23° Dimanche du temps ordinaire – année C – Luc 14,25-33
« Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple »
Dans cet évangile, le Seigneur expose les exigences requises pour se mettre à sa suite. Il faut le préférer à tout et le faire passer avant ceux qu’on aime, même ceux qui nous sont les plus chers, son père, sa mère, sa femme, ses enfants. Il faut aussi se renoncer, faire passer sa volonté à lui, avant ses projets et ses désirs à soi. Ce ne sera pas facile. Certes, on comprend de telles exigences. Quand on aime quelqu’un on le fait passer avant soi. On ne rejette pas les autres, mais ils comptent moins. C’est clair dans notre tête, mais cela reste difficile à pratiquer au quotidien. Pourquoi ? Peut-être parce que tout simplement, nous ne savons pas trop ce que veut le Seigneur. En gros, nous savons qu’il ne faut pas tuer ni voler. Mais qu’est-ce qu’Il attend de nous chaque jour dans notre vie quotidienne, dans le cadre de notre vie familiale ou professionnelle ? Cela reste très vague. Nous ne croyons pas vraiment que notre Dieu est un Père qui a des projets précis pour chacun de ses enfants. Sans oser le dire tout haut nous voyons Dieu comme une sorte de super PDG très bienveillant, certes, mais qui ne peut pas connaître personnellement et s’intéresser à chacun dans l’énorme multinationale qu’il dirige. Mais si nous ne voyons pas ce que c’est, que cette volonté du Seigneur dans l’ordinaire de notre vie quotidienne, comment pourrons nous le faire passer avant nous et faire passer sa volonté avant la nôtre ? Peut-être devrions nous commencer par chercher ce qu’il attend de nous chaque jour et demander comme St François d’Assise : Seigneur, que veux-tu que je fasse ?
Le Christ poursuit : Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut être mon disciple. Qu’est ce que ça veut dire ? Est-ce que marcher à la suite du Christ ce serait s’engager à vivre un calvaire permanent ? Le Christ qui nous aime au point d’avoir accepté de souffrir les tourments de la passion et la mort sur la croix, pour nous réconcilier avec le Père, comment pourrait-il vouloir en même temps nous proposer une vie de souffrances ? Cela ne tient pas debout. Il faut bien comprendre le mystère de la croix. Habituellement nous faisons de la croix un symbole de souffrance. Est-ce que ce n’est pas inapproprié ? Nous considérons la passion et la croix comme un supplice imposé au Christ par ses ennemis. C’est faux. Ce ne sont pas ses ennemis qui se sont emparés de lui, c ‘est lui qui s’est livré : Ma vie, on ne me l’ôte pas, je la donne de moi-même. (Jean 10,18) dit-il à ses apôtres le soir du Jeudi Saint. Il est monté à Jérusalem sachant ce qui l’attendait. Par trois fois il avait annoncé à ses apôtres sa passion et sa mort sur la croix. C’est par amour pour nous qu’il a accepté de souffrir cette passion et cette mort sur la croix. Alors qu’ on est en train de le tuer, il prie encore pour ses bourreaux : Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. (Luc 23,34) Autrement dit : vous pouvez me tuer, moi je vous aime encore.Par conséquent, il est clair que la croix,plus qu’un symbole de souffrance, est d’ abord et surtout un symbole d’amour.
Si bien que, lorsque le Christ nous dit : pour être mon disciple, il faut porter sa croix, cela ne veut pas dire : pour être mon disciple, il faut souffrir, cela veut dire : pour être mon disciple il faut aimer, et aimer jusqu’à être prêt à porter toutes les croix qui se présenteront. Ce qui n’a plus rien de choquant. Partout, dans toutes les familles on s’impose des sacrifices et on accepte de souffrir pour ceux qu’on aime. Il reste vrai qu’en nous demandant de porter notre croix, le Christ laisse entendre que cela pourra aller jusqu’au sacrifice suprême. Nous n’y pensons guère, mais chaque jour qui passe, actuellement, dans certains pays musulmans ou communistes, des chrétiens, prêtres, religieux, religieuses ou laïcs sont encore martyrisés.
