Dimanche  28  Janvier  2024

On était frappé de voir avec quelle autorité Jésus enseignait. Il ne se contentait pas  de répéter ce que disait la Loi et les prophètes, comme faisaient les scribes. Lui, il parlait en son nom propre. Tout en s’appuyant sur l’Ecriture, il allait plus loin. Par exemple il disait : Vous avez appris qu’il a été dit tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi je vous dis : Aimez vos ennemis … afin d’être comme votre Père du ciel qui fait lever son soleil et tomber sur la pluie sur les bons et sur les méchants (Mt.5,43…) Et surtout sa parole était chargée de pouvoir : d’un mot, il guérissait les malades, chassait les démons et ressuscitait les morts. Il disait : je le veux, sois guéri (Jean8,3) et le malade était guéri instantanément.

Ce jour-là, un jour de sabbat, dans la synagogue où il est en train d’enseigner, se trouve un possédé. Par sa bouche l’esprit impur apostrophe  Jésus : Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu, c’est-à-dire : tu es en totale et parfaite union avec Dieu, tu es Dieu. Mais Jésus l’interpelle vivement : Tais-toi ! Sors de cet homme…et l’esprit impur sortit de lui. Les assistants sont effrayés et frappés de stupeur en voyant que Jésus commande aux esprits impurs et qu’ils lui obéissent. Nous aujourd’hui, ce qui nous étonne, ce n’est pas tellement que l’esprit mauvais soit chassé et le possédé soit délivré, nous sommes habitués à lire dans l’évangile des récits de miracles, ce qui nous étonne c’est que Jésus fasse taire le démon quand ce dernier atteste : Tu es Dieu……Il vient de commencer à enseigner, il devrait donc désirer qu’on le reconnaisse comme le Messie. Il devrait donc être heureux que le démon lui rende témoignage ainsi devant tout le monde. Pourquoi le fait-il taire ?  

C’est que le témoignage de l’esprit impur risquerait de donner une fausse idée du Messie qu’on prendrait alors pour un Messie à la toute puissance effrayante. Or il ne veut pas qu’on le prenne pour un Dieu tout puissant, terrifiant.  Il est venu révéler que Dieu est un Dieu Amour.  Un Dieu Amour n’est pas révélé par des prodiges spectaculaires plus ou moins terrifiants mais par l’amour manifesté dans les paroles et les actes de son Messie. Lorsque les Scribes et les Pharisiens lui demanderont un signe comme preuve de sa divinité, il leur répondra : il ne sera pas donné d’autre signe  à cette génération …que le signe de Jonas, comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’Homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. (Mt.12,39) Autrement dit, ce qui permet de reconnaître que Jésus est Dieu, et que Dieu est Amour, plus que la profondeur de son enseignement ou le caractère spectaculaire de ses miracles, c’est sa mort sur la croix et sa résurrection parce que c’est là, en donnant sa vie pour nous, que se révèle l’infini de son amour.

Mais nous aujourd’hui, est-ce que nous sommes tellement intéressés par un Dieu Amour ? Est-ce que, plus ou   moins consciemment, nous ne rêvons pas d’un Dieu qui montrerait davantage sa puissance et remettrait un peu d’ordre dans notre monde débordant d’injustices et de misères ? Je pense à tous ces pays dont les habitants sont obligés d’émigrer pour tenter de survivre tandis que leurs dirigeants s’enrichissent honteusement. Quand je vois des snobs parader avec leurs jeans déchirés, je pense aux familles de mes paroissiens en brousse à Madagascar où il n’y avait même pas un habit décent par enfant pour lui permettre d’aller à l’école en semaine et à l’église le dimanche. Je pense aux millions d’hommes persécutés, victimes d’idéologies inhumaines, enfermés dans des camps, souffrant du froid et de la faim pendant que dans nos pays riches les poubelles sont remplies de nourriture et de vêtements qu’on jette, tandis que jour après jour remontent à la surface les échos d’horribles abus dont sont victimes des milliers d’enfants innocents. Nous n’allons peut-être pas jusqu’à dire comme les incroyants : s’il y avait un Dieu, il  

ne permettrait pas que tout cela arrive, mais nous aimerions bien qu’il intervienne davantage  et  

nous sommes tentés de crier vers le ciel comme Isaïe Ah ! si déchirant le ciel, tu venais ! (Is.64,1)


