24° Dimanche du temps ordinaire – année C – Luc 15,1-10
« Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pêcheur qui se convertit. »
Miséricorde. La liturgie aujourd’hui ne nous parle que de miséricorde. Dans la première lecture, miséricorde du Seigneur, renonçant, à châtier Israël qui l’a renié pour se prosterner devant le veau d’or. Dans l’épître, miséricorde du Seigneur estimant encore St Paul digne de confiance, bien qu’il ait été autrefois blasphémateur, persécuteur, ennemi des croyants. Miséricorde enfin du père qui accorde son pardon à son fils prodigue dans l’évangile.
Les scribes et les pharisiens n’aimaient pas entendre Jésus parler de miséricorde. Eux qui se croyaient justes et irréprochables voudraient que le Messie soit un justicier implacable qui condamne les pécheurs. Ils sont choqués de voir Jésus fréquenter les pécheurs et leur faire bon accueil. Ils n’aiment pas l’entendre enseigner que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui. (Jean 3,17) Dans les trois paraboles de l’évangile d’aujourd’hui, surtout celle de l’enfant prodigue, Jésus essaye, une fois encore, de faire comprendre que le Messie n’est pas venu pour condamner, mais pour sauver ce qui était perdu, et en même temps il nous donne un enseignement précieux sur le pardon principalement,mais aussi sur 1°) la tentation, 2°) le péché, 3°) etle repentir qui débouche dans la conversion.
1°) La parabole de l’enfant prodigue nous montre comment, dans la tentation, le démon nous trompe. Il dissimule le mal qu’il présente comme quelque chose de bien et de bon, d’agréable et de profitable. Il propose au fils prodigue de s’en aller faire la fête avec de joyeux compagnons. » Ton héritage, c’est à toi, tu ne voles rien à personne, tu es jeune, tu as bien le droit de faire la fête. »Apparemment, c’est là une perspective agréable, rien de mal dans tout cela. Par contre il lui cache la souffrance qu’il va causer à son père et à toute la famille en les quittant et en leur laissant toute la charge de l’entretien de la propriété. Il lui cache également les conséquences néfastes pour lui de sa conduite, comment il va se retrouver dans la misère, quand il aura dilapidé son héritage.
2°) La parabole du fils prodigue nous montre aussi comment le péché, en plus d’être une offense à Dieu et de causer souvent des dommages au prochain, se révèle toujours catastrophique pour le pécheur. Le Seigneur nous l’enseigne déjà dans Jérémie :Avec le péché, Est-ce bien moi qu’ils blessent , n’est-ce pas plutôt eux-mêmes pour leur propre confusion ? (7,19). Le fils prodigue se retrouve dans l’extrême misère, après avoir dépensé tout son argent, le voilà obligé de garder des cochons, le pire qui puisse arriver à un Juif pour qui les cochons sont des animaux impurs.
3°) Cette parabole nous montre encore le cheminement du repentir, comment on en vient à s’engager dans cette voie. D’abord on reprend pied dans la réalité et on abandonne les illusions de la tentation. L’enfant prodigue rentra en lui-même nous dit le texte de l’évangile, comme si, sous l’effet de la tentation, il était hors de lui. On pourrait dire il revint à lui, cela exprime mieux comment, sous l’emprise de la tentation, on n’est plus soi-même, on est hors de soi, on n’a plus la pleine conscience de ce qu’on fait, exactement comme sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue on n’ a plus la pleine conscience de ce qu’on fait.Dire il revint à lui exprimemieux ausi comment le repentir nous ramène dans le réel. En revenant à lui, le fils prodigue réalise : j’étais dans l’illusion, j’ai cru que ce serait mieux pour moi d’aller faire la fête avec mes amis. Maintenant je vois que j’ai mal fait. J’ai offensé mon père en l’ abandonnant alors qu’il ne m’avait fait que du bien depuis mon premier jour. J’ai laissé les miens avoir toute la charge de l’entretien de la propriété. J’ai bêtement dépensé tout ce que j’avais. Maintenant je suis dans la misère. En définitive, je n’ai récolté que du malheur.
