Cet évangile nous recommande de veiller de façon à être prêt à accueillir le Seigneur lors de sa venue à la fin des temps. Mais il est à peu près sûr qu’aucun de nous ne verra ce jour-là. Faut-il en conclure que cet évangile n’a aucun intérêt ? Peut-être pas, parce qu’il y a d’autres venues du Seigneur auxquelles il convient de nous préparer afin de ne pas rater son passage. Sa venue à Noël par exemple.
Noël ce mystère extraordinaire où, comme dit St Irénée, Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu. Au commencement du monde, Dieu avait créé l’homme à son image, mais il restait une certaine distance entre lui et nous. Nous étions comme l’un en face de l’autre. A partir de la naissance à Bethléem, il n’y a plus de distance entre lui et nous. En Jésus pour la première fois, la divinité est unie à l’humanité. Depuis ce jour-là, en nous tous qui avons reçu la vie divine lors de notre baptême, l’humanité est unie à sa divinité. Depuis ce jour-là, la vie des hommes a changé, elle n’est plus ce qu’elle était, une mutation s’est produite. De plus, attention ! Noël, ce n’est pas le jour de LA venue de Dieu parmi les hommes mais le jour du commencement de sa venue parmi les hommes, parce que depuis ce jour-là il n’a plus cessé de venir et de demeurer parmi nous. C’est ce qu’il dit bien clairement aux apôtres au moment où il va cesser d’être visible à nos yeux d’hommes et remonter auprès du Père : je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps (Mt.28,20) Cela veut dire que Noël, ce n’est pas le 25 Décembre, Noël, c’est tous les jours. Et puisqu’il est avec nous, tous les jours peut-être que, de notre côté, il faudrait veiller, nous aussi, à être avec lui tous les jours.
Comment faire, que faire pour être avec lui tous les jours ? L’évangile d’aujourd’hui nous suggère une piste intéressante. C’est comme un homme parti en voyage, en quittant sa maison…il a fixé à chacun son travail. Ce qui veut dire que veiller pour accueillir le Seigneur, ce n’est pas rester à faire les cent pas en attendant qu’il se manifeste, c’est faire le travail qu’il nous a confié. Car le Seigneur place chacun de nous sur la terre à un endroit donné, avec une tâche précise à accomplir, à travers laquelle chacun poursuit l’œuvre de création et contribue à la construction d’un petit bout du Royaume de Dieu. Mais c’est quoi cette tâche précise ? Ce n’est pas quelque chose de plus, d’autre, que ce que nous faisons déjà. C’est tout simplement ce que nous faisons déjà, on appelait cela autrefois le devoir d’état : pour le gamin à l’école c’est d’apprendre ses leçons et de faire ses devoirs, pour la maîtresse de maison, c’est de gérer son foyer, pour le père de famille, c’est d’exercer sa profession.
Malheureusement nous avons beaucoup de mal à voir comment dans nos occupations quotidiennes, dans notre travail de tous les jours, nous restons avec le Seigneur. Souvent nous pensons que notre travail nous empêche de penser à Dieu, nous éloigne, voire nous coupe de lui.
C’est complètement faux. Même s’il est vrai que quand on conduit un tracteur, on ne peut pas en même temps réciter son chapelet, en travaillant nous restons unis à Dieu mais d’une façon autre que quand nous prions. Dans notre travail nous restons unis à Dieu de trois manières. D’abord dans notre travail quel qu’il soit, qu’il s’agisse d’un gamin à l’école, d’un employé de bureau devant son ordinateur, d’un chauffeur de poids lourd ou d’une caissière dans une grande surface, toujours nous nous servons de l’intelligence, des talents et des matériaux que le créateur nous a donnés. Ensuite notre travail quel qu’il soit, est toujours un service des autres, qu’il s’agisse d’un médecin qui soigne des malades, d’une maîtresse de maison qui prépare le diner pour les siens, d’un employé municipal qui vide les poubelles, du policier qui veille sur notre sécurité. Et ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait. (Mt.25,40) Enfn, notre travail, quel qu’il soit est toujours un développement, une amélioration, quelque chose qui est rajouté à la création. Ces enfants, ils ne savaient pas lire, maintenant ils savent lire et écrire grâce au travail des enseignants. Dans cette rue, il n’y avait rien, maintenant il y a une maison, grâce au travail des architectes, des entrepreneurs et des maçons. Allez voir au carrefour de Cormontaigne à Lille, boulevard Montebello, il y a un mois, il n’y avait rien, maintenant il y a de magnifiques parterres de fleurs, grâce au travail des jardiniers de la ville.
