Aimez-vous les uns les autres. Ce serait déjà très bien, si on y arrivait. Plus de disputes dans les familles, plus de rivalités agressives dans les affaires, plus de guerres entre les nations ! Mais cela reste un rêve hors de portée. Il y a trop d’orgueil et d’égoïsme partout. Le pire, c’est que le Seigneur ne s’arrête pas là, il ajoute Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Alors là, c’est carrément impossible.
Comment le Christ nous aime-t-il ? Il nous aime d’amour, d’un amour infini, jusqu’à donner sa vie pour nous. Il ne s’agit pas simplement d’une inclination ou de vagues sentiments. Car il y a des degrés dans la manière d’aimer. Il y a de tas de gens qu’on aime bien, parce qu’on les trouve sympathiques, on apprécie leur personnalité, leurs qualités, leurs talents, sans qu’on les aime d’amour à proprement parler. C’est comme ça que je peux aimer Churchill, Saint Exupery ou Mbappé. Aimer d’amour, c’est autre chose. C’est quoi ? C’est mettre la personne qu’on aime au-dessus de soi, la faire passer avant soi, chercher à la rendre heureuse. C’est comme ça que le Christ nous aime. Dans l’évangile, on ne le voit jamais chercher son avantage, toujours il cherche notre épanouissement. Je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance. (Jean 10,10 ) Cela le conduit jusqu’à s’effacer, se renoncer. Lui de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’anéantit lui-même, prenant la condition d’esclave et devenant semblable aux hommes. (Phil.2,6) Et il ira dans le renoncement jusqu’au degré ultime : donner sa vie.
Même sans aller jusqu’à donner sa vie pour ceux qu’on aime, simplement les mettre au-dessus de soi, les faire passer avant soi, pour nous, c’est impossible, c’est contraire à la psychologie humaine la plus élémentaire : regardez un petit bébé dans son berceau, il essaie d’attraper tout ce qui passe à portée de ses mains et le porte à sa bouche, même son pied ! Nous sommes fondamentalement égoïstes. Nous sommes obligés d’en convenir : l’amour n’est pas un sentiment humain. L’amour, c’est Dieu, c’est en Dieu. Pourtant l’amour, ça existe dans notre monde, autour de nous, bien des gens arrivent à aimer d’amour : combien d’époux mettent leur conjoint au-dessus d’eux, combien de parents font passer leurs enfants avant eux ! Comment se fait-il que nous arrivions à aimer d’amour ? C’est que Dieu, seule source d’amour au monde, en nous créant à son image, nous rend capables d’aimer d’amour, alors que par nous-mêmes tout seuls nous en serions incapables. L’amour, cela vient de Dieu, c’est un don de Dieu.
Mais comme l’égoïsme reste toujours présent en nous, même si Dieu nous rend capables d’aimer, tous les jours, nous avons à lutter pour nous maintenir au niveau de l’amour, à niveau avec la manière d’aimer du Christ et ne pas retomber dans l’égoïsme C’est pourquoi Il nous recommande vivement : Demeurez dans mon amour.
Mais comment faire ? Aimer comme le Christ, c’est faire passer l’autre avant soi, l’épanouir, construire son bonheur. Or souvent, lorsque nous aimons quelqu’un, en réalité, nous cherchons seulement à jouir de ses qualités, et cela peut nous amener jusqu’à profiter de lui, l’exploiter ou même le détruire. Le pilonnage intensif des médias aggrave encore la situation : les chansons, les films, les romans nous répètent indéfiniment le même portrait faussé, trompeur, caricatural de celui qui aime. Comment présente-t-on l’amoureux dans les médias ? Comme quelqu’un qui a très envie de l’autre, qui a très envie de jouir de l’autre, de ses qualités, de ses talents. Il répète indéfiniment : « Je t’aime, je ne peux pas vivre sans toi, j’ai besoin de toi » Mais est-ce que c’est elle qu’il aime ou seulement lui profitant, jouissant de ses qualités et de ses talents à elle ? Combien de fois les médias nous rapportent des féminicides où un pauvre homme qui a tué sa compagne parce qu’elle voulait le quitter tente de s’excuser en disant « Je l’aimais, je ne pouvais pas vivre sans elle » Est-ce que c’est elle qu’il aimait ? Bien sûr que non. Il croyait l’aimer alors qu’en réalité c’est lui qu’il aimait, lui profitant d’elle. Méfions nous du langage, il peut charrier bien des malentendus. On dit aussi bien j’aime le chocolat que j’aime ma femme. C’est vrai que je suis heureux de manger le chocolat que j’aime et heureux de vivre avec la femme que j’aime. Pourtant, ce n’est vraiment pas la même chose. Le chocolat que j’aime, je le détruis, tandis que la femme que j’aime, je la construis puisque j’essaie de bâtir son bonheur.
