Dimanche 9 Juin 2024

Jésus attirait les foules. Elles étaient fascinées par les miracles qu’il faisait et captivées par son enseignement. Il parlait de Dieu et des choses de la religion comme personne. On disait : jamais homme n’a parlé comme cet homme. (Jean 7,46) Et puis de temps à autre il remettait vertement à leur place les prêtres, les scribes et les pharisiens qui tenaient le haut du pavé, s’imposaient avec arrogance et méprisaient ceux qui ne faisaient pas partie de leur cercle. Les braves gens qui souffraient de la morgue et du mépris des responsables religieux étaient tout heureux d’entendre Jésus les remettre à leur place. Les chefs de la synagogue au contraire, étaient profondément irrités  de voir la popularité croissante de Jésus ruiner leur prestige auprès de de la foule. Ils s’efforçaient de le faire passer pour un fou, allant jusqu’à faire pression sur la famille de Jésus pour qu’elle le raisonne et le ramène au village. Et bien sûr ils l’attaquaient par tous les moyens, même les plus ridicules comme ici où ils l’accusent : c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons. Jésus n’a aucun mal à relever l’absurdité d’une telle accusation : le démon ne va pas se mettre à chasser les démons !

Il y a dans cette hostilité des chefs de la synagogue quelque chose d’incompréhensible. Comment dans le monde Juif, quasiment obsédé par l’attente du Messie, les chefs religieux peuvent-ils être aussi opposés à Jésus ? Normalement ils auraient dû être les premiers à l’accueillir ainsi que son message messianique. Comment en sont-ils arrivés à une telle hostilité envers lui ? C’est que l’autorité et le prestige dont jouissent  les clercs les exposent à la tentation du pouvoir et de l’orgueil. Du temps de Jésus les cadres religieux étaient pratiquement les seuls à être instruits en face des foules illettrées. D’autre part le Christ n’ayant pas encore révélé clairement que Dieu était un Père aimant, la foule des croyants en était encore à une foi très marquée par la crainte, leur Dieu était encore un Dieu tout puissant, redoutable et imprévisible. Du coup, les clercs apparaissaient à leurs yeux comme les seuls intermédiaires efficaces, connaissant les bons trucs permettant d’atteindre la divinité à coup sûr et de l’amener à écouter les prières. D’où un regain de prestige et d’autorité pour les prêtres et les responsables de la synagogue. Pour eux la religion était l’occasion de jouir d’un véritable pouvoir sur la masse ignorante et ils ne voulaient surtout pas que ce pouvoir leur échappe. C’est pourquoi ils essayaient par tous les moyens de déconsidérer Jésus.

                                            On a d’un côté, le pouvoir et les chefs de la synagogue, et de l’autre  le  lavement des pieds et Jésus ; d’un côté, le pouvoir et le prestige, et de l’autre, l’humilité et le service ; d’un côté, ceux qui veulent se servir de Dieu et de la religion pour renforcer leur situation dans la société, et de l’autre, ceux qui veulent servir Dieu. Tout au long de l’histoire de l’Eglise, on retrouve ce dilemme. On cherche à utiliser la religion pour renforcer sa situation dans la société. Tout le monde connaît la boutade que l’on prête à Henri IV lorsqu’il s’est « converti »au catholicisme pour pouvoir monter sur le trône de France : Paris vaut bien une messe. Et de nos jours on peut voir tel responsable d’une grande puissance, mondiale, qui ne croit ni à Dieu ni à diable, couvrir de dons l’Eglise orthodoxe de son pays pour s’assurer le soutien des croyants. Jusque dans l’Eglise aussi parfois on se sert de Dieu et des choses de la religion pour asseoir son pouvoir. Notre pape François ne cesse de nous mettre en garde contre la tentation du cléricalisme présent à tous les niveaux dans l’Eglise depuis les dignitaires ecclésiastiques qui cherchent à faire carrière, jusqu’au curé de paroisse un peu dictateur ou au responsable de la chorale qui s’accrochent à leur poste et refusent de faire place à quelqu’un d’autre. 

