Dimanche 7 Juillet 2024

De Capharnaüm, d’où il rayonnait, Jésus part donc pour Nazareth où il a passé toute son enfance et son adolescence et où tout le monde le connaît. Partout on parle de la profondeur de son enseignement et de ses miracles. On peut donc penser que les Nazaréens étaient heureux et fiers de voir arriver l’enfant du pays devenu célèbre. Sans doute espéraient-ils que chez eux aussi, il allait guérir les malades et chasser les démons. Cela attirerait du monde et cela ferait marcher le commerce ! Mais très vite en l’entendant enseigner dans leur synagogue ils passent de l’étonnement admiratif à une franche hostilité. Comment expliquer ce revirement ?

Pourtant tout avait bien commencé. On avait fait honneur à Jésus en lui donnant la parole pour qu’il enseigne dans la synagogue. Mais voilà qu’il s’est mis à dire des choses qui n’étaient pas celles qu’on attendait, des choses nouvelles qui dérangeaient les habitudes Surtout au début de sa prédication Jésus précisait  toujours : Vous avez appris qu’il vous a été dit… Et moi je vous dis. (Mt5,21…) Les Nazaréens ont commencé à penser : Pour qui se prend-il ? Si d’un côté ils étaient fiers de voir un enfant du pays atteindre une certaine célébrité, par ailleurs ils étaient vexés et jaloux de ce que quelqu’un comme eux les dépasse.  Où a-t-il été chercher des idées pareilles ?  Il n’a jamais étudié dans aucune école rabbinique, il est d’ici, on connaît sa famille.   Et puis ils sont vexés et franchement en colère de voir qu’il ne guérit pas leurs malades alors qu’il guérit ceux des villages d’à côté. Jésus quitte alors Nazareth en faisant remarquer qu’un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. St Jean écrira plus tard : il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu. (Jean 1,11).

Qu’est-ce qu’il aurait fallu pour que les Nazaréens accueillent Jésus ? Et nous aujourd’hui que faudrait-il pour que nous l’accueillions ? Il faudrait admettre avec réalisme qu’on ne s’en sort pas tout seul. Qui d’entre nous arrive à atteindre au bonheur dont il rêve ? Qui arrive à faire le bien qu’il aimerait faire ?  Il faudrait avoir la lucidité de le reconnaître :  nous n’arrivons pas à faire le bien que nous voulons faire et nous faisons le mal que nous ne voulons pas faire. (Rom.7,19). Il faudrait nous reconnaître pécheurs et être heureux de recevoir de lui le pardon et la force de rebondir. Il faudrait être comme un petit enfant qui n’est pas humilié de voir qu’il ne peut pas faire grand-chose tout seul, mais il est fier et heureux de donner la main à son père ou à sa mère. Avec eux, il peut tout. Il faudrait être convaincu comme  St Paul: C’est du Seigneur que vient notre capacité. (2Cor.3,5) Je puis tout en celui qui me rend fort. (Phil.4,13)

En terminant son récit de la visite de Jésus à Nazareth, St Marc fait une remarque curieuse. Il écrit : Là le Seigneur ne pouvait accomplir aucun miracle, il guérit simplement quelques malades en leur imposant les mains et il était étonné de leur manque de foi. (Marc 6,6). Autrement dit : le Seigneur ne put faire là aucun miracle parce que les gens n’avaient pas la foi. Entendons-nous bien sur ce que sont les miracles de Jésus. Habituellement quand on parle de miracle, on parle d’un prodige, de quelque chose d’inattendu, d’inespéré, un point, c’est tout. On dira par exemple : il est sorti miraculeusement indemne de cet accident. Un miracle dans l’évangile, c’est tout-à-fait différent, c’est un signe qui nous est adressé à travers un prodige pour nous permettre de reconnaître la présence de Dieu à l’œuvre. Dans tout miracle de l’évangile il y a toujours un prodige, mais l’important n’est pas là. L’important c’est que le prodige est lui-même un signe de la présence de Dieu à l’œuvre.  Le but du Seigneur lorsqu’il fait un miracle, c’est qu’à travers le prodige, grâce à


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la foi, on aille jusqu’à reconnaître la présence de Dieu à l’œuvre dans notre quotidien. En définitive, dans l’évangile, un miracle, c’est un geste fait par Jésus en réponse à une demande motivée par la foi. C’est d’ailleurs pourquoi très souvent en faisant un miracle Jésus dit à celui ou celle qu’il exauce : Ta foi t’a sauvé (Mt.9,22) Qu’il te soit fait selon ta foi (Mt.8,13) C’est la foi de celui qui supplie qui déclenche le miracle. Quand le lépreux supplie Jésus Si tu le veux, tu peux me guérir (Luc 5,12,13) sa foi déclenche sa guérison. A l’instant la lèpre le quitta. Mais le miracle, ce n’est pas le prodige de la guérison instantanée, le véritable miracle, c’est que la guérison instantanée du lépreux l’amène lui et tous les témoins des faits à reconnaître : Dieu est là, à l’œuvre parmi nous aujourd’hui.  

