2e dimanche de l’avent Sophonie (3,14-18a) St Paul, Phil. (4,4-7) Luc (3,10-18)
Que devons-nous faire ? demandent, troublées, les foules qui se pressent autour de J.B. Elles sont troublées parce que traditionnellement on pensait que le Messie quand il viendrait supprimerait toute souffrance et toute injustice ; il apporterait paix et bonheur et restaurerait la grandeur d’Israël actuellement colonisé par les Romains ; en somme, avec lui, ce serait le paradis sur terre. Or J.B. présente le Messie comme un juge sévère qui vient remettre de l’ordre dans le monde pécheur. Dans le passage précédant immédiatement l’évangile d’aujourd’hui, il interpellait durement ses auditeurs : Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez des fruits de repentir… N’allez pas dire…nous avons pour père Abraham, car je vous le dis, des pierres que voilà, Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà la cognée est à la racine de arbres ; tout arbre qui ne porte pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. (Luc 3,6-9) Surpris et effrayés ils demandent donc au prophète : Que devons-nous faire ?
J.B. recommande alors à tous ceux qui ont de quoi vivre de partager avec les pauvres et de venir en aide à ceux qui ont faim, à ceux qui ont le pouvoir ou l’autorité comme les fonctionnaires, les collecteurs d’impôts ou les militaires de ne pas en abuser pour voler, rançonner, piller ou frapper ceux qui sont sans défense. Il ne parle pas d’observation de la Loi ni de pratiques de piété. Il demande à tous de pratiquer la justice et la charité, reprenant ainsi l’enseignement des prophètes : C’est l’amour que je veux, non les sacrifices. (Osée 6,6) Vos sacrifices, je n’en veux pas … mais que le droit coule comme l’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit pas. (Amos, 5,22,24) disait déjà le Seigneur par la bouche d’Amos et d’Osée. En demandant de pratiquer la justice et la charité, J.B. exige bien davantage qu’une observation légaliste de la Loi, car la pratique de la justice et de la charité demande une obéissance du cœur inspirée et animée par la sagesse, la miséricorde et la sainteté divines.
Mais peut-on pratiquer en même temps la justice et la charité ? La justice est intraitable tandis que la charité est indulgente. En ce monde, la justice est déterminée par l’autorité du chef ou des responsables d’une société. Elle peut varier et ne pas être la même partout. Ainsi l ’avortement est autorisé dans certains pays tandis qu’il est considéré comme un crime ailleurs. La justice divine, c’est différent. Il n’existe pas d’autorité supérieure qui puisse la définir. Elle ne peut être définie que par Dieu lui-même qui est Amour et qui ne varie pas. C’est pourquoi le Dieu juste de l’Écriture est aussi et en même temps un Dieu de miséricorde. En lui, la justice coïncide avec la miséricorde. Les psaumes le répètent sans fin : Yahvé est justice et pitié (Ps.116,5) Le Seigneur est justice en toutes ses voies, amour en toutes ses œuvres (Ps145,17). Pratiquer la justice pour un croyant, c’est respecter l’ordre de Dieu et l’ordre de Dieu, c’est l’Amour. Comme en Dieu, la justice est inséparable de la miséricorde, non seulement il est possible de pratiquer à la fois la justice et la charité, mais on ne peut pas pratiquer l’une sans pratiquer l’autre en même temps.
En exhortant ses auditeurs à pratiquer la justice et la charité, J.B. cesse d’annoncer le Messie comme un juge sévère. Son annonce du Messie devient alors une bonne nouvelle. Se rendant compte qu’ils le prennent pour le Messie, il les détrompe : Le Messie sera bien mieux que moi. Moi, je ne suis qu’un homme et je vous baptise dans l’eau. Lui il va vous plonger dans l’Esprit Saint et le feu. Vous serez avec lui. Il sera avec vous. Il n’y aura plus de distance entre lui et vous. Il sera avec vous pour vous protéger, pas de loin, depuis son ciel, mais tout près de vous, à vos côtés. Jusqu’à maintenant, c’est seulement de temps en temps que le Seigneur vous visitait et communiquait avec vous par les prophètes. Maintenant il vient en personne et va demeurer au milieu de vous, en permanence, tout le temps. C’est nouveau, inouï, infiniment rassurant. On n’a jamais connu ça dans le passé. Et c’est pourquoi toute la liturgie de la parole dans la messe d’aujourd’hui nous invite à la joie : Pousse des cris de joie, fille de Sion… de tout ton cœur, bondis de joie, le Seigneur est en toi, nous dit le prophète Baruch dans la première lecture, tandis que St Paul insiste : Soyez toujours dans la joie… ne soyez inquiets de rien.