Le Christ dans sa manière de nous aimer, nous montre que l’amour se vit dans le service de ceux qu’on aime, en vue de construire leur bonheur. Le service, le dévouement pour les autres, c’est l’amour en actes. C’est ce que le Seigneur veut nous faire comprendre dans la scène du lavement des pieds qui, loin d’être anecdotique, nous transmet une vérité fondamentale : Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez Seigneur et Maître et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné l’exemple pour que vous agissiez comme j’ai agi envers vous. …..Sachant cela vous serez heureux, si du moins vous le mettez en pratique.(Jean 13,12-17). Le Seigneur nous recommande de nous mettre au service les uns des autres, comme lui l’a fait, un service sans réserve, exempt de toute volonté de puissance et de tout esprit de domination. Mais alors, cela ne va pas être facile, il va falloir peiner, faire des efforts. Pourtant le Christ ajoute Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.
Comment est-ce qu’on peut trouver de la joie dans les efforts et dans la peine ? C’est que, par-dessus les efforts et la peine qu’on se donne pour aimer d’amour, domine la joie de construire et de créer du bonheur. Quand vous aimez votre mari, votre femme, vos enfants, vous créez leur bonheur. Et c’est le paradoxe de l’amour : plus vous avez dû faire des efforts, plus vous avez dû vous donner de la peine pour y parvenir, plus vous vous retrouvez heureux de les voir heureux. Saint-Exupéry disait Plus tu donnes et plus tu reçois et tant pis si les mots se tirent la langue. Le Créateur qui est Amour, crée du bonheur. Eh bien nous aussi, quand nous aimons, nous créons du bonheur et par là nous rejoignons le Créateur et partageons sa joie. C’est pourquoi le Christ nous dit: je vous dis tout cela, je vous dis aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés, pour que MA joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.
Que retenir de tout cela
Nous aimer les uns les autres, c’est déjà au-delà de nos moyens, à plus forte raison nous aimer les uns les autres comme le Seigneur nous a aimés. Nous sommes fondamentalement égoïstes et donc incapables de mettre les autres au-dessus de nous, de les faire passer avant nous, comme l’exige l’amour. L’amour, c’est Dieu, c’est en Dieu, L’amour n’est pas un sentiment humain, c’est un don de Dieu. Mais parce que nous sommes créés à l’image de Dieu, parce que Dieu est en nous depuis notre baptême, nous sommes devenus capables d’aimer d’amour.
Cependant comme nous restons pécheurs même après notre baptême, il nous faut encore lutter chaque jour pour nous maintenir au niveau de l’amour, pour rester à niveau avec la façon d’aimer du Christ et ne pas retomber dans l’égoïsme. Et, c’est le paradoxe de l’amour, plus on fait d’efforts, plus on se donne de la peine pour aimer d’amour, plus, débouchant dans la joie, on se retrouve heureux. Profitons de cette messe où, avec le sacrifice du Christ nous nous offrons nous aussi, pour demander au Seigneur de nous rendre toujours plus semblables à lui, toujours plus capables d’aimer comme lui. Comme le dit une prière précédant la consécration :Nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous t’apportons. Sactifie les par ton Esprit pour qu’elles deviennent, pour que nous devenions, le corps et le sang de Jésus Christ Notre Seigneur, pour que nous devenions toujours un peu plus Jésus Christ, capables d’aimer comme Lui.