( Actes 5,12-16) (Apoc.1,9-11a.12-13.17-19) (Jean 20, 19-31)
Nous sommes au soir du jour de Pâques. Les apôtres se sont regroupés. Par crainte des Juifs, ils se sont enfermés. Assommés par le drame de la passion, ils n’arrivent pas encore à croire en la résurrection. Ils n’ont pas cru Marie de Magdala ni les disciples d’Emmaüs qui disaient avoir vu le Seigneur ressuscité. Ils sont encore repliés dans la crainte. Et tout-à-coup voilà que Jésus surgit au milieu d’eux. Avant qu’ils n’aient le temps de s’affoler, Jésus les rassure, les apaise et leur montre les plaies de ses mains et son côté: La paix soit avec vous ! Cette fois-ci, chez les apôtres, l’incertitude et le doute disparaissent sous la joie qui les transporte !
Des deux apparitions que nous rapporte l’évangile d’aujourd’hui se dégagent trois conclusions. 1°) D’abord tous les apôtres et pas seulement Thomas ont eu bien du mal à croire en la résurrection du Seigneur. 2°) Ensuite, même s’il n’a rien d’un fantôme ou d’un esprit quelconque, (les apôtres le voient de leurs yeux et touchent de leurs mains les cicatrices des plaies sur son corps,) le Christ n’est plus tout-à-fait comme avant. Il apparaît soudainement au milieu des apôtres alors que toutes les portes sont verrouillées et disparait tout aussi soudainement. Le corps ressuscité du Seigneur, même s’il est incontestablement réel, est nouveau et différent de son corps d’avant la passion. Les théologiens appellent cela un corps spirituel. Ceci est extrêmement important car nous qui ressusciterons un jour, comme le Christ nous ressusciterons avec notre corps mais un corps nouveau. Concrètement, pour moi, cela veut dire que je ne vais pas me promener dans l’éternité avec ma surdité et mon arthrose !!! La vie du Christ ressuscité est une vie nouvelle, différente de sa vie d’avant la passion. De même notre existence ressuscitée sera différente de notre vie d’avant notre mort.
3°) Enfin, troisième conclusion : le Christ ressuscité envoie ses disciples en mission : De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Non seulementil n’a pas un mot de reproche à leur égard pour l’avoir abandonné et s’être enfuis lors de son arrestation, mais il leur fait encore confiance. Il souffle sur eux, reproduisant ainsi le geste primordial où le créateur a insufflé en l’homme un souffle qui fait vivre, explique le livre de la Sagesse, (Sag.15,11) Il s’agit donc ici d’une sorte de nouvelle création par laquelle le Seigneur insuffle à ses disciples la vie nouvelle ressuscitée qui leur donne la force de remettre les péchés, de purifier le monde du péché. La résurrection n’est donc pas la fin d’une histoire qui se terminerait bien, c’est le début d’une nouvelle ère pour l’humanité et tout l’univers. Désormais les hommes qui depuis toujours avaient été créés à l’image de Dieu sont maintenant recréés en Jésus-Christ-Envoyé. La vie nouvelle du Christ ressuscité, dans laquelle nous sommes plongés le jour de notre baptême, nous constitue propagateurs de cette vie nouvelle. Contaminés par la vie nouvelle du Christ ressuscité, nous voilà porteurs d’une espèce de virus, d’une espèce de super-COVID universel. Pourvu que nous ne maintenions pas ce virus à l’état de virus dormant quelque part au fond de nos cœurs. !!! Pourvu que nous soyons vraiment contagieux !!!
