Dimanche 9 juillet

14ème dimanche du temps ordinaire – Année A – Mt 11,25-30

«  Je suis doux et humble de coeur. »

« Père, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Dans l’évangile, on le constate, ce sont les petits, les gens simples qui ont vu en Jésus le Messie tandis que les sages et les savants, c’est-à-dire les prêtres, les docteurs de la Loi, les lévites, ne l’ont pas reconnu. Normalement ce sont les sages et les savants qui comprennent ce qui se passe dans le monde, tandis que les petits ne se rendent pas compte. Pourquoi les petits arrivent-ils à connaître la révélation de Dieu alors que les sages et les savants n’y arrivent pas ?

Peut-être parce que sachant qu’ils ont petits, qu’ils ne connaissent rien, les petits sont ouverts, prêts à recevoir ce qu’on va leur dire. Tandis que les sages et les savants, persuadés que c’est leur intelligence qui leur fait tout comprendre, s’enferment en eux-mêmes, dans leurs raisonnements et leurs certitudes, refusant orgueilleusement de recevoir une lumière venue d’ailleurs : cela les ferait dépendre de quelqu’un qui leur serait supérieur. « La connaissance enfle »disait St Paul aux Corinthiens (1Cor.8,1) D’autre part, non seulement les petits sont ouverts, prêts à recevoir ce qu’on leur dit, mais ils sont contents de le recevoir. Un petit enfant n’est pas humilié, complexé de ne pas savoir conduire une voiture, manipuler un ordinateur ou tout simplement lacer ses chaussures, il est heureux de ce que son papa ou sa maman soit là pour lui, il est tout heureux de faire confiance à l’amour de ses parents. Je me rappelle un petit garçon de cinq ans environ. Il était debout à côté de la voiture de son papa. Et comme je m’approchais de lui, tout d’un coup, il m’a dit « Mon papa, il est grand ». Cette réflexion m’a frappé. Il ne m’a pas dit ; c’est embêtant je suis encore petit, je ne me rase pas, je ne sais pas conduire une voiture, il m’a dit : mon papa il est grand. Il n’était pas humilié de dépendre de son père. Au contraire, il en était fier et heureux : je suis petit, je ne peux pas faire grand chose. mais qu’est-ce que ça peut faire, mon papa est là !

De même devant Dieu les petits, c’est-à-dire ceux qui savent qu’ils sont orgueilleux égoïstes, incapables de faire le bien qu’ils aiment alors qu’ils font le mal qu’ils n’aiment pas, loin de se sentir humiliés, sont au contraire heureux et comblés de voir qu’ils ne sont pas rejetés mais qu’ils sont encore aimés de Dieu. St Paul, désolé de constater : « Le bien que je veux je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas je le fais, malheureux homme qu je suis  » (Rom.7,19) n’est pas écrasé ; au contraire il est heureux de découvrir que Seigneur le soutient: « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2Cor.12,10) « Je puis tout en celui qui me fortifie »(Phil.4,13) Les petits ne sont pas humiliés de découvrir qu’il y a un Dieu bien plus fort qu’eux. Et prenant conscience que ce Dieu là les aime, ils débouchent dans la joie et l’action de grâce. Cela me fait penser à cette vieille chanson de notre folklore où la petite bergère dont on se moque à cause de ses gros sabots, rétorque fièrement « je ne suis pas si vilaine avec mes sabots tontaine puisque le fils du roi m’aime avec mes sabots tontaine !!!

Mais pourquoi dans l’évangile, cette méfiance, cette réticence vis-à-vis des sages et des savants alors que le savoir et la sagesse sont des biens précieux que tout le monde recherche ? C’est que bien souvent le savoir et la sagesse humaine nous font basculer dans l’orgueil. Quand on est instruit, on est tenté de se croire supérieur aux autres. On croit qu’on arrive à tout dominer par soi-même, sans avoir besoin de l’aide de personne. Le pire, c’est que trop souvent on va être tenté d’utiliser son savoir et sa sagesse en vue de dominer les autres, ce qui ouvre la voie à la violence et aux conflits de toutes sortes. Comment faire pour éviter ces dérives de la connaissance et de la sagesse ? Peut-être tout smplement en allant jusqu’au bout du processus de la connaissance. Car il y a différents niveaux de connaissance. Cela commence par la connaissance sensible : je vois l’eau avec mes yeux. Et puis mon intelligence intervient,je raisonne A quoi ça sert, l’eau ? : je comprends alors que l’eau apaise la soif, qu’elle est nécessaire à toute vie ,c’est la connaissance rationnelle.Mon intelligence me permet aussi de discerner la beauté de l’eau: l’eau d’une rivière, de la mer, c’est beau, c’est la connaissance artistique. Mon intelligence me fait accéder aussi à une connaissance scientifique de l’eau, l’eau c’est H2O. Et finalement ma réflexion peut me conduire jusqu’à voir dans l’eau une créature de Dieu qui la met à notre disposition. On peut appeler cela la connaissance religieuse des choses . C’est seulement à ce niveau , en Dieu, qu’on peut discerner la totalité du sens des choses ainsi que la bonne manière de s’en servir.Tant qu’on n’est pas parvenu à ce niveau, on ne connaît pas vraiment la réalité. St Paul le souligne : « Si quelqu’un s’imagine connaître quelque chose, il ne connaît pas encore comme il faudrait connaître » (1Cor.8,2)