Mais comment peut-on parler de joie alors que nous vivons dans un monde frappé de tant de malheurs ? Famine et misère en Afrique et ailleurs, guerres au Moyen Orient et en Ukraine, oppression et persécutions à l’Est comme à l’Ouest. Si certaines calamités sont épargnées à notre pays, l’extrême précarité, la drogue, le chômage frappent bien des familles autour de nous et la détresse des migrants s’étale sous nos yeux. Comment rester joyeux au milieu de tant de souffrances ? Mais St Paul, comment faisait-il, lui qui vivait dans un monde peut-être pis que le nôtre ? Personne parmi nous n’a eu à supporter ce qu’il a enduré. De tous côtés, il était en butte à l’hostilité et à la violence que ce soit de la part des Juifs, des païens ou des Romains. Il détaille aux Corinthiens tout ce qu’il a enduré : des Juifs j’ai reçu cinq fois les 39 coups, trois fois j’ai été flagellé, une fois lapidé, trois fois j’ai fait naufrage…dangers des fleuves, dangers des brigands, dangers de mes frères de race, dangers des païens, dangers dans la ville, dans les déserts, sur mer, dangers des faux frères, fatigue et peines, veilles, faim et soif, froid et dénuement. Et il mourra martyr, décapité, en 67. Comment St Paul pouvait-il encore dire, malgré tout : Soyez toujours dans la joie ? c’est que lui vivait vraiment en communion avec le Christ, comme il le dit aux Galates : Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi. (Gal 2,20) Il était comme possédé par ce Christ qui l’animait, qui était à la racine de tout lui-même, de ses paroles, de ses décisions comme de ses actes et dont l’amour le submergeait ainsi qu’il le dit aux Romains Oui j’en ai l’assurance, ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, …rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ. (Rom.8, 38,39).
A la différence de St Paul, peut-être que nous ne réalisons pas notre chance d’avoir, depuis le premier Noël, il y a deux mille ans, Dieu avec nous. Il est même mieux présent à nous qu’au temps des apôtres. En ce temps là, s’il était à Jérusalem, les habitants de Capharnaüm ne pouvaient pas le voir et s’il était à Nazareth, les habitants de Béthanie ne pouvaient pas le voir, tandis qu’aujourd’hui que nous soyons à Lille, à Marseille ou à New York , le Seigneur est non seulement avec nous, mais en nous, depuis le jour de notre baptême. L’ennui c’est que nous, nous ne sommes pas toujours avec lui. La plupart du temps, nous agissons pour le mieux, certes, honnêtement, nous n’avons aucune intention de faire le mal, mais nous agissons comme s’il n’existait pas. C’est seulement en cas de coup dur, quand surviennent les difficultés que nous nous tournons vers lui Et encore, c’est pour lui demander de nous aider à réaliser nos projets, parce que nous oublions que lui aussi a des projets pour nous et pour le monde. Et surtout nous oublions que le Seigneur qui vient nous confie le monde pour le transformer comme il voudrait qu’il soit, et qu’il demande d’en faire un royaume de paix de justice et de charité.
Que retenir de tout cela ?
Que devons-nous faire ? Pour commencer, réjouissons nous. Notre Dieu ne reste pas dans son ciel, loin de nous. Il vient parmi nous, au milieu de nous. Qu’est-ce qu’il vient faire ? Il vient nous donner sa vie, son dynamisme, son amour. Que devons-nous faire pour accueillir comme il convient le Seigneur à Noël ? Recevoir avec enthousiasme cette vie, ce dynamisme, cet amour qu’il veut partager avec nous pour transformer notre monde encore plein d’injustices, de conflits et de haine en un monde où il y ait davantage de paix, de justice et de charité.
Merci pour cette homélie facile à comprendre ,j’ai recopié la citation (Rom 8,38-39) comme viatique ,pour n’être inquiète de rien!