Dimanche  25  Août  2024

Jésus avait déjà contre lui les prêtres, les docteurs de la Loi, le milieu clérical en général,  plus les pharisiens. Voici maintenant que bon nombre de ses disciples se détachent de lui. Il s’agit de tous ceux qui, outre les douze, le suivaient, touchés par son enseignement et ses miracles. Ils acceptaient  que Jésus soit le Messie, l’envoyé de Dieu, mais refusaient de croire qu’il soit le Sauveur du monde, instaurant par sa mort la communion des hommes avec Dieu. Les paroles qu’il vient de leur adresser sur la nécessité de manger son corps et de boire son sang les ont profondément choqués et ont fini de les décider à le quitter. Jésus savait en lui-même que, scandalisés par ses paroles, ils le quitteraient. Et il dresse le bilan de la situation C’est l’Esprit qui fait vivre…mes paroles sont esprit et vie…la chair n’est capable de rien…personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père.

En d’autres termes, moi, ce que je vous dis, c’est l’Esprit qui me l’inspire, mes paroles sont esprit et vie. Vous qui êtes chair — le mot chair désigne la condition humaine en sa précarité—vous ne pouvez pas comprendre. Il faudrait que vous accueilliez l’Esprit que le Père vous envoie pour comprendre et mettre en pratique ce que je vous dis. Car personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. Voilà la phrase clef de l’évangile d’aujourd’hui et elle est encore vraie pour nous en 2024. Par nous-mêmes nous ne pouvons pas rejoindre Dieu, nos raisonnements sont trop courts. Il est au-delà des capacités de notre intelligence. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes pensées sont élevées au-dessus de vos pensées, nous disait-il déjà il à travers le prophète Isaïe (55,9). Si nous arrivons quand-même à connaître Dieu et à croire en lui, fut-ce de manière imparfaite, c’est parce qu’il prend l’initiative de s’approcher de nous et de se faire connaître. Je me laisserai trouver par vous…Vous me trouverez pour m’avoir cherché de tout votre cœur. (Jer.29,13,14) Et cette connaissance que nous avons alors de lui n’est pas une connaissance abstraite, intellectuelle sans conséquence sur notre être profond et notre manière de vivre, comme est sans conséquence pour notre vie quotidienne le fait de savoir que Tokyo est la capitale du Japon. La connaissance de Dieu, c’est une connaissance qui s’adresse au cœur et qui engendre immédiatement des conséquences pour notre être profond ainsi qu’une conversion  dans  notre vie quotidienne.

Car c’est le cœur qui sent Dieu et non la raison dit Pascal (Pensée 278) Cela  ne veut pas dire  que  Dieu, la foi, la religion n’ont rien de logique, de raisonnable, de rationnel. Cela veut dire que le coeur est touché en premier, tandis que la raison n’est atteinte qu’ensuite. Pascal explique cela d’une manière lumineuse, encore qu’ un peu difficile à saisir (Attachez vos ceintures !) Les raisons me viennent après, dit Pascal, mais d’abord la chose m’agrée ou me choque… Mais je crois non pas que cela choquait par ces raisons qu’on trouve après, mais qu’on ne trouve ces raisons que parce que cela choque. (Pensée 276)

Autrement dit, quand j’aime une personne, cette personne d’abord m’agrée, me plaît, m’attire , je l’aime,  sans trop savoir pourquoi. C’est seulement après, en faisant plus ample connaissance avec elle, que je découvre pourquoi je l’aime. Pourtant, je l’aime, non pas à cause de ces raisons que je découvre après, mais je ne trouve ces raisons que parce que d’abord l’amour s’est déclaré en moi. De même, si j’aime Dieu, si j’ai confiance en lui, c’est parce que lui d’abord m’attire, me plaît, je ne sais pas trop pourquoi C’est seulement après, en approfondissant ma foi que je découvre les


raisons pour lesquelles je l’aime,. Mais je n’ai trouvé ces raisons que parce que d’abord je l’aimais.  

Lui d’abord m’a  touché séduit, au point que même si des épreuves et des moments difficiles surviennent, je ne peux m’en détacher. Lorsque Jésus, devant le lâchage d’un certain nombre de disciples, demande aux douze, ébranlés et attristés par ce lâchage: Voulez-vous partir, vous aussi ? St Pierre répond avec une assurance tranquille : Seigneur à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.