Le Seigneur termine son enseignement sur les exigences demandées à ses disciples par deux paraboles où il invite ceux qui veulent le suivre à ne pas s’engager à la légère. De même qu’un roi avant de partir en guerre réfléchit pour voir s’il a assez de soldats pour vaincre son ennemi, ou qu’un homme qui veut bâtir une tour réfléchit pour voir s’il a assez d’argent pour mener à bien son projet, dit-il, ainsi.…..on s’attend à ce que le Christ dise : ainsi celui qui veut se mettre à ma suite doit réfléchir pour voir s’il a assez de courage et assez de vertus, pour aller jusqu’au bout dans son engagement. Non, il dit ainsi celui qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple.
Pourquoi ne dit-il pas : ainsi celui qui veut me suivre doit réfléchir pour voir s’il a assez de courage et de vertus ? Pour deux raisons peut-être . D’abord parce que, jamais, personne n’aura le courage et les vertus nécessaires pour le suivre. Donc inutile de perdre son temps à réfléchir là-dessus. C’est lui qui, lorsqu’il nous appelle, nous donne la force nécessaire. Quand il appelle ses apôtres, il leur dit Je vous ferai pêcheurs d’hommes. (Mt.4,19). C’est pourquoi, même s’il nous demande de faire des choses qui nous dépassent, ce n’est jamais une raison pour s’affoler. Le Seigneur sachant que nous sommes incapables nous donne l’aide nécessaire. Dans les moments difficiles, rappelons nous comment St Paul qualifie le Seigneur, il l’appelle celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer(3,20).
La deuxième raison pour laquelle au lieu de dire : voyez si vous avez assez de courage et de vertus avant de vous mettre à ma suite, il conclut : ainsi, celui qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple, c’est que si on renonce à tous nos biens, on remplit, par le fait même, toutes les exigences requises pour se mettre à la suite du Christ. En effet, renoncer à tous nos biens, ce n’est pas seulement renoncer à notre fortune, c’est aussi renoncer à notre savoir, à notre jugement, à notre volonté, à ordonner sa vie à notre gré, comme s’il n’y avait pas de Dieu, c’est se mettre dans une attitude où on est prêt à faire ce que le Seigneur demandera. On rejoint ici Notre Dame répondant à l’ange de l’annonciation : Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole. (Luc 1,38)
Que retenir de tout cela ?
Se mettre à la suite du Christ demande qu’on le préfère à tout et à tous, même à ses proches. Il faut aller jusqu’à renoncer à soi, à ses projets, à ses objectifs, à ses désirs. Il s’agit d’être si attaché au Seigneur que nos projets, nos objectifs, nos désirs lui soient désormais subordonnés et en harmonie avec lui. Il s’agit d’aimer assez le Seigneur pour pouvoir dire comme Ste Thérèse de Lisieux : C’est ce qu’il veut que j’aime le mieux.
Se mettre à la suite du Christ demande qu’on soit prêt à porter sa croix, c’est à dire que pour suivre le Christ, il faut l’aimer tellement qu’on est prêt à supporter toutes les peines, toutes les souffrances, toutes les croix qui se présenteront.
Ce n’est même pas nécessaire de nous demander si nous avons assez de courage et de vertus pour être un vrai disciple. Personne n’aura jamais ce qu’il faut pour suivre le Christ . Mais s’il nous appelle à le suivre, alors lui, dont la puissance agissant en nous peut faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer nous rendra capables de nous mette à sa suite. J’aime cette définition de la grâce d’un de mes professeurs : La grâce, disait-il, c’est le pouvoir donné à l’homme de faire par lui-même ce qu’il ne peut pas faire par ses propres forces.