils soient consacrés et deviennent le Pain de la Vie et le Vin du Royaume. Le but de notre prière c’est d’être unis au Christ comme dit le prêtre en versant quelques goutte d’eau dans le calice :Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a voulu prendre notre humanité.
Après l’offertoire, notre démarche d’offrande se poursuit dans une longue prière qui va du Sanctus au Pater où, après un temps de louange et d’action de grâces, nous nous tournons vers le Seigneur : Nous te supplions de consacrer les offrandes que nous t’apportons, sanctifie les par ton Esprit pour qu’elles deviennent (c’est-à-dire pour que nous devenions) le corps et le sang de Jésus Christ Notre Seigneur qui nous a dit de célébrer ce mystère. Voilà le
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but du sacrifice de la messe : nous christi-fier, nous faire Christs. Déjà par le baptême, nous sommes unis au Christ, mais comme notre inattention, nos négligences et nos fautes détériorent cette union, nous avons besoin de la renforcer et de la renouveler, ce qui a lieu à la messe.
Le processus de notre christification commence à l’offertoire où avec l’offrande du sacrifice du Christ nous nous offrons nous-mêmes. Il s’opère à la consécration où le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ avant de se réaliser pleinement à la communion où le Christ pénètre en nous. La messe n’est donc pas une simple prière de louange, (messe à la bougie ?) de pardon, de demande ou d’action de grâces, c’est d’abord et surtout un sacri-fice qui nous fait sacrés, qui nous christifie ou plus exactement qui renforce la consécration et la christification de nous-mêmes déjà commencées le jour de notre baptême, en même temps qu’elle opère la consécration du monde (à travers la consécration du pain et du vin fruits de la terre, de la vigne et du travail de hommes)
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La Messe-Communion
Notre vie, notre travail offerts à l’offertoire sont consacrés à la consécration. Nous sommes christi-fiés, faits Christs. Notre vie, notre travail sont déjà consacrés. Que pouvons-nous faire de mieux ? Que pouvons-nous souhaiter de mieux ? Que nous, en tant que personnes ( et pas seulement notre vie, ce que nous faisons, notre travail) soyons christi-fiés. Et cela va se réaliser dans la communion, où le Christ rentre en moi, me nourrit, me vivifie.
Tout ce qui concerne l’Eucharistie a commencé le Jeudi Saint au soir. Le Christ célèbre avec ses apôtres, comme tous les Juifs la Pâque juive, c’est-à-dire l’anniversaire de la libération du peuple juif esclave en Egypte, quand, sous la conduite de Moïs, les Juifs passent d’Egypte et de la servitude à la Terre promise et à la liberté. Chaque année on célébrait cette libération au cours d’un repas rituel, c’est-à-dire un repas entrecoupé de prières et de psaumes suivant un rituel précis. Ce soir-là, le Jeudi Saint, le Christ introduit, à la stupéfaction des apôtres deux rites nouveaux, le lavement des pieds et l’institution de l’Eucharistie. Il prit du pain, le bénit et le donna à ses apôtres en disant Prenez, mangez, ceci est mon corps livré pour vous. Il prit la coupe de vin la bénit et la donna à ses apôtres en disant Prenez et buvez-en tous, ceci est mon sang versé pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. (Luc 11,19,20 ;1Cor.11,24)
Qu’est-ce que ça veut dire : Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous ? Cela veut dire que Jésus veut que ses disciples se nourrissent de son corps livré pour eux. Il veut que nous, aujourd’hui, nous vivions de son corps livré pour nous. Quand nous recevons la communion, nous ne recevons pas le petit Jésus de Bethléem, ni le Christ enseignant l’évangile, nous recevons le Christ qui donne sa vie pour nous. Par conséquent on peut dire que le but de la communion, c’est de nous transformer en « d’autres-Christs-qui-donnent-leur-vie -pour- les-autres ». La communion affine la christification opérée par la messe-.sacrifice. Elle nous transforme en christs qui donnent leur vie pour les autres dans le cadre de notre vie quotidienne, en famille, en communauté, dans le cadre de nos activités professionnelles ou autres.
