Dimanche 3 Mars 2024 Beaucamps sur Ligny

La colère est un péché, c’est même un des sept péchés capitaux. Or l’évangile d’aujourd’hui nous montre Jésus se mettant violemment en colère et ce n’est pas la seule fois que cela lui est arrivé. Dans un certain nombre d’occasions il a réagi avec colère contre les incrédules, ceux qui manquaient à la miséricorde et surtout contre les Pharisiens qu’il traitait d’hypocrites et de race de vipères. Pourtant le Christ est sans péché ! Alors ?

Commençons par regarder la scène. Cela se passe au Temple. Le Temple, ce n’est pas un bâtiment genre cathédrale ou basilique, c’est un espace d’environ 400m de long sur 300m de large, comprenant plusieurs esplanades ou parvis, il comporte aussi des sanctuaires, notamment celui qui abrite l’Arche d’Alliance, symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple et un autel surélevé en plein air sur lequel on offrait les sacrifices. C’est pourquoi il y a sur place des marchands qui vendent des bœufs, des moutons et des colombes destinés aux sacrifices, ainsi que des changeurs pour changer l’argent des Juifs venant de l’étranger en monnaie locale. Autrefois tout ce commerce avait lieu dans la vallée du Cédron ou sur les pentes du Mont des Oliviers, mais petit à petit il avait envahi les parvis à l’intérieur même du Temple. Jésus, indigné de voir le Temple, la maison de son Père, transformé en maison de commerce, se met en colère, renverse les tables des changeurs et chasse les marchands à coups de fouet. Comment peut-il agir ainsi lui qui nous enseigne : on vous a dit Tu ne commettras pas de meurtre; celui qui commettra un meurtre en répondra devant un tribunal et moi je vous dis: quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal ? (Mt.5,22)

St Paul a une expression surprenante : Mettez-vous en colère, dit-il, mais ne péchez pas. (Eph.4,26) Y aurait-il des colères qui ne seraient pas des péchés ? C’est vrai qu’on parle parfois de saintes colères… Que faut-il pour que la colère ne soit pas péché ? On estime généralement que trois conditions sont nécessaires 1°) Il faut qu’elle ait une cause juste, par exemple réagir contre une injustice. Non seulement ce n’est pas un péché de se mettre en colère pour rétablir la justice, mais c’est un devoir. St Jean Chrysostome va même jusqu’à écrire : celui qui ne se met pas en colère quand il y a une cause juste pour le faire commet un péché. 2°) D’autre part pour que la colère ne soit pas un péché, il faut que le mouvement de colère ne soit pas disproportionné. Il arrive malheureusement qu’une dispute banale se termine par un meurtre parce que l’un des protagonistes se laisse entraîner trop loin. L’équilibre est difficile à garder pour tout le monde. Ceux qui ont un tempérament trop ardent et voient partout des raisons valables de s’insurger auraient intérêt à pencher du côté de la douceur. Au contraire ceux qui sont plutôt mous auraient intérêt à prendre quelquefois le parti de la force. 3º) il faut aussi garder une intention droite dans sa colère, c’est-à-dire viser à ramener le bien et la justice et non pas se laisser guider par un esprit de méchanceté ou de haine, de vengeance ou de rancune. Une maman qui se met en colère contre son enfant qui fait des bêtises n’a pas de haine contre son enfant, c’est au contraire parce qu’elle l’aime qu’elle se fâche contre lui.

Donc se mettre en colère, c’est un péché, …mais pas toujours !

Ne pas se mettre en colère, c’est bien… mais pas toujours. Parfois c’est même un péché !

Bienheureux les doux, a dit le Christ, mais il n’a pas dit Bienheureux les mous. Il est miséricordieux mais pas complaisant. La charité ce n’est jamais laisser tout faire sans réagir. Comme l’écrit Bernanos : le Christ n’a jamais dit : Vous êtes le miel de la terre (Journal d’un Curé de Campagne). Il a dit : Vous êtes le sel de la terre (Mt.5,13) et le sel, cela pique et parfois même cela brûle.