Jésus arrive à Nazareth. Il est prêt à faire tous les miracles qu’on veut. Mais son  but c’est qu’à travers des malades  soudainement guéris, des possédés instantanément délivrés, on reconnaisse la présence de Dieu à l’oeuvre. Or les habitants de Nazareth veulent  bien des miracles-prodiges, des guérisons mais  rien de plus. Ils ne veulent pas de miracles qui seraient des signes de la présence de Dieu à l’oeuvre au milieu d’eux. Ils ne veulent pas croire que quelqu’un comme eux, originaire de leur village puisse être le Messie. Jésus est étonné d’un tel refus, d’un tel manque de foi. Dans ces conditions, il ne peut plus agir. Les miracles qu’il est tout prêt à leur accorder ils n’en veulent pas. Ils veulent bien d’un Dieu qui leur donne ce qu’ils désirent mais  pas d’un Dieu qui leur donne ce que lui, désire leur donner.

Et nous aujourd’hui qu’est-ce que nous attendons de Dieu ? Ce qu’il veut nous donner ou seulement ce que nous voulons qu’il nous donne ? Au départ, il a tout le monde pour lui. Qui serait contre lui alors qu’il nous promet : Demandez et vous recevrez ? (Jean 16,24) Donc quand nous n’arrivons pas à réaliser nos projets, en toute confiance, bien tranquillement nous allons demander l’aide de Dieu. Mais voilà que, plus d’une fois, nous découvrons qu’il ne nous donne pas toujours ce que nous lui avons demandé, qu’il nous donne autre chose, qu’il a d’autres idées que nous sur ce qui est le meilleur pour nous. Personne n’avait remarqué qu’il n’avait jamais dit : demandez et vous recevrez ce que vous avez demandé. Nous sommes alors fort tentés de l’abandonner et de le rejeter. Que ce soit ce jour-là à Nazareth, ou aujourd’hui, quand on rejette du Christ c’est toujours pour la même raison : il ne nous donne pas ce que nous attendions de lui. Alors, déçus, nous le rejetons.  

L’évangile d’aujourd’hui nous met au pied du mur. Il s’agit de  mettre les choses au clair une bonne fois pour toutes : en quel Dieu croyons-nous ? Un Dieu « yes-man » qui réponde à nos désirs et à nos attentes ? Ou croyons-nous en un Dieu qui, parce qu’il sait mieux que nous ce qui est meilleur pour nous, nous donne toujours ce qui est le meilleur pour nous, même si ce n’est pas ce que nous espérions, même si, sur le coup, cela nous paraît un mal, parce que nous ne pouvons pas comprendre ? Exactement comme un petit enfant inconsolable qui pleure à gros sanglots parce que sa maman dont il croyait bien qu’elle l’aimait, vient de le trahir, pense-t-il : elle l’a l’amené chez le médecin qui lui a fait une piqure douloureuse. Il ne peut pas comprendre que le vaccin qu’il vient de recevoir le sauve de graves maladies et peut-être même de la mort.

Que retenir de tout cela ?

Pourquoi les habitants de Nazareth rejettent-ils Jésus ?  Parce qu’il n’est pas tel qu’ils l’attendaient.  

Nous sommes toujours prêts à accueillir Dieu, mais à condition qu’il exauce nos désirs et qu’il ne nous dérange pas avec ses désirs à lui, ses projets à lui, sa volonté à lui. Le Dieu que nous sommes prêts à accueillir, c’est trop souvent un « yes-man » Mais nous ne voulons pas trop d’un Dieu qui


dérangerait nos plans avec les siens, qui contrarierait nos volontés avec les siennes. Nous sommes peut-être trop sûrs que notre point de vue est meilleur que le sien. Le jour où nous croirons vraiment que Dieu nous aime mieux que nous ne nous aimons nous-mêmes, alors, comme nous l’avons appris du Seigneur et selon son commandement nous OSERONS dire Notre Père qui es aux cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne,  que ta Volonté soit faite.