22° Dimanche du temps ordinaire – année C – Luc 14,1.7-14
« Quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé »
Jésus est invité par un des chefs des Pharisiens à souper un vendredi soir. C’est l’ ouverture du sabbat. Traditionnellement, pendant ce repas, les convives discutent de questions religieuses. Cette invitation est pleine d’arrière-pensées. On entend bien épier Jésus, le piéger et si possible le discréditer définitivement. Au début du repas, comme un malade se présente implorant sa guérison, une discussion s’élève sur la question de savoir s’il est permis de guérir le jour du sabbat. Jésus traite la question habilement et guérit le malade. Les Pharisiens embarrassés sont réduits au silence. L’évangile d’aujourd’hui ne rapporte pas cet incident. Mais une chose est certaine, les hostilités sont déclenchées et Jésus voyant comment les invités recherchent les premières places lance un nouveau débat.
Comme d’habitude ses propos sont surprenants et même choquants, ils vont à l’encontre de nos manières de faire et nous mettent mal à l’aise. D’après lui, quand on est invité,il faut aller se mettre à la dernière place. Mais tout le monde recherche toujours les premières places, dans tous les domaines, que ce soit en politique, dans les affaires, les études ou le sport. Tous les parents rêvent de voir leurs enfants premiers en tout ! Ce n’est pas possible que le Seigneur souhaite que les élus soient à la dernière place. D’ailleurs il propose à ceux qui veulent le suivre un programme d’excellence extrêmement ambitieux : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. (Mt.5,48) Alors, qu’est-ce qu’il veut dire exactement ?
A regarder le texte attentivement on constate que le Seigneur ne nous invite pas vraiment à choisir la dernière place et encore moins à désirer être les derniers partout. Il nous demande de ne pas nous précipiter sur les premières places en croyant qu’elles nous reviennent de droit, et à nous comporter comme si nous estimions les autres supérieurs à nous. Par conséquent, lorsqu’on est invité, il vaudra mieux aller vers les dernières places. Et tant mieux si le maître de maison nous fait monter plus haut.
Est-ce de l’humilité ? N’est-ce pas plutôt du bon sens et du réalisme? En effet, si nous avons des qualités et des talents, d’où tirons nous ces qualités et ces talents ? Ils viennent du Seigneur qui nous les a donnés soit directement soit par l’intermédiaire de nos parents, des éducateurs ou des amis qu’il a placés sur notre route. Peut-être avons nous quelque mérite, si nous avons fait fructifier quelque peu ces talents, mais c’est tout. Ce qu’il y a de bien en nous, c’est Dieu qui l’y a mis. De nous-mêmes, par nous-mêmes, qu’est-ce que nous valons ? Pas grand chose, pour ne pas dire rien. St Paul nous le rappelle sans ménagements : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu, et si vous l’avez reçu de quoi vous glorifiez vous ? (1Cor.4,7)
Mais surtout, en nous recommandant de rechercher la dernière place, le Seigneur ne fait que nous demander de suivre son exemple. Il s’est considérablement abaissé en se faisant homme comme nous. Lui, de condition divine, écrit St Paul, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est dépouillé de son rang de Dieu, prenant condition d‘esclave, devenant semblable aux hommes. (Phil.2,6,7) Il est venu parmi nous pour opérer la réconciliation entre le Père et nous, alors qu’il n’était même pas obligé de se faire homme. Il aurait pu se contenter d’envoyer un prophète proclamer la réconciliation. Et si malgré tout il voulait se faire homme, il aurait pu le faire dans des conditions moins choquantes. Il aurait pu apparaître un beau jour sur le parvis du Temple comme un respectable docteur de la Loi ou un grand prêtre imposant, solennel dans ses ornements sacerdotaux. Pourquoi ce scenario invraisemblable : la naissance dans une étable, des années d’enfance dans un village perdu, une vie adulte au milieu de gens si grossiers que même les meilleurs, les douze apôtres, ne comprenaient pas grand chose à ce qu’il disait, et puis la condamnation à mort comme un criminelet la mort sur une croixentre deux bandits. ? Pourquoi un tel scenario ? Nous ne comprenons pas. Il faut être Dieu pour avoir des idées pareilles. En tous cas, une chose est claire. Si le Christ s’est abaissé ainsi, nous ne pouvons pas nous prétendre chrétiens et avoir une attitude opposée à celle du Seigneur en cherchant à toute occasion, les premières places. Ayez entre vous les mêmes dispositions qui furent dans le Christ Jésus, écrit St Paul. Faites comme lui. Lui qui était de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est dépouillé de son rang de Dieu, prenant condition d’esclave, devenant semblable aux hommes. Il s’est abaissé jusqu à se mettre au dernier rang parmi les hommes. Faites en autant.
Et la suite des propos de St Paul éclaire levéritable sens de cet abaissement où on cherche la dernière place. Il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. (Phil.2,5-8)poursuit St Paul C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père. (Phil.2,9-11)
Pourquoi Dieu l’a-t-il souverainement élevé ? Qu’ y a-t-il de si admirable dans l’extrême abaissement du Christ pour que cela lui ait valu d’être élevé au dessus de tout ? L’extrême abaissement du Christ, en soi, ce n’est qu’une extrême humiliation. Rien d’admirable là-dedans. Mais considérons la motivation de cet abaissement. Pourquoi le Christ a-t-il, non seulement accepté, mais voulu cet extrême abaissement ? A cause de son extrême amour pour nous. Si bien que l’ abaissement extrême du Christ qui, au premier abord, apparaît comme une humiliation extrême est en réalité une manifestation extrême de son amour extrême pour nous Voilà pourquoi Dieu a souverainement élevé le Christ au dessus de tout. Le Christ n’est pas souverainement élevé au dessus de tout à cause son extrême abaissement, mais à cause de l’extrême amour que manifeste cet extrême abaissement.
Que retenir de tout cela ?
Cherchez la dernière place, non pas parce que cette dernière place, en soi, est désirable, mais parce qu’en allant vous mettre à la dernière place vous manifestez votre lucidité et votre réalisme, voyant clairement que par vous-mêmes vous ne valez pas grand chose et que tout ce qu’il y a de valable en vous vient du Seigneur qui vous l’a donné.
Mais surtout, cherchez la dernière place parce qu’en allant vous mettre à le dernière place, vous faites passer les autres avant vous, vous vous sacrifiez pour eux, comme le Christ s’est sacrifié pour vous.
Par amour pour nous, il s’est abaissé jusqu’à prendre la dernière place. Si nous prétendons être ses disciples, il faut nous aussi, comme lui, nous abaisser jusqu’à prendre la dernière place afin de nous mettre,comme lui, au service des autres.
Il l’a dit un jour, sans la moindre précaution oratoire, presque brutalement, c’était après avoir lavé les pieds de ses disciples : Vous m’appelez Seigneur et Maître et vous dites bien car je le suis. Dès lors si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres… Ce que j’ai fait pour vous,faites le vousaussi. (Jean 13,13-15)