Sans être dévorés par l’ambition et vouloir nous servir de Dieu et de l’Eglise pour améliorer notre rang dans la société, est-ce que tous, dans notre relation à Dieu, nous ne sommes pas, à certains moments, tellement préoccupés par notre intérêt personnel que nous oublions le point de vue du Seigneur ? Est-ce que nous ne prions pas surtout pour que notre volonté soit faite, négligeant plus ou moins de prier pour que la volonté de Dieu notre Père advienne, elle aussi ? D’un côté, il est normal que nous demandions l’aide de Dieu pour parvenir à réaliser nos désirs et  nos projets. Le Seigneur lui -même nous le dit dans l’évangile : Sans moi, vous ne pouvez rien faire et St Paul est navré de constater : Je ne fais pas le bien que je veux  et je fais le mal que je ne veux pas. (Rom.7,19 ) Le Seigneur nous encourage donc : Demandez et vous recevrez. (Jean16,24) Aussi, quand nous prions, nous demandons la santé, la paix, la bonne entente dans nos familles, de réussir l’éducation de nos enfants, nous prions pour la paix et la  justice dans le monde. Et nous avons bien raison. Nous avons le plus grand besoin de l’aide de Dieu qui, dans sa bonté, s’abaisse à notre niveau pour nous secourir. Mais il veut aussi nous hisser à son niveau……………

N’oublions pas de lui demander aussi ce que Lui  veut nous donner. Sinon nous risquons  de  prendre Dieu pour une sorte de dépanneur universel qui nous tire d’embarras chaque fois que nous sommes coincés. Nous risquons de ne croire en Dieu que dans la mesure où il est à notre service. Le Dieu dans lequel nous croyons risque de n’être  plus qu’une sorte de directeur d’une sorte de super-super marché où, en échange de prières appropriées, on peut avoir tout ce qu’on veut. Dans nos prières, nous demandons ce que nous pensons être le mieux pour nous. Très   bien. Mais est-ce que Lui ne sait pas, mieux encore que nous, ce qui est le mieux pour nous ? Alors au lieu de lui dire : Donne moi ceci ou cela   ne devrions nouspas oser lui dire : Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme elle est faite au ciel. Puisquesa volonté, c’est notre épanouissement et notre bonheur. Il le dit ouvertement dans l’évangile : Je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance. (Jean10,10 ) Quand, dans nos familles, son nom est sanctifié, son règne advient et sa volonté est réalisée, c’est alors que le bonheur s’y établit. Mais croyons-nous que le Seigneur sait mieux que nous, ce dont nous avons besoin ? Croyons-nous qu’il nous aime mieux que nous ne nous aimons nous-mêmes ? Croyons-nous que sa puissance agissant en nous peut faire bien plus, infiniment plus, que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer, comme dit St Paul aux Ephésiens ? (3,20 ) Peut-être pourrions-nous faire nôtre cette prière que je vous cite en terminant : 

1)               Mon Dieu,                                                                     3)            Mon Dieu,

N’écoute pas ma prière                                                               N’écoute pas ma prière,

    Même si ce qu’elle te dit                                                           Mais fais en moi ma prière,

                      Estbien.                                                                           Et puis écoute,

     Toi, ce que Tu veux me dire                                                           Ecoute en moi

             Est tellement mieux.                                                                     Ta prière.

    2)            Mon Dieu,                                                            4)              Et surtout,

          N’écoute pas ma prière,                                                                  Mon Dieu,

    Même si ce qu’elle te demande                                                       Fais que j’écoute  

                      Est bon.                                                                             Que toujours,

    Toi, ce que Tu veux me donner                                                        J’écoute en moi

           Est tellement meilleur.                                                                    Ta prière.