3ème Dimanche du temps pascal – Année A – Lc 24,13-35
« Il se fit reconnaître par eux à la fraction du pain. »
Cleophas et son compagnon faisaient partie des disciples qui suivaient fidèlement Jésus. Après la passion et la mort du Christ sur la croix, découragés, ils rentrent chez eux. Dans le récit que St Luc nous donne de leur rencontre avec le Ressuscité, deux choses nous surprennent. D’abord le fait qu’ ils ne reconnaissent pas Jésus lorsqu’il les rejoint sur la route, ils devaient pourtant bien le connaître. Et d’autre part le comportement de Jésus qui fait semblant de ne pas être au courant de ce qui vient de se passer à Jérusalem à savoir sa passion et sa crucifixion.
Comment se fait-il que les disciples d’Emmaüs ne reconnaissent pas Jésus ? Pourtant ils l’avaient encore vu de leurs yeux les jours précédents. Les récits des apparitions nous montrent bien que le Christ ressuscité n’avait rien d’un fantôme. Les apôtres l’ont vu de leurs yeux et touché de leurs mains . Pourtant le corps du Christ ressuscité n’était pas tout-à-fait pareil à son corps d’avant. Il apparaît et disparaît soudainement sans ouvrir la porte en entrant et sans la fermer en sortant. Est-ce que son apparence aussi aurait changé ? L’Evangile ne dit rien là-dessus. Toutefois St Marc faisant allusion à l’apparition aux disciples d’Emmaüs écrit : »Il se manifesta sous un autre aspect à deux d’entre eux qui faisaient route pour se rendre à la campagne » (Marc16,12) Lors de la Transfiguration, le visage de Jésus en gloire était autre. Maintenant que ressuscité il est rentré dans la gloire qui était la sienne avant son incarnation, il n’est plus à plein temps sur la terre, il ne fait qu’y passer lors de ses apparitions. Même si le ressuscité a un vrai corps d’homme, il est désormais d’un autre monde , on ne peut plus le reconnaître que dans la foi. Au petit matin du jour de Pâques, lorsqu’il apparaît à Marie Madeleine qui pleure devant le tombeau vide, elle le prend pour le jardinier. Il n’est pas accessible et pourtant tout proche; il faut qu’il se révèle. Ce qu’il fait en l’appelant par son nom : « Marie » (Jean20,16 ) Rarement prononcé dans le discours direct, le nom, pour un sémite, atteint l’intériorité de l’être. Instantanément l’intimité rompue par la mort est rendue présente, Marie reconnaît Jésus vivant et le salue :« Rabbouni ». Sur le chemin d’Emmaüs les deux disciples, tristes, découragés ne croient plus guère.Il faudra que le Christ réchauffe leur coeur et ranime leur foi pour qu’ils le reconnaissent. C’est ce qu’il a fait en leur expliquant l’Eciture . Une fois qu’il leur eût expliqué, partant de Moïse et de tous les prophètes ce qui le concernait dans l’Ecriture et une fois qu’il eût rompu le pain et le leur eût partagé, « alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent «
Mais revenons au début du récit. Jésus qui a rejoint les deux disciples leur demande « De quoi discutez-vous en marchant ? » Ils répliquent Tu n’as donc pas entendu parler des évènements qui se sont passés à Jérusalem ? Jésus de nouveau demande :« Quels évènements ? » Et faisant semblant de ne pas être au courant il les laisse lui raconter sa passion et sa crucifixion. On peut penser que le Seigneur devait bien rire dans sa barbe ! On dirait bien que le Christ a de l’humour ! Mais on n ‘ose pas dire des choses pareilles. La religion, on ne rit pas avec ces choses là ! Avez-vous jamais vu une image,un tableau ou une sculpture représentant le Christ souriant. ? C’est dommage. Pour ma part, je crois que nous serons bien étonnés en arrivant au ciel de nous apercevoir que le Bon Dieu est bien moins embêtant qu’on ne s’imagine !!!
Mais pourquoi le Christ se prête-t-il à ce petit jeu ? Il me semble que c’est pour purger en quelque sorte les deux disciples de leur foi erronée avant de les ramener à la vérité de la foi. »Nous nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël »confient-ils à Jésus.Ils croyaient qu’ils croyaient en Dieu. En fait ils croyaient seulement dans leurs idées sur Dieu. Sur le chemin d’Emmaüs, ils croient qu’ils ne croient plus dans le Messie Dieu, alors que c’