Mais pourquoi Pierre, ses compagnons et tant d’autres après eux, persévèrent tandis que d’autres décrochent ? C’est que jamais l’Esprit de Dieu qui est amour ne s’impose en force, jamais il ne supprime notre liberté qui conserve le choix de l’accueillir ou non. Il nous unit à lui mais ne nous dissout pas en lui. Il ne détruit pas notre vie, il l’épanouit. Il ne détruit pas  notre personnalité, il la transforme. Pourquoi certains acceptent-ils de se laisser transformer et d’autres non ? C’est parce qu’ils ont été séduits, et qu’ils se sont laissés séduire. Ils trouvent que l’Esprit Saint en les mettant en communication et en communion avec Dieu source de la vie, dilate et épanouit leur existence. St Augustin disait : Tu nous as faits Seigneur pour toi et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Toi ! Et pourquoi d’autres n’acceptent-ils pas de se laisser transformer par l’Esprit ? Parce qu’ils refusent d’entendre. Peuple à la nuque raide (Baruch 2,30)ils résistent à l’Esprit Saint. (Actes 7,51)Ils trouvent que cette soi-disant transformation opérée par le Seigneur, loin de dilater et d’épanouir leur existence, la limite au contraire et la détruit. Le Christ leur apparaît comme celui qui les empêche d’exister, de faire leur volonté. D’où la réaction que Dostoëvski leur prête : O Christ, tu es venu pour nous gêner !

Et nous, de quel côté sommes-nous ? Très probablement du côté de ceux qui trouvent intéressant de se laisser transformer par Dieu créateur et source de toute vie, qui dilate et épanouit notre existence.  Mais sommes-nous toujours soucieux d’écouter sa voix qui tente de nous guider vers le meilleur. Est-ce que notre écoute n’est pas bien souvent négligente et intermittente ? Elle est m à la fois merveilleuse l’Ecriture quand elle nous dit : Moi le Seigneurje me laisserai trouver par vous. Mais elle est inquiétante quand elle ajoute :Vous me trouverez pour m’avoir cherché de tout votre cœur. (Jer.29,13) Est-ce que nous le cherchons vraiment toujours ?  

Que retenir de tout cela ?

La parole de Dieu est difficile voire impossible à saisir. Notre intelligence est trop courte pour la comprendre. Mais l’Esprit Saint que le Père nous envoie et dont le Christ nous assure qu’elle nous fait accéder à la vérité tout entière  (Jean16,13) nous permet de la comprendre. Pourtant, comme nous le voyons dans l’évangile d’aujourd’hui, certains, choqués, découragés ou scandalisés par cette parole abandonnent le Christ.  

Pourquoi certains accueillent la parole et d’autres, non ? Parce que Dieu est Amour et en amour on ne force pas. Il nous laisse donc totalement libres d’accueillir ou non sa parole Certains, entendant la parole l’acceptent. Ils trouvent qu’elle les comble, qu’elle dilate et épanouit leur vie. Comme St Augustin, ils reconnaissent :Tu nous as faits Seigneur pour toi et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Toi. D’autres au contraire refusent d’entendre. Ils trouvent que  la Parole de Dieu loin d’épanouir leur vie, les empêche d’exister, de mener leur vie comme ils l’entendent. Considérant que le Christ est venu pour les gêner, ils s’éloignent. Qu’est-ce qui


s’est passé ? Ils ont laissé le démon entrer en eux et fermer leur cœur à la voix du Seigneur. Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? interroge le Christ ? et il répond : vous ne pouvez plus entendre ma parole (Jean 8,43) Qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieuc’est parce que vous n’êtes pas de Dieu que vous ne comprenez pas mon langage. (Jean 8,47).

Pour nous, qui est le Christ ? Celui qui dilate et épanouit notre vie ? ou celui qui est venu pour nous gêner ? Aujourd’hui, beaucoup abandonnent le Christ . S’il nous demandait là, maintenant : Voulez-vous partir vous aussi ? Serions-nous capables de répondre comme St Pierre :

Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.