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Dimanche  24  Septembre  2023

Ce n’est pas juste de donner le même salaire à quelqu’un qui a travaillé toute une journée et à quelqu’un qui n’a travaillé qu’une heure. Un salaire, c’est la rémunération d’un travail exécuté par une personne pour le compte d’une autre selon le barème fixé par une loi, ou par un contrat dûment établi. Mais dans la parabole que nous venons d’entendre, tout indique qu’il ne s’agit pas d’un salaire fixé par une loi ou un contrat, mais d’un accord à l’amiable entre le propriétaire de la vigne et ses ouvriers. Donc, s’il s’agit d’un simple accord verbal, l’employeur est libre de faire ce qu’il veut de son argent et de verser la même somme à celui qui a travaillé toute la journée et à celui qui n’a travaillé qu’une heure. Personne n’est lésé. Celui qui a travaillé toute la journée reçoit un denier, comme convenu, les autres reçoivent peut-être plus qu’ils ne devraient, en comparaison de ce que reçoit celui qui a travaillé depuis la première heure, mais ils ne vont pas s’en plaindre !

Qu’est-ce que le Christ veut nous dire dans cette parabole ? Deux choses, semble-t-il. La première c’est que personne n’a jamais aucun droit d’entrer dans le Royaume de Dieu. On n’y rentre que sur l’invitation du maître du royaume, comme les ouvriers ne pénètrent dans la vigne que sur l’invitation du maître de cette vigne. Et la seconde, c’est que le maître du royaume peut faire entrer qui il veut, car personne n’est exclu.

Personne n’a jamais aucun droit d’entrer dans le Royaume. Les Juifs ont besoin d’entendre cela, car ils pensent qu’ils ont un droit d’entrée dans le royaume en tant que fils d’Abraham avec qui Yahvé a fait alliance. Certains Pharisiens sont même persuadés qu’ils ont encore bien d’autres droits sur Dieu, parce qu’il leur doit quelque chose en contrepartie de tout ce qu’ils font pour lui en observant scrupuleusement la Loi. Nous aussi aujourd’hui nous avons besoin d’entendre ce message du Christ parce qu’il nous arrive de penser que nous avons des droits sur Dieu : je suis chrétien depuis mon enfance, je vais à la messe le dimanche, je fais partie de mouvements de piété, je suis engagé dans les œuvres sociales, je donne aux bonnes œuvres, eh bien maintenant mon Dieu, il me semble que j’ai droit à un fauteuil d’orchestre dans le Royaume, je l’ai bien mérité !!! Tant mieux si nous sommes de bons chrétiens. Mais ce n’est pas de notre faute. Ce n’est pas dû à nos mérites. Entre Dieu et nous, il y a un abîme, nous ne pouvons pas le rejoindre. Si nous arrivons à percevoir quelque chose de lui, à avoir confiance en lui, à l’aimer un peu, c’est parce qu’il s’est approché et s’est fait connaître de nous. Nul ne vient à moi, si mon Père ne l’attire (Jean 6,44) nous dit le Christ. Si nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui, certes, nous n’y sommes pas pour rien, mais c’est surtout au Seigneur et à tous ceux qu’il a mis sur notre route, nos parents, nos éducateurs, tel ou tel prêtre, des amis, c’est à eux que nous le devons et ce n’est jamais dû à nos seuls mérites. St Paul nous le rappelle vertement : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu, dit St Paul, et si vous l’avez reçu, de quoi vous glorifiez-vous ? (1Cor.4,7)

La deuxième chose que veut nous dire le Christ dans l’évangile d’aujourd’hui, c’est que personne n’est exclu du royaume. Or les Juifs avaient tendance à penser que les pécheurs et les païens étaient exclus et aujourd’hui on peut trouver des chrétiens qui pensent que  les non baptisés ou même les non pratiquants n’ont pas accès au royaume. C’est oublier que le Christ ne rejette personne au point que les prêtres, les docteurs de la Loi et les pharisiens lui reprochent de fréquenter les publicains et les pécheurs, de rentrer dans leur maison et de manger avec eux. Il ne cesse de répéter Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs pour qu’ils se convertissent(Luc 5,32 ) Il y a plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. (Luc15,7) Parmi les douze apôtres qu’il a choisis, on compte au moins un publicain, Matthieu. Et puis il y a le champion des ouvriers de la onzième heure : le bon larron. Malgré toute une vie de méfaits, il suffit d’une