Une fois que j’ai compris ce que c’est que cette chose que j’ai devant moi, se pose la question : Qu’est-ce que je vais en faire ? Or on utilise toujours les choses selon la pensée, le projet de celui qui les a fabriquées. Quand j’achète une voiture, je l’utilise toujours selon l’idée de ceux qui l’ont fabriquée : ils l’ont fabriquée pour rouler sur la route, pas pour grimper aux arbres. Par conséquent la connaissance, la sagesse, puisque c’est Dieu qui me les donne, je dois m’en servir selon les projets qu’il a en vue lorsqu’il me les donne. Mon intelligence, mes connaissances, ma sagesse, Dieu me les donne pour quoi faire ? Pour fabriquer des bombes atomiques ou des médicaments ?

Pourquoi la méfiance du Seigneur vis-à-vis des sages et des savants ? Parce qu’ils ils croient arriver à la connaissance et à la sagesse par eux-mêmes, oubliant que c’est le Seigneur qui leur a donné l’intelligence. Par suite, ils ne se soucient pas ou refusent d’utiliser connaissances et sagesse selon les projets de Dieu qu’ils remplacent par leurspropres projets qu’ils pensent meilleurs. Ils rejettent le point de vue de Dieu qui nous donne toutes choses afin que nous les utilisions pour le bien de tous avec justice et charité et se lancent dans une course aux richesses et à la domination sur les autres qui amènent des catastrophes en série au lieu du progrès escompté. C’est ainsi que les philosophes des lumières et les rationalistes espéraient qu’une fois débarrassée des croyances et des légendes des religions, l’humanité, unanime, adopterait une sagesse meilleure fondée sur une rationalité supérieure qui apporterait enfin progrès et bonheur dans tout l’univers. Hélas, c’est le contraire qui s’est produit, comme le fait remarquer parmi bien d’autres un historien et théologien orthodoxe : « Les pires régimes de l’histoire moderne ont été ceux qui ont le plus clairement renié la vision chrétienne de la réalité et cherché à la remplacer par un ensemble de valeurssoi-disant plus« humaines ». Dans l’histoire, aucune cause, aucune religion, aucune ambition impérialiste, aucune aventure militaire n’a détruit plu de vies que la cause de la « fraternité universelle », de l’utopie post-religieuse ou du progrès de la race humaine » (The Atheist Delusions, David Bentley Hart p. 107) Le XX° siècle avec ses deux guerres modiales, ses famines, ses camps d’extermination en a malheureusement été l’illustration tragique.

Que retenir de tout cela ? 

Les tout-petits ont la préférence de Dieu parce que, se jugeant avec réalisme comme faibles et dépendants de plus fort qu’eux, loin d’être humiliés et complexés par leur petitesse, ils se réjouissent de ce qu’ils peuvent compter sur l’amour de leur Père du ciel en toutes circonstances. Comme le petit garçon qui dit Mon papa, il est grandou St Paul qui se réjouit :« Je puis tout en celui qui me fortifie » (Phil.4,13 )

Par contre, le Seigneur se méfie des sages et des savants parce que, trop souvent, victimes de leur orgueil ils prétendent remplacer la sagesse de Dieu par leur propre sagesse.

Le bon sens exige que l’on utilise les choses selon le projet de celui qui les a fabriquées. C’est pourquoi la vie, le monde, il s’agit de les utiliser selon le projet de celui qui les a fabriqués !

Le Seigneur est « la Voie, la Vérité, la Vie » (Jean 14,6) Ceux qui ont essayé autre chose, cela ne leur a guère réussi.