Maintenant qu’il réalise avec sa lucidité retrouvée où il en est : dans une misère extrême, réduit à garder les cochons, il avance plus loin dans la voie du repentir. Il se met à regretter amèrement ce qu’il a fait et décide d’aller demander pardon à son père je vais aller vers mon père et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Mais il ne se contente pas de regretter le mal fait dans le passé , il prend la décision de s’engager à l’avenir dans une manière de vivre nouvelle : Traite moi comme un de tes ouvriers. Son repentir qui, jusque là, avec le regret restait stérile et tourné vers le passé, se transforme en conversion féconde, qui, elle, engage l’avenir.
Mais le plus important et le plus beau dans cette parabole, c’est l’attitude du père. Il a plus de motifs qu’il n’en faut pour se montrer sévère et vouloir punir son fils qui l’a tant fait souffrir. Pas du tout. Le pauvre prodigue n’a même pas le temps de commencer son petit discours d’excuses, son père se jette à son cou et l’embrasse. Le prodigue se retrouve habillé de neuf, des sandales aux pieds, une bague au doigt, signe de son rang de fils recouvré, et tout le monde passe à table pour le festin des retrouvailles. Pas question d’expiation ou de sanction, pas la moindre condamnation. L’amour du père, tout à la joie de voir son fils de retour, ne laisse place qu’au pardon qui va le réintégrer dans l’intimité familiale . Le Christ veut ici nous faire comprendre que notre Père du ciel, il est comme ça. Quels que soient nos torts et nos offenses envers lui, dès que nous revenons vers lui , il nous accueille, tout à la joie de nous voir de retour. Je vous le déclare dit le Seigneur, il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. (Luc 15,7)
Le fils aîné, lui, ne comprend pas cette logique. Il pense que son frère, dévoyé, ne mérite pas d’être ainsi accueilli. Sommes nous meilleurs que ce fils aîné ? Pas sûr !! Supposons que Poutine se convertisse. Quelle tête ferions nous en le retrouvant à côté de nous au ciel ?
Que retenir de tout cela ?
Dieu est un Père qui nous aime, comme le père de l’enfant prodigue. Voilà ce que le Seigneur veut d’abord nous faire comprendre dans cette parabole. Quelles que soient nos fautes, dès que nous revenons vers lui, il nous réintègre dans l’intimité de son amour et c’est sa joie.
Cette parabole nous montre aussi comment dans la tentation, le démon nous trompe en présentant le mal comme quelque chose de bien et de bon, d’agréable et de profitable, cachant l’offense faite à Dieu, les torts causés au prochain et les désastres que cela va entraîner pour le pécheur lui-même.En nous décrivant comment le fils prodigue se retrouve finalement dans une extrême misère, elle souligne comment le péché entraîne le malheur du pécheur lui-même. Enfin, elle nous montre aussi comment le repentir se déploie. On commence par reprendre pied dans la réalité, abandonnant les illusions de la tentation puis on regrette le mal commis pour arriver finalement à une vraie conversion où dépassant le simple regret du passé, on s’avance résolument dans une manière de vivre nouvelle qui engage l’avenir. Quant au pardon accordé par le père non seulement il efface la faute commise par le prodigue dans le passé, mais il le relance dans le bonheur de de la vie de famille retrouvée.
Aujourd’hui encore le Père nous guette comme le père de l’enfant prodigue guettait le retour de son fils pour nous donner dans le sacrement de réconciliation le pardon qui non seulement efface nos fautes passées,mais nous donne la force de redémarrer et de changer de vie, comme il l’explique dans Ezechiel :Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés… je vous donnerai un coeur nouveau, un esprit nouveau……Je mettrai en vous mon Esprit et je ferai que vous marchiez selon mes lois. (36,26,27) Mais aurons nous le courage, comme le fils prodigue, d’aller demander ce pardon ?