De même que ce jour là il a envoyé ses disciples travailler à l’édification du Royaume, de même, il nous envoie aujourd’hui poursuivre la construction de ce royaume dans un monde qui n’en veut pas, uniquement préoccupé par la recherche, du profit à tout prix et la domination sur les autres. C’est une tâche difficile. St Paul lui-même en convenait : Qui donc est à la hauteur d ’une telle tâche ? (2Cor.2,16) Mais il ajoutait tout de suite après : notre assurance ne vient pas de nous, c’est de Dieu
que vient notre capacité (2Cor.3,5). Quelle que soit notre faiblesse, avec la force du Christ ressuscité vivant en nous, nous sommes désormais capables d’affronter un monde hostile et d’y œuvrer pour le transformer en royaume de paix, de justice et d’amour. N’oublions pas que le Christ, ignorant les élites, même les élites religieuses, a recruté ses apôtres parmi des gens très simples, des pécheurs plus ou moins illettrés qui avaient, certes, des qualités, mais aussi de sérieux défauts. On trouve chez eux des incrédules comme Thomas, des renégats comme Pierre et même des adversaires comme Paul qu’il retournera et convertira sur le chemin de Damas. Et surtout n’oublions jamais ce qu’il dit aux premiers apôtres qu’il a appelés : JE FERAI de vous des pécheurs d’hommes. Il prend n’importequi pour être ses apôtres, mais il les forme et les transforme ! St Paul dira plus tard avec beaucoup de lucidité : le Père fait de nous des êtres nouveaux en Jésus Christ en vue des œuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance pour que nous les accomplissions. (Eph.2,10)
Concrètement que faut-il faire pour construire le Royaume ? Rien de spécial, rien d’autre que ce que nous faisons déjà. Mais il faut le faire autrement, en voyant le sens et la portée devant Dieu de notre travail. Car c’est à travers notre travail de tous les jours que nous construisons le Royaume.
La plupart du temps, nous pensons que le travail, c’est ce qui permet de subvenir aux besoins de mes proches, un point c’est tout. C’est faux. N’importe quel travail déborde mon petit milieu, moi et les miens. Il est toujours un service des autres. Le commerçant rend service aux habitants du quartier, le médecin vient au secours des malades, l’enseignant assure l’éducation des plus jeunes. Or ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez (Mt.25,40) D’autre part, n’importe quel travail prolonge toujours d’une manière ou d’une autre la création divine. Les maisons que nous habitons, ce n’est pas Dieu qui les a construites, ce n’est pas lui qui y a installé l’électricité et l’eau courante, ce n’est pas le créateur qui a fabriqué nos voitures, ni les vêtements que nous portons ou les chaises sur lesquelles nous sommes assis. Il est donc tout à fait juste de dire qu’à travers notre travail qui prolonge la création, nous construisons le Royaume. mais il va falloir veiller à ne pas faire n’importe comment ce travail, chercher le profit à tout prix ou exploiter les autres. Comme vous voulez que les autres agissent envers vous, agissez de même envers eux. (Luc 6,31) Pour nous chrétiens, l’évangile est le mode d’emploi de la vie, pas toujours facile à suivre, mais infiniment plus sûr que bien des idéologies et des propagandes d’apparence plus séduisante. Parfois notre confiance vacille, mais du plus profond de nous remonte la réflexion de St Pierre : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. (Jean 6,68)
Que retenir de tout cela ?
La résurrection du Christ, loin de marquer la fin d’une histoire qui se termine bien, donne le coup d’envoi d’un nouveau chapitre de l’histoire de l’humanité. La résurrection, ce n’est pas seulement un triomphe personnel du Christ mais aussi un bouleversement capital pour le destin des hommes : il est arrivé quelque chose à la mort, on n’en meurt plus. Et le Christ nous en a averti clairement : Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais (Jean 11,25,26). Comme il a envoyé ses apôtres, il nous envoie aujourd’hui partager la vie nouvelle qu’il nous donne avec ceux qui nous entourent.
Devant la résurrection du Christ nous ne pouvons donc pas nous laisser aller seulement à des sentiments légitimes de soulagement et de joie en célébrant le triomphe d’un juste, il s’agit d’aller répandre partout le virus de la vie nouvelle ressuscitée dont nous sommes contaminés depuis le jour de notre baptême.
Merci pour cette belle homélie, très riche en enseignements ,il faut maintenant que j’essaie de mettre tout cela en pratique ,ce n’est pas facile, ,je vais garder en mémoire Eph.2,10(je vais mettre la citation dans ma poche pour la relire et me donner courage)