Passons sur l’autre rive Dimanche 23 Juin 2024

Passons sur l’autre rive propose Jésus à ses apôtres au soir d’une longue journée de prédication. S’agirait-il d’aller faire une petite promenade en mer, histoire de se changer les idées ? Pas du tout. L’autre rive, c’est le territoire hostile des païens où Jésus veut se rendre. Mais d’abord il faudra traverser la mer qui va leur offrir une de ces tempêtes brusques et violentes dont elle a le secret. Cette nuit-là sera un temps de lutte et de combat, avant de déboucher  sur l’étonnement émerveillé des apôtres après le miracle de la tempête apaisée : Qui est-il donc celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ?

Les apôtres croyaient que Jésus était le Messie, oui, mais pour eux le Messie était simplement un homme à qui Dieu avait communiqué son Esprit et donné des pouvoirs extraordinaires, comme il l’avait pour les prophètes d’autrefois :  Élie, Isaïe et les autres. Ils ne croyaient pas encore que Jésus était Dieu. Ils l’avaient vu   faire des miracles analogues à ceux des prophètes d’autrefois : guérir des lépreux, chasser les esprits mauvais. Mais maintenant qu’ils l’ont vu commander au vent et à la mer ils commencent à se demander si Jésus ne serait pas plus qu’un simple prophète. Comme les autres miracles, le miracle de la tempête apaisée est un enseignement par gestes. Commander au vent et à la mer, c’est une manière de dire par gestes : je suis Dieu, maître de la création. Les apôtres ont perçu le message. Et s’interrogent.

Pour nous aujourd’hui, quel enseignement nous apporte ce miracle ? Comme les apôtres dans la barque, nous sommes assaillis par la tempête. Notre Église est chahutée. Le nombre des pratiquants a beaucoup diminué, les vocations religieuses et sacerdotales sont en chute libre, et rien ne permet d’espérer une quelconque amélioration. Aussi, comme les apôtres, nous nous tournons vers le Seigneur : Maître, nous sommes perdus ! cela ne te fait rien ?   Une chose est sûre, et c’est là le premier enseignement que nous donne l’évangile d’aujourd’hui : En cas de tempête, le Seigneur est le seul qui puisse ramener le beau temps.

En outre dans l’évangile d’aujourd’hui, le Christ nous donne une consigne ferme : Passons sur l’autre rive, nous invitant ainsi à toujours aller de l’avant, comme lui, qui ne s’établit jamais quelque part pour y rester. Dans l’évangile, il est toujours en mouvement. Il parcourt tout le pays pour annoncer l’évangile Aux autres villes aussi il me faut annoncer la Bonne Nouvelle du règne de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé, (Luc 4,43) explique-t-il aux habitants de Capharnaüm qui veulent le retenir. De même, tout en étant extrêmement respectueux de la Loi celui qui transgressera un seul de ces plus petits commandements, déclare-t-il, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des Cieux (Mt.5,17) il s’oppose violement à la tradition des Anciens dont les scribes et les pharisiens sont les tenants. Pourquoi ?  Parce que dans leur interprétation de la Loi, ils en font quelque chose de figé, d’immobile, de mort, alors que la Parole est Esprit et Vie. (Jean 6,63) Là aussi il veut aller de l’avant.  Justement parce que la Parole est esprit et vie et non pas quelque chose de figé, de mort, Il en donne une nouvelle interprétation, que ce soit à propos des meurtres, de la réconciliation, de l’adultère, du scandale, de la répudiation d’une épouse, des serments, de la loi du talion ou de l’amour du prochain. A chaque fois il martèle Vous avez appris qu’il a été dit et moi je vous dis (Mt.5,21-48), et à chaque fois son interprétation, qui ne s’oppose jamais à la Loi, en donne une signification plus profonde et plus exigeante. Ainsi, à propos de l’amour du prochain il déclare :Vous avez appris qu’il a été dit Tu aimeras ton prochain et tu haïras  ton ennemi. Et moi je vous dis Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent afin d’être les fils de votre Père du ciel qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber sa pluie sur les justes et les injustes. Le Christ pousse ceux qui veulent le suivre à toujours approfondir leur foi, à ne jamais s’arrêter à ce qu’ils ont compris   mais à toujours aller de l’avant pour chercher à mieux comprendre C’est là le deuxième enseignement que nous donne l’évangile d’aujourd’hui.