Eh bien, non ! il ne viendra pas en force rétablir les choses. Il n’est pas venu et il ne viendra pas dans le tonnerre et les éclairs. Sa manière, c’est Bethléem, c’est Nazareth. Sa manière, c’est le service humble et discret par amour. Sa manière, c’est le lavement des pieds. C’est ça la politique qu’il pratique et qu’il nous demande de pratiquer. Le Jeudi St au soir, après qu’il eut achevé de laver les pieds de ses disciples il leur dit comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Dès lors que je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné. Ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. Non seulement il ne viendra pas en force rétablir les choses lui-même, mais il nousconfie la charge de continuer son œuvre en nous mettant nous aussi, comme lui,  au service des autres. Si le Christ nous révèle que notre Dieu n’est pas un Père Fouettard dont il faut avoir peur, mais un Père qui aime et veut le bonheur de tous ses enfants, il nous révèle aussi que notre Dieu n’est pas non plus un Père Noël qui règlerait touts les problèmes du monde sans que nous ayons à soulever le petit doigt.  

Dans l’évangile, regardez bien, le Christ ne cherche pas à grouper autour de lui des disciples qui écouteraient  son enseignement mais des apôtres, c’est-à-dire des envoyés chargés de répandre son enseignement et de poursuivre son action  Car le mot apôtre vient du verbe  grec « apostellô » qui veut dire envoyer. St Luc le précise bien : il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’apôtres, c’est-à-dire d’envoyés. (Luc 6,13) Un chrétien ce n’est pas un disciple qui écoute, prie et médite  l’enseignement du Christ dans l’évangile, ce n’est pas un bon paroissien qui écoute attentivement l’homélie de son curé, à la messe le dimanche, c’est un autre Christ, un autre messie, un autre envoyé qui continue l’œuvre de salut du monde commencé par le Christ, en oeuvrant tous les jours pour qu’il y ait davantage de paix, de justice et de charité dans sa vie, dans sa familles et dans son entourage.

Que retenir de tout cela ?

Pourquoi disait-on que le Seigneur enseignait avec autorité ? Parce qu’il ne se contentait pas de répéter ce que disait l’Ecriture et la Tradition, comme les scribes. Son enseignement allait plus loin  que l’Ecriture et la Tradition. Mais ce qui manifeste   surtout l’autorité de sa parole, c’est le pouvoir qui accompagnait cette parole : d’un mot, il guérit les malades, délivre les possédés et ressuscite les morts. Sa parole fait des miracles. Nous aujourd’hui, sommes-nous suffisamment attentifs à laisser pénétrer cette parole dans nos cœurs ? Elle ferait des miracles…

Dans l’histoire du possédé délivré, Jésus empêche le démon de proclamer qu’il est Dieu. Pourquoi ? Il ne veut pas être montré comme un Dieu à la toute puissance terrifiante. Il est venu révéler un Dieu Amour qu’on ne peut reconnaître que par le coeur lorsqu’on est bouleversé par l’amour manifesté par ses paroles ou ses actes et surtout par sa Passion  et sa Résurrection parce que c’est là, en donnant sa vie pour nous, que se révèle l’infini de son amour.

Mais si notre Dieu n’est pas un Père Fouettard dont on devrait avoir peur, il n’est pas non plus un Père Noël qui transformerait notre monde  d’injustices et de misères en un monde où règneraient la paix, la justice et la charité, sans que nous ayons à lever le petit doigt, Tous nous sommes envoyés continuer l’œuvre de salut commencée par le Christ afin que dans nos vies, dans nos familles, dans notre entourage, il y ait chaque jour un peu plus de paix, de justice et de charité.