Dimanche  24  Août   2025

(Isaïe 66,18-21)  (Heb.12,5-7.11-13)  (Luc 13,22-30)

Ce n’est pas étonnant que quelqu’un ait demandé à Jésus : N’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? A l’époque, les opinions étaient partagées. Certains rabbins enseignaient que tous les israélites seraient sauvés en tant que fils d’Abraham, d’autres prétendaient que ceux qui périraient seraient plus nombreux que ceux qui seraient sauvés. Jésus ne répond pas directement à la question posée, mais il recommande à chacun de faire ce qu’il faut pour être sauvé. En d’autres termes : le nombre des sauvés, cela ne vous regarde pas ; occupez-vous de votre salut à vous : efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à rentrer et n’y parviendront pas.

Profitant de l’occasion, il répète une fois encore ce qu’il avait déjà répété bien des fois : Produisez des fruits de repentir et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : nous avons pour père Abraham. Car je vous le dis, des pierres que voilà, Dieu peut susciter des enfants à Abraham. (Mt.13,8,9) Aujourd’hui il insiste : vous aurez beau dire : Seigneur nous avons mangé et bu en ta présence et tu as enseigné sur nos places, le Maître vous répondra : Je ne sais pas d’où vous êtes. Eloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.

Produire des fruits de repentir, Qu’est-ce que le Christ entend par là ? Tout simplement ne pas commettre d’injustice, mais  pratiquer la justice. Il insiste là-dessus parce que la pratique religieuse de l’époque se contentait trop souvent de célébrations festives et de sacrifices, laissant de côté les devoirs de justice, alors que justement l’Ecriture et la Tradition enseignaient le contraire : pratiquer la justice et le droit vaut mieux que les sacrifices, lit-on au livre des Proverbes, (21,3) tandis qu’à travers Amos et Osée le Seigneur est catégorique : Je hais, je méprise vos fêtes, pour vos solennités je n’ai que dégoût…Vos oblations, je n’en veux pas, vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde pas. Eloigne de moi le bruit de tes cantiques, que je n’entende pas le son de tes harpes, mais que le droit coule comme l’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit pas. (Amos 5,21-24) C’est l’amour que je veux, non les sacrifices. (Osée 6,6)  

Pour un certain nombre d’auditeurs de Jésus, leur monde s’écroule. Ils étaient pratiquement sûrs d’être sauvés puisqu’ils étaient fils d’Abraham et  observaient soigneusement les pratiques pieuses en usage. Et voilà que Jésus leur explique que tout cela ne vaut rien aux yeux de Dieu si cela ne débouche pas sur un changement de vie, une conversion et la pratique de la justice. Et le Seigneur achève de les assommer en ajoutant que tous ceux qui se seront convertis et auront pratiqué la justice et la charité seront sauvés, même s’il s’agit de païens, de collecteurs d’impôts ou de prostituées : IIs entreront avant vous dans le Royaume de Dieu. Jean est venu …et vous ne l’avez pas cru, collecteurs d’impôts et prostituées l’ont cru. (Mt.21,31-32) Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers. (Mt.19,30)

Nous aussi aujourd’hui nous avons besoin d’entendre ce rappel à l’ordre de Jésus. Comme les Juifs de son temps, nous avons tendance à croire que pour être un bon chrétien, il suffit de  faire quelques prières et d’aller à la messe le dimanche. D’ailleurs comment définit-on un chrétien ? On dit : C’est quelqu’un qui va à la messe. On devrait dire c’est quelqu’un qui pratique la justice ou qui fait la volonté de Dieu. Le Christ est formel : il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur… il faut  