Comme rester avec le Christ qui reste tous les jours avec nous ? Qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut changer notre regard sur le travail afin d’en découvrir toute sa valeur et tout son sens. Très souvent et peut-être même presque toujours nous ne voyons dans le travail, l’occupation professionnelle qu’un moyen de gagner un salaire qui nous permet de subvenir à nos besoins et à ceux de nos proches, l’idéal étant de gagner le plus possible en travaillant le moins possible, car le travail n’a pas très bonne réputation, on le considère comme une corvée plus ou moins mais toujours pénible. D’autant plus que les injustices et la rapacité humaines font du travail un lieu de haine et de division. Mais comme chrétiens nous avons le devoir de lutter contre ces perversions qui défigurent le travail et de lui faire retrouver toute sa dignité.
En travaillant nous mettons en œuvre l’intelligence et les talents que Dieu nous a donnés. L’expérience nous montre que dans tout travail il y a toujours une part de service des autres et surtout par le travail nous sommes les collaborateurs de Dieu, complétant et épanouissant la création. Dans l’évangile, le Christ nous dit mon Père travaille toujours et moi aussi je travaille. (Jean 5,17) et dès le début de la création, Yahvé Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le garder et le cultiver. (Gen.2,15) Dans notre travail, nous faisons la volonté de Dieu qui nous a confié le soin de sa création, dans notre travail nous sommes les collaborateurs du créateur, contribuant modestement mais réellement à l’épanouissement de cette création. Dans notre travail nous restons donc unis à Dieu.
Que retenir de tout cela ?
Veillez, nous dit le Christ dans l’évangile de ce jour, restez éveillés pour être prêts à accueillir le Seigneur lors de son retour à la fin des temps. Très bien, mais il n’y a là rien d’urgent : nous ne serons plus là ce jour-là. Par contre il est urgent de veiller, pour accueillir le Seigneur qui depuis le premier Noël à Bethléem ne cesse de venir chaque jour au milieu de nous. Car Noël n’est pas le jour de LA venue du Seigneur parmi nous, mais le jour de sa première venue et depuis il ne cesse de venir et de demeurer parmi nous. Noël ce n’est pas le 25 Décembre seulement, Noël, c’est tous les jours. Puisqu’il est avec nous tous les jours, ne restons pas endormis, nous aussi, veillons à être avec lui tous les jours.
Comment faire, quoi faire pour rester tous les jours avec lui ? Tout simplement nous efforcer d’accomplir le travail qu’il nous a confié. Utilisant l’intelligence et les forces qu’il nous a donnés, luttant contre les injustices et la rapacité qui font du travail un lieu de haine et de division, toujours notre travail, que l’on soit médecin, cultivateur, instituteur ou mère de famille, sera un service des autres et ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous l’aurez fait (Mt.25,40) Et surtout par notre travail nous contribuerons modestement mais réellement à l’épanouissement de la création, créant quelque chose : une maison, un massif de fleurs là où il n’y avait rien. C’est le travail qui nous a été confié depuis toujours garder et cultiver le jardin d’Eden, un travail important Je ne sais plus quel Père de l’Eglise disait : Si noble est le poste que Dieu nous a confié qu’il ne nous est pas permis de déserter.