Jeudi 14 avril 2022

Jeudi saint – Jean 13, 1-15

Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

Nous célébrons ce soir l’institution du sacrement de l’Eucharistie par le Seigneur au cours du repas solennel de la Pâque Juive qu’il prit avec ses apôtres. Cette Pâque juive célébrait l’anniversaire de la libération du peuple juif retenu en esclavage quarante ans en Egypte, l’anniversaire du repas pascal où, comme le rapporte la première lecture, chaque famille avait mangé debout , un agneau rôti avant de se mettre en route pour la Terre Promise sous la conduite de Moïse. C’est au cours de ce repas rituel que Jésus va introduire deux gestes nouveaux : l’institution de l’Eucharistie et le lavement des pieds.

On peut s’étonner que dans l’office de ce soir, le récit de l’institution de l’Eucharistie soit refoulé dans la deuxième lecture, tandis que le lavement des pieds prend la place d’honneur dans l’évangile. C’est que l’Eucharistie comme le lavement des pieds sont deux expressions différentes d’une même réalité :l’extrême de l’amour dans le le don de soi pour ceux qu’on aime. En ce qui concerne l’Eucharistie, c’est évident puisque c’est le sacrement du corps livré pour nous et du sang versé pour nous. C’est bien là l’extrême du don de soi. On ne peut pas faire plus : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. (Jean15,13) Par contre il est plus difficile de voir en quoi le lavement des pieds est une manifestation de l’extrême de l’amour dans le don de soi pour ceux qu’on aime.

Pourquoi peut-on dire que le lavement des pieds représente un témoignage de l’extrême de l’amour de Jésus pour nous ? Il faut bien voir ce que représentait ce geste du temps de Jésus. C’était un geste de courtoisie envers les hôtes qui arrivaient chez vous après avoir marché pieds nus ou chaussés de sandales sur des chemins boueux ou pleins de poussière. Mais c’était considéré comme un geste extrêmement humiliant au point qu’on ne pouvait même pas l’imposer à un esclave juif. Cette tâche était réservée au dernier des esclaves non juifs de la maison. Jamais un maître de maison n’aurait lavé les pieds d’un hôte. C’est pourquoi les apôtres et St Pierre en particulier sont profondément scandalisés et choqués de voir Jésus se mettre à leur laver les pieds. C’est un peu comme si, pardonnez moi cette comparaison inconvenante, l’archevêque en visite chez vous nettoyait les toilettes. Nous avons du mal à réaliser l’énormité de ce geste de Jésus. St Jean lui, qui en est conscient rapporte la scène sur un ton très solennel : Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, lui qui avait aimé les siens qui étaient dans le monde, leur donna de son amour un témoignage suprême. Au cours d’un repas, alors que déjà le diable avait jeté au coeur de Judas Iscariote, fils de Simon, la pensée de le livrer, sachant que le Père a remis toutes choses entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il va vers Dieu, Jésus se lève de table, dépose son manteau et prend un linge qu’il se noue à la ceinture Il verse ensuite de l’eau dans un bassin et commence à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.

L’Eucharistie, le corps du Christ livré pour nous comme le lavement des pieds sont ceux expressions différentes d’une même réalité : le don de soi jusqu’à l’extrême. C’est tellement vrai qu’à la messe, dans la 4° prière eucharistique, les paroles d’introduction à la consécration reprennent les paroles d’introduction au lavement des pieds :

LAVEMENT DES PIEDSLA MESSE
Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son PèreQuand l’heure fut venue où tu allais le glorifier
Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima
jusqu’au bout.
Au cours du repas, il se lève de table, prend un linge et lave les pieds de ses disciples. Au cours du repas qu’il partageait avec eux il prit du pain et le donna…

Ce qui veut dire qu’il y a deux manières de communier au Christ 1°) En recevant l’hostie, le corps du Christ livré pour nous, en vue d’avoir la force nous aussi de donner notre vie pour les autres. Car le but de la communion, c’est de nous donner la force de donner nous aussi notre vie pour les autres. Recevoir la communion pour être reçu à un examen ou pour être guéri d’une maladie, ce n’est pas un péché, mais la communion ce n’est pas fait pour ça. Et il n’est pas permis de recevoir la communion en dehors de la messe, exception faite pour les malades. Pourquoi ? Parce que recevoir la communion ce n’est pas manger une hostie et manger une hostie ce n’est pas faire la communion. St Thomas d’Aquin disait : si un rat mange une hostie, il ne fait pas la communion. Pour faire la communion, il faut d’abord s’offrir avec le Christ pour le salut du monde, ce que nous faisons à l’offertoire de la messe en nous offrant avec lui pour le salut du monde. Alors seulement nous sommes en communion avec le Christ. Mais si je ne m’offre pas, si je ne me donne pas au service des autres, je peux consommer un plein ciboire d’hosties, je ne suis pas en communion avec le Christ. 2°) Par contreet c’est là la deuxième manière de faire la communion : si je me donne au service des autres, je suis en communion avec le Christ même si je ne reçois pas l’hostie consacrée. C’est ainsi qu’une foule de divorcés ou de non pratiquants peuvent être authentiquement en communion avec le Christ, même s’ils ne s’en rendent pas compte et même s’ils n’y croient pas, ainsi que le pape François le souligne dans le huitième chapitre de son exhortation apostolique Amoris Laetitia même s’ils ne s’en rendent pas compte, et même s’ils n’y croient pas. Mais le Seigneur leur dira Venez les bénis de mon Père, car j’ai eu faim, j’ai eu soif, j’étais en difficulté et vous m’avez secouru ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens , c’est à moi que vous l’avez fait. (Mt.25,34,40)

Que retenir de tout cela ? 

L’institution de l’Eucharistie, le lavement des pieds deux gestes par lesquels le Seigneur nous donne de son amour un témoignage suprême et par lesquels il nous invite nous aussi à le suivre et à l’imiter. Autrement dit il y a deux manières de se mettre en communion avec le Christ : soit en recevant une hostie consacrée soit en se mettant au service des autres.

L’Eucharistie c’est le sacrement du corps du Christ livré pour nous. Le Seigneur a voulu nous donner ce sacrement pour que nous puissions y trouver la force de vivre comme lui en nous donnant au service des autres. Car si le Christ c’est celui qui donne sa vie pour nous, le chrétien c’est celui qui donne sa vie au service des autres aussi bien dans la vie de famille que dans la vie professionnelle ou dans le rôle que nous avons à jouer dans la société, qu’il soit enseignant, commerçant ou ministre du gouvernement. Dans sa première épître, St Jean faisant le portrait du chrétien conclut, péremptoire : Lui, Jésus a donné sa vie pour nous, nous devons nous aussi donner notre vie pour nos frères. (1Jean 3, 16)

C’est pourquoi le lavement des pieds qui est une illustration manifeste du service des autres est comme le fait de recevoir une hostie consacrée, une autre manière d’être en communion avec le Christ. Le geste du Christ lavant les pieds de ses disciples n’est pas n’est pas quelque chose d’anecdotique. Le Seigneur nous donne là un enseignement qu’il estime essentiel au point qu’il nous commande avec insistance de l’imiter. Reprenant sa place à table avec les apôtres, il leur dit : Si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné ; ce que j’ai fait pour vous, faites le vous aussi pour les autres…..Un serviteur n’est pas plus grand que son maître…. Sachant cela, vous serez heureux, si du moins vous le mettez en pratique. (Jean 13,14-17)