Quoi qu’il en soit, les apôtres approuvent la colère de Jésus où ils voient une manifestation de respect pour la maison de Dieu, de la part de quelqu’un que dévore le zèle pour la maison de Dieu, comme dit le psaume (ps.69,10). Mais les Juifs protestent énergiquement : quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? c’est-à-dire : de quelle autorité te permets-tu de causer du désordre dans le sanctuaire ? Jésus répond en parlant d’un autre sanctuaire : son corps, qui est comme le Temple de Jérusalem et mieux que le Temple de Jérusalem la demeure de Dieu. Et il proclame : Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai, ce qui veut dire : Vous pouvez détruire le sanctuaire que je suis (allusion à sa Passion) et en trois jours je le relèverai (allusion à sa Résurrection).

Les Juifs qui ne pouvaient pas saisir ces allusions trouvent la réponse de Jésus ridicule. La portée prophétique des propos de Jésus leur échappe. Jésus annonce les temps nouveaux : bientôt, après Pâques, le sanctuaire de Dieu parmi les hommes, ne sera plus dans les pierres du Temple mais dans la présence du Christ ressuscité parmi les hommes. Ce que nous rapporte cette page d’évangile, c’est beaucoup plus qu’une bagarre dans le Temple de Jérusalem, c’est l’annonce de l’avènement des Temps Nouveaux. Désormais, la présence de Dieu parmi les hommes n’est plus ici ou là dans des pierres, mais partout où le Christ ressuscité est présent, c’est à dire en chaque baptisé.

Pour nous aujourd’hui, en 2024, en ce moment même, cela signifie que le Christ est présent parmi nous de deux manières dans le saint Sacrement, dans le tabernacle de cette église et en chacun de nous qui sommes baptisés. Ce qui confère un caractère sacré à chacun de nous comme le disait St Paul aux Corinthiens : Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous et qui vous vient de Dieu ? …Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous… Le temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est vous. (1 Cor.6,17 et 3,16,17) D’où le devoir qui nous incombe de bien traiter notre corps, de ne pas le mettre en danger dans des comportements dangereux où nous risquons des accidents, ne pas le détruire en s’adonnant à l’alcool ou aux stupéfiants. Bien traiter notre corps c’est aussi bien manger avec reconnaissance envers le Seigneur qui nous donne de bons aliments et du talent pour les cuisiner et qui nous permet de vivre dans un pays où on ne connaît pas la famine. Bien traiter notre corps, c’est aussi bien s’habiller. Un jour quelqu’un m’a dit j’estime, mon Père que l’élégance, pour une femme, c’est une question de politesse, même vis-à-vis du Père Éternel. Une femme bien habillée, fait honneur au Seigneur qui nous donne de beaux tissus, du bon goût pour les tailler les couper et les coudre. En même temps, elle se fait plaisir, son mari est fier de voir sa femme bien habillée et ses enfants sont heureux de voir leur maman bien mise. Cela ne justifie pas…

Que retenir de tout cela ?

A propos de la colère en général. Se mettre en colère, c’est un péché, mais pas toujours. Parfois, c’est un devoir. Le tout, c’est que 1°) la colère ait une cause juste, comme de réagir contre une injustice. 2º) que la réaction ne soit pas disproportionnée. 3°) que la colère vise toujours au retour du bien et de la justice et jamais animée par la rancune, la haine ou la vengeance. Ne pas se mettre en colère, c’est bien, mais pas toujours. Quelquefois c’est même un péché parce que la charité ne consiste pas à laisser faire n’importe quoi sans réagir.

A propos des colères du Christ. Le Christ est bon et miséricordieux… Mais n’allons pas l’imaginer comme quelqu’un qui ne fait pas de vagues, toujours calme, serein, impassible quelles que soient les circonstances. Il s’indignait avec véhémence devant le mal. Il ne mâchait pas ses mots devant et se mettait en colère quand il le fallait, intransigeant vis-à-vis du péché mais indulgent pour le pécheur. Il avait le cœur tendre et l’esprit ferme, alors que nous trop souvent nous avons le cœur dur et l’esprit mou. Mais surtout cet évangile nous rapporte beaucoup plus que le récit d’une bagarre dans le Temple. C’est l’annonce par le Christ des temps nouveaux où la présence de Dieu parmi les hommes n’est plus dans les pierres d’un Temple, mais partout où le Seigneur ressuscité est présent par son Esprit, c’est-à-dire en chaque baptisé. Il est avec nous, en nous, tous les jours jusqu’à la fin des temps. A nous de rester avec lui.