3e dimanche de carême année C
(Ex.3,1-8a.10,13-15) (1 Co 10,1-6.10-12) (Luc 13,1-9)
Dans le monde juif, on pensait qu’une maladie, un malheur ou une catastrophe était un châtiment infligé par Dieu à quelqu’un en raison d’une faute commise par lui ou par ses parents. C’est ainsi que St Jean nous rapporte qu’un jour, envoyant un aveugle né les apôtres demandèrent à Jésus : Rabbi qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? (Jean 9,2) Voilà pourquoi, on interroge Jésus sur l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, dans le but de savoir quelle faute ils avaient bien pu commettre pour mériter un tel châtiment. Mais Jésus refuse d’entrer dans ce genre de discussion. Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que les autres ? Eh bien, je vous dis pas du tout, répond-il, avant d’ajouter Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Autrement dit, quels sont les péchés que les uns ou les autres ont pu commettre, ça ne vous regarde pas. Mais mêlez-vous de vos affaires : si vous ne faites pas attention à mener une vie droite et à vous convertir chaque fois que vous déviez du droit chemin, vous périrez tous de la même manière. Il y a là un triple enseignement pour nous :
-1° Premier enseignement. On ne peut pas juger les autres, dire que telle personne est meilleure ou pire que les autres. Pourquoi ? Parce que nous ne connaissons jamais tous les éléments de la question. Le fond des choses nous échappe, nous ne voyons que ce qui apparaît en surface. Soit par exemple M. Durand, un honnête homme et un bon chrétien qui ne manque jamais la messe du dimanche tandis que son voisin M. Dupont a fait de la prison et c’est tout juste s’il rentre à l’église deux fois dans l’année, à Pâques et à Noël. On va dire : M. Durand est meilleur chrétien que M.Dupont. Apparemment, c’est évident. Mais en fait on n’en sait rien. M Durand a peut-être reçu une éducation chrétienne de qualité, vécu dans une famille et dans un milieu porteurs et reçu beaucoup plus de talents et de grâces que M. Dupont qui n’a même pas connu ses parents et a toujours vécu une existence précaire. Mais peut-être qu’il a fait fructifier le peu de grâces et de talents qu’il a reçus beaucoup mieux que M. Durand qui en a reçu en abondance et finalement M.Dupont devancera M.Durand dans le Royaume. C’est comme ça que Jésus pouvait dire aux grands prêtres et aux anciens qui, malgré leurs défauts, étaient quand même des gens honnêtes : Les prostituées passeront avant vous dans le Royaume des cieux. (Mt.21,31)
-2°) Deuxième enseignement. Le Christ nous interdit de penser que Dieu puisse être un Dieu vindicatif qui se vengerait des péchés des hommes en faisant venir sur eux des malheurs et des catastrophes. Dans l’évangile d’aujourd’hui, il compare Dieu au vigneron bienveillant qui accorde un répit au figuier stérile. Déjà l’Ancien Testament présentait Yahvé comme un Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, qui donne du temps au pécheur pour se repentir (Ex.34,6 ; Sag.12,20). Et dans l’évangile Jésus ne se présente pas comme un Messie vengeur venu rétablir la justice bafouée par les pécheurs et punir les méchants. A l’époque beaucoup attendaient un Messie de ce genre. Jean Baptiste lui-même avait des paroles très dures : Bande de vipères repentez vous …déjà la cognée est à la racine des arbres, tout arbre qui ne donne pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. (Mt.3,7,10) Dans l’évangile au contraire, le Messie se montre bienveillant envers tous, il fréquente les publicains, des fonctionnaires plus ou moins corrompus et les pécheurs, il mange à leur table. Scandalisés, les pharisiens et un tas de bien-pensants le lui reprochaient. Ils n’ arrivaient pas à comprendre ce qu’il leur disait on ne peut plus clairement : je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs (Mt.9,13 ) et il ajoutait : je vous le dis , il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. (Luc 15,7 ). Notre Dieu n’est pas un justicier à l’affût, cherchant à débusquer les pécheurs pour les abattre. Il est à l’affût oui, il cherche à débusquer les pécheurs, oui, mais c’est pour les relever et les ramener de l’autre côté du pardon dans la joie d’une vie nouvelle car Le Père n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui nous dit l’évangile de St Jean, (Jean 3,17).
-3°) Mais et c’est le troisième enseignement de cet évangile, le même Messie qui est bon, patient et miséricordieux nous met en garde sans ménagements : vous périrez tous si vous ne vous convertissez pas. Pourquoi faut-il se convertir ? Parce que l’orgueil et l’égoïsme nous poussent constamment à mettre Dieu de côté et à vouloir gérer notre vie tout seuls. La conversion consiste donc à changer de mentalité et à revenir vers Dieu. comme le dit très bien le mot grec métanoïa employé par St Luc. Changement de mentalité, c’est-à-dire abandonner notre manière de faire où souvent nous organisons notre vie sans Dieu, en vue de faire autrement. Et ce faire autrement, c’est quoi ? c’est revenir vers Dieu, c’est chercher Dieu, chercher quelle est sa volonté, se demander : qu’est-ce que ferait le Christ s’il était à ma place ?Il convient de remarquer que le Seigneur nous demande plus que de regretter le passé, il nous demande de changer de vie dès maintenant et dans l’avenir. Se convertir, ce n’est pas aller vers l’avenir en marchant à reculons les yeux fixés sur ses péchés passés qu’on essaie de laver à coups de regrets et de pénitence, c’est en plus du regret du passé et de la pénitence, changer sa manière de faire. La conversion nous oriente vers l’avenir. On avance avec le Seigneur, avec le souci d’agir selon sa volonté, comme Ste Thérèse de Lisieux qui disait : c’est ce qu’Il veut que j’aime le mieux.
Que retenir de tout cela ?
1°) On ne peut jamais juger et encore moins condamner quelqu’un parce qu’on ne connaît pas son histoire. On ne sait jamais ce que le Seigneur lui a donné comme grâces et comme talents et comment il les a faits fructifier.
2°) Notre Dieu n’est pas un justicier toujours à l’affût pour débusquer les pécheurs afin de les punir. Il est à l’affût, oui, pour débusquer les pécheurs, oui, mais c’est pour le ramener de l’autre côté du pardon dans la joie d’une vie nouvelle.
3°) Mais le Seigneur, même s’il est infiniment miséricordieux, nous rappelle quand même sans ménagements : Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous. Sans être d’affreux criminels et d’horribles pécheurs, il y a certainement des moments où nous nous écartons du droit chemin, nous oublions Dieu et faisons souffrir notre prochain. Profitons de ce temps de carême pour nous atteler sérieusement voir à changer ce qui doit l’être dans nos manières afin de revenir vers Dieu. Comme nous y invitait l’oraison de la messe dernièrement (6 Mars) :
Prions le Seigneur, pour que sa grâce inspire et précède nos pensées comme nos actions, qu’elle les précède et les accompagne,afin que toutes nos activités prennent leur source en lui et reçoivent de lui leur achèvement.
cette homélie nous demande des choses très exigeantes et c’est bien . Je comprends que le Seigneur veut surtout relever le pécheur. Le repentir ne suffit pas il nous faut prendre un nouveau départ, nous convertir