faire la volonté de mon Père (Mt.7,21).  700 ans auparavant Michée enseignait déjà : On t’a fait savoir homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer avec tendresse et de marcher humblement avec le Seigneur ton Dieu. (Michée 6,8) On dirait que les croyants de tous les temps ont toujours essayé de tricher avec Dieu et de se persuader qu’il suffisait de dire quelques prières et d’accomplir quelque rites liturgiques pour régler la question de nos devoirs envers lui et qu’ensuite, on pourrait faire ce qu’on veut. On a toujours été d’accord pour reconnaître que la prière était absolument nécessaire pour se rapprocher de Dieu et entrer en communion avec lui, mais il semble bien que souvent on ait oublié que  le but de la prière,  en définitive, c’est  de trouver dans cette communion avec Dieu l’inspiration de notre vie et de nos activités. Une prière qui ne débouche pas dans une action est une prière avortée. Consacrer un temps à l’adoration du St Sacrement, c’est très bien, mais on ne peut pas en rester à chanter le Tantun Ergo. L’adoration du Sacrement par lequel le Christ donne sa vie pour nous demande que nous allions jusqu’à donner nous aussi notre vie pour les autres. Bien sûr, ce ne sera pas d’une manière spectaculaire en mourant crucifié sur une croix, ce sera en gardant chaque jour et durant toute la journée une attitude de service envers ceux qui nous entourent. C’est exigeant, mais de toute façon on ne peut pas y échapper : si on prétend être chrétien, il faut faire comme le Christ. Jésus a donné sa vie pour nous, nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères, dit St Jean (1 Si bien que tout cela nous amène à nous demander si notre idéal est toujours d’imiter le Christ à Jean,4,7)travers le service des autres ? Est-ce que c’est cela que nous avons en tête chaque matin quand nous commençons notre journée ?  

nous ne sommes pas de grands criminels ni des pécheurs notoires, mais ce qui ruine notre vie chrétienne et nous maintient dans la médiocrité, c’est que nous nous laissons enfermer dans l’univers étriqué des nécessités immédiates dont il est urgent de s’occuper : la visite de sécurité de la voiture, le repas de midi à préparer, les enfants à aller chercher à l’école,  sans voir plus loin, sans voir leur sens devant Dieu. Je pense souvent à ces ouvriers d’un chantier naval dont parle saint Exupery : le voilier te parle de ses voiles, le charpentier te parle de ses planches le cloutier te parle de ses clous… et tous oublient la mer. Comme si la bonne marche du foyer, l’éducation des enfants n’étaient pas aussi des manières de remplir des tâches que le Seigneur nous confie, comme si ce n’était pas là ce qui constitue l’accomplissement de notre vocation. Obstinément nous persistons à ne voir dans tout cela que des tâches profanes. C’est faux. Mais cette erreur  est ancrée depuis des siècles dans la mentalité des croyants. Avez-vous quelquefois vu une image ou une statue de Notre Dame la montrant en train de faire le ménage ou la cuisine ? Surtout pas. Il est entendu une fois pour toutes que tout ça c’est profane. Désolé, le Seigneur n’a jamais demandé à personne de passer sa vie les mains jointes en récitant son chapelet. L’Evangile est clair : le Seigneur dira aux élus  venez les bénis de mon Père recevoir en partage le Royaume…parce que vous êtes restés tout le temps les mains jointes à dire votre chapelet ? Non mais parce que j’ai eu faim vous m’avez donné à manger …..parce que vous avez fait plein de choses que bêtement vous appelez profanes (Mt.25, 34)

Que retenir de tout cela ?

Cherchez à rentrer par la porte étroite. Produisez des fruits de repentir…Que le droit coule comme l’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit pas. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ? Rien.  Rien d’autre que ce que nous faisons déjà. Mais le faire autrement, le faire en voyant le sens,


la portée, le poids de tout cela devant  Dieu. Continuez à vous occuper de vos voiles, de vos clous et de vos planches,  mais n’oubliez pas la mer. Continuez à vous occuper de la visite de sécurité de votre voiture, de préparer votre repas, de vous occuper de l’éducation de vos enfants, parce que c’est cela que le Seigneur attend de vous. Et n’oubliez pas de perdre un peu de temps à prier parce que c’est en riant que vous découvrirez la valeur de tout ça devant Dieu.


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