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toute petite prière Jésussouviens toi de moi (Luc23,42) et doublant tout le monde il entre au paradis en priorité absolue, avant tout le monde. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Pourquoi est-ce que tout d’un coup, il a accès au Royaume ? Son cœur s’est ouvert pour reconnaître en Jésus la Voie qui menait à la Vérité et à la Vie. Du coup, il n’était plus en dehors. Il était dans le Royaume. Toute sa vie a basculé d’un seul coup. Il a renié tout ce qu’il avait fait auparavant. Il avait certainement déjà entendu parler de Jésus, de son enseignement et de ses miracles. Mais il avait résisté. Il ne s’était pas laissé convaincre. Et puis aujourd’hui il a cédé.  Il a reconnu en Jésus la Voie, la Vérité, la Vie. Notre Père qui est aux cieux s’intéresse à chacun de ses enfants. Il ne laisse personne de côté. Lorsque l’un d’eux s’écarte, jamais il ne l’abandonne mais il continue sans cesse de le rappeler. Souvent on ne l’écoute pas. Mais quelquefois, même quand on est très loin, on répond, et on revient. Je pense à St Augustin. Pendant des années, il a vécu une vie de bâton de chaise au grand désespoir de sa mère Ste Monique. Et puis un jour, il est revenu, il a reconnu Tu nous as faits, Seigneur, pour toi et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Toi. Nous en avons tous fait l’expérience plus d’une fois : partis sur une mauvaise pente, notre conscience nous a fait des reproches et nous a pressés de revenir dans le droit chemin. Ce que nous appelons la conscience, la voix de la conscience, c’est le Seigneur, la voix du Seigneur, qui nous appelle à vivre en plénitude. Claudel disait Je vois bien des manières de ne pas être, mais il n’y a qu’une manière seule d’être, qui est d’être en vous, qui est vous. (L’Esprit et l’Eau)L’histoire du bon larron nous montre ce qu’il faut pour entrer dans le Royaume : Aimer Dieu, comprendre que c’est lui qui donne la vie et s’en remettre complètement à lui. Ce qui est arrivé au bon larron, c’est qu’il a été touché, tout s’est éclairé pour lui, soudainement, comme une salle qui était dans l’obscurité s’éclaire tout à coup parce que quelqu’un a manœuvré un commutateur et en un éclair il n’y a plus de ténèbres. Comme il est mort quelques instants après, le bon larron n’a pas eu à lutter pour vivre dans la fidélité à ses nouvelles convictions Pour beaucoup d’entre nous c’est plus laborieux. Nous mettons du temps à comprendre. Et après qu’on ait compris il faut rester fidèle, confiant, malgré les tentations du doute ou du découragement. Le cheminement est le même pour nous et pour le bon larron. Ce n’est pas nous qui découvrons le Seigneur. C’est lui qui se révèle à nous. Un jour quelque chose nous touche, nous fait réaliser l’amour de Dieu pour nous. Il est clair, désormais, que le chemin à suivre c’est le Seigneur et son évangile. Nous sommes séduits par l’amour de Dieu pour nous. Cela ne veut pas dire que tout sera facile pour autant. Il y aura des tentations à surmonter. Des poussées d’orgueil et d’égoïsme chercheront à nous faire reprendre notre indépendance et à suivre notre fantaisie. Autour de nous des oppositions peuvent se manifester et tenter de nous décourager. Mais avec l’aide de Dieu, nous continuerons d’avancer

Que retenir de tout cela ?

Le Seigneur appelle tout le monde à travailler à sa vigne, à entrer dans le royaume. C’est un privilège qu’il nous accorde sans que nous l’ayons mérité. C’est un don qu’il nous fait et pas quelque chose que nous aurions mérité par nos efforts. Il ne nous doit rien et nous lui devons tout. Le maître de la vigne a appelé des chômeurs qui trainaient dans la rue et les a sauvés de la misère. Le Seigneur nous a sauvés de la misère du mal, du péché et de la mort et appelés à travailler à sa vigne, à construire le royaume.  

Que nous soyons des appelés de la première ou de la onzième heure, Il ne nous reste qu’à le remercier de nous avoir appelés à être de ses proches, à travailler à sa vigne et à l’avancement du royaume Quel remerciement lui offrir ? Le meilleur remerciement que nous puissions lui offrir, c’est de travailler de tout notre cœur afin qu’il y ait un peu plus de paix de justice et  de charité là où nous vivons et que,   là au moins, son nom soit sanctifié son règne advienne  et sa volonté soit faite…


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