Le chefs de la synagogue, les prêtres et les pharisiens eux, sous prétexte d’éviter les hérésies que pourraient apporter des nouveautés, refusent tout changement, ils veulent immobiliser la foi à ce que eux en ont compris et la pratique religieuse à ce que eux ils pratiquent. Ils refusent aussi tout changement parce qu’ils savent que tout changement ébranlerait leur prestige, leur autorité et leur domination sur la masse des croyants Si nous voulons être de vrais disciples du Christ alors nous devons être aussi de ceux qui sont toujours prêts à passer sur une autre rive. Ceux qui ne veulent pas bouger qui veulent rester figés là où ils en sont, ne sont pas du Christ ni de son Église. Regardez ce qu’a été la vie de l’Église ces quatre-vingt dernières années autour de nous. Il y a beaucoup moins de monde dans les églises, qu’autrefois, c’est vrai, mais la manière de participer à la messe s’est considérablement améliorée, on est heureux de voir les diacres baptiser ou présider aux mariages, partout on se félicite de la manière dont des équipes de laïcs s’occupent des funérailles. Quand je viens célébrer la messe chez vous, je suis toujours impressionné de voir comment, en préparant la messe, vous avez non seulement préparé les lectures et les chants mais vous composé de nouvelles intentions  pour la  prière universelle et même souvent  recomposé les oraisons ou la préface. Et généralement, le résultat est meilleur que ce qu’offre le missel. Ici, l’Église, elle vit, ça bouge. Et c’est comme ça que ça doit être.      

Le pape François le répète sans cesse. L’Église n’est pas animée seulement par l’Esprit Saint qui descend de l’archevêché et des prêtres sur la masse des fidèles. Elle vit aussi de l’Esprit Saint qui  monte du cœur  de tout baptisé. Chacun a sa vie chrétienne personnelle et ses préférences dans sa manière de prier. Certains prient mieux avec une messe en latin, très bien, la majorité préfère en français, très bien. Certains aiment une messe animée avec de beaux chants, très bien, d’autres une messe très recueillie avec beaucoup de silence, très bien. Mais jamais personne ne doit considérer sa manière de prier, comme la seule valable et condamner les autres. Le Seigneur nous invite toujours à aller de l’avant, à améliorer et à approfondir notre foi. Comme il le dit dans l’Apocalypse : Voici, je fais toutes choses nouvelles.(Apoc.21,5)

Que retenir de tout cela ?

Le miracle de la tempête apaisée nous montre que, le Seigneur et lui seul est capable de venir à bout de toutes les tempêtes qui peuvent secouer l’Eglise.

Passons sur l’autre rive dit le Seigneur à ses apôtres. Il nous donne là une consigne très ferme. Il Toujours aller de l’avant. L’Esprit Saint qui anime tous les membres de l’Église, les laïcs aussi bien que le clergé nous invite tous à toujours aller de l’avant pour améliorer et approfondir notre foi.  De son temps, Jésus se heurtait à l’hostilité des prêtres et des chefs de la synagogue qui craignaient que les changements n’entraînent des hérésies et ne nuisent à leur prestige dans la société. Aujourd’hui encore, par crainte des déviations et des hérésies, la hiérarchie de l’Église a tendance à toujours freiner l’évolution et le changement, mais sa prudence aussi justifiée qu’elle soit, retarde bien des progrès. Il ne faudrait pas que la base dans l’Église, c’est-à-dire les laïcs, s’engourdisse et attende passivement d’être tirée et poussée par une hiérarchie avançant elle-même au ralenti. C’est à la base aussi de pousser et de tirer l’Église en avant ! L’histoire en donne la preuve : Souvent, c’est grâce à la poussée de la dévotion populaire que Rome finit par proclamer les dogmes.

Que la lumière de l’Esprit Saint nous aide à bien voir les problèmes de notre temps, les solutions qui s’imposent et nous donne la force de les mettre en pratique. Et que tout le monde, y compris les laïcs, s’y mette, afin de pousser et de tirer l’Église vers l’avant.