Donc communier, ce n’est pas simplement recevoir (passivement) une hostie. St Thomas disait que si un rat mange une hostie, il ne fait pas la communion ! Communier, c’est s’engager à vivre comme
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le Christ qui donne sa vie pour les autres. Mais alors, recevoir une hostie n’est pas la seule manière de communier. Chaque fois que je me donne au service des autres, je suis en communion avec le Christ qui se donne à nous . C’est ce qu’avait bien compris le peintre d’une icône du X° siècle qui représente sur la même icône l’institution de l’Eucharistie et le lavement des pieds. Et ce n’est pas par hasard si l’introduction de la consécration dans la 4° prière eucharistique reprend les termes mêmes du récit du lavement des pieds :
Lavement des pieds 1°) Quand l’heure fut venue de passer de ce monde au Père, 2°) Lui qui avait aimé les siens qui étaient dans le monde les a aima considère le lavement des pieds jusqu’à l’extrême. 3°) Au cours du repas, Jésus se leva de table, prit un linge et l lava les pieds de ses disciples….. | 4eme Prière Eucharistique 1°) Quand l’heure fut venue où tu allais le glorifier, 2°) Lui qui avait aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. 3°) Pendant le repas qu’il partageait avec eux, Il prit le pain.. |
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Pourquoi St Jean considère-t-il le lavement des pieds comme un témoignage d’amour extrême ? C’est que, du temps de Jésus c’était un geste très humiliant, qu’on ne pouvait même pas demander à un esclave juif. C’était le dernier des esclaves de la maison, à condition qu’il ne soit pas juif qui lavait les pieds des hôtes. J’aime dire : Jésus lavant les pieds de ses disciples, c’est un peu comme si le pape ou l’archevêque en visite chez vous nettoyait les toilettes ! C’est un geste très choquant. D’où la réaction indignée de Pierre.
Ce n’est pas un péché de recevoir la communion pour demander la guérison d’un malade ou la réussite à un examen, mais ce n’est pas fait d’abord pour ça. Le Christ a inventé la communion pour nous rendre semblables à lui donnant sa vie. Moi, si je vais communier, cela doit être parce que je veux, je m’engage à vivre comme le Christ qui donne sa vie pour les autres.
Que retenir de tout cela ?
Le sacrifice de la messe nous christifie. A la messe, en même temps que nous offrons le sacrifice du Christ, nous nous offrons et nous offrons notre travail pour être transformés en nouveaux Christs et pour que notre travail devienne construction du Royaume. La messe renforce et revivifie le baptême qui déjà nous a fait uns avec le Christ.
La communion affine cette christification. Elle nous transforme en Christs qui donnent leur vie dans le service des autres, comme le Christ donne sa vie pour nous.
Recevoir l’hostie n’est pas la seule manière de communier au christ qui donne sa vie Le service des autres qui est don de soi est aussi communion au Christ tout autant et peut-être plus et mieux que la communion sacramentelle.
Quand le Christ nous dit Prenez et mangez. Ceci est mon corps livré pour vous, il nous appelle à vivre comme lui, à donner notre vie pour les autres. Moi, j’ai donné ma vie pour vous. Vous devez, vous aussi donner votre vie pour les autres. Si je prétends être chrétien, alors, d’une manière ou d’une autre je dois donner ma vie pour les autres. Généralement on définit les chrétiens en disant : c’est des gens qui vont à la messe. il serait plus juste de dire : c’est des gens qui se donnent aux autres.
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Quand le Christ dit : Faites ceci en mémoire de moi, veut-il dire : prenez du pain et du vin et faites une petite cérémonie de temps en temps ? ou bien veut-il dire Moi, j’ai donné ma vie pour vous, vous, faites en autant ?