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31 Août 2025
(Eccles.3,17,18.20.23-29) (Heb.12,18-19.22-24a) (Luc 14,1.7-14)
Ce jour là, un jour de sabbat, Jésus était invité à souper chez un Pharisien. C’était une invitation pleine d’arrière-pensées. On en profiterait pour le piéger et si possible le discréditer définitivement.
Au début du repas, un accrochage s’était déjà produit, que l’évangile d’aujourd’hui ne nous rapporte pas : un malade était venu implorer sa guérison, suscitant une discussion : peut-on guérir un malade le jour du sabbat ? Jésus s’en était tiré habilement et avait guéri le malade. Les pharisiens embarrassés avaient été réduits au silence. Mais les hostilités étaient déclenchées. Jésus, voyant les invités se bousculer pour chercher les premières places lance un nouveau débat.
Une fois encore, ses propos sont surprenants et même choquants. Il conseille, quand on est invité d’aller se mettre à la dernière place. Personne ne cherche jamais la dernière place nulle part, dans aucun domaine, que ce soit dans les affaires, les études, le sport ou la politique. Tous les parents cherchent à voir leurs enfants premiers en tout. Ce n’est pas possible que le Seigneur souhaite que ses disciples soient les derniers partout ! D’ailleurs il leur propose un programme d’excellence extrêmement ambitieux : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ! (Mt.5,48) Alors, qu’est-ce qu’il veut dire exactement ?
A regarder le texte de plus près, on constate qu’il ne nous invite pas tant à choisir la dernière place, qu’à ne pas nous précipiter pour chercher la première place en pensant qu’elle nous revient de droit et il nous invite à nous comporter comme si nous estimions les autres supérieurs à nous. On cherchera donc les dernières places en laissant le maître de maison nous faire monter plus haut, s’il estime convenable de le faire. Est-ce de l’humilité ? N’est-ce pas plutôt du bon sens ou du réalisme ? En effet, si nous avons des qualités et des talents, d’où cela nous vient-il ? Cela vient du Seigneur qui nous les a donnés, soit directement, soit à travers nos parents, nos éducateurs ou des amis qu’il a placés sur notre route. Peut-être avons-nous quelque mérite si nous avons fait fructifier ces talents, mais c’est tout. Ce qu’il y a de bien en nous, c’est Dieu qui l’y a mis. De nous-mêmes, par nous-mêmes, qu’est-ce que nous valons ? Pas grand-chose. St Paul nous le rappelle sans ménagements : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu et si vous l’avez reçu, de quoi vous glorifiez-vous comme si vous ne l’aviez pas reçu ? (1Cor.4,7)
Mais il y a une autre raison pour ne pas chercher les premières places et rechercher plutôt les dernières, c’est qu’en agissant ainsi, nous suivons l’exemple du Christ. Il s’est considérablement abaissé en se faisant homme comme nous. Lui, de condition divine, écrit St Paul, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est dépouillé de son rang de Dieu, prenant condition d’esclave, devenant semblable aux hommes. (Phil.2,6,7) S’il voulait se faire homme, il aurait pu le faire d’une manière moins choquante. Il aurait pu apparaître soudainement sur le parvis du Temple de Jérusalem, comme un respectable docteur de la Loi ou un grand prêtre imposant, solennel dans ses vêtements sacerdotaux. Pourquoi ce scenario invraisemblable : naître comme un petit bébé et dans une étable, même pas dans une maison correcte. Il a fallu qu’il apprenne à marcher, à parler, à faire ses prières. Plus tard, il a vécu entouré de gens si frustes que
même les meilleurs, ses apôtres, ne comprenaient pas grand-chose à ce qu’il disait. Et puis l’histoire atroce de sa passion, de sa mort sur une croix comme un criminel. Pourquoi un tel scenario ? Nous ne comprenons pas. Il faut être Dieu pour avoir des idées pareilles. En tous cas,
une chose est claire : si le Christ s’est abaissé ainsi, nous ne pouvons pas nous prétendre chrétiens et avoir une attitude opposée à la sienne en cherchant les premières places en toute occasion. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus, écrit St Paul. Lui qui était de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est dépouillé de son rang de Dieu, devenant semblable aux hommes. Il s’est abaissé jusqu’à se mettre au dernier rang parmi les hommes, dit St Paul, faites en autant. Et il poursuit : il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix (Phil.2,5-8)
Et puis, tout d’un coup, St Paul change complètement de ton, il ajoute : C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse et que toute langue confesse que le Seigneur , c’est Jésus Christ à la gloire de Dieu le Père. (Phil. 2,9-11) C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé. Comment Dieu peut-il souverainement élever Jésus parce qu’il est extrêmement humilié, rabaissé ? Comment l’extrême abaissement de Jésus peut-il être un motif d’élévation ? L’abaissement de Jésus, en soi, c’est une extrême humiliation, un point, c’est tout. Oui, mais regardons la motivation de cet abaissement, de cette humiliation. Pourquoi Jésus a-t-il non seulement accepté, mais voulu cet abaissement ? A cause de son extrême amour pour nous. Le Christ n’est pas souverainement élevé à cause de son extrême abaissement, mais à cause de l’extrême amour que manifeste cet extrême abaissement. L’extrême humiliation du Christ mourant pour nous sur la croix révèle en même temps l’extrême amour qu’il a pour nous et manifeste du même coup sa gloire infinie. Voilà le genre de dernière place que le Christ veut nous voir prendre : la dernière place qu’on choisit par amour, pour le service des autres, et qui vous propulse du même coup à la première place.
Que retenir de tout cela ?
Cherchez la dernière place, non pas parce que cette dernière place est désirable en soi, mais parce qu’en allant vous mettre à la dernière place, vous manifestez votre lucidité et votre humilité, voyant clairement que, par vous-mêmes, vous ne valez pas grand-chose et que tout ce qu’il y a de valable en vous, vient du Seigneur qui vous l’a donné.
Mais surtout cherchez la dernière place parce qu’en allant vous mettre à la dernière place, vous faites comme le Christ qui s’est abaissé jusqu’à prendre la dernière place par amour pour vous. S
nous prétendons être ses disciples, il faut, nous aussi, comme lui, nous abaisser jusqu’à prendre la dernière place en nous mettant, comme lui, au service des autres.
Le Christ nous demande de chercher la dernière place, mais pas n’importe quelle dernière place, pas la dernière place qui ferait de nous des nuls, mais le genre de dernière place qu’on choisit, comme lui, par amour pour le service des autres et qui vous propulse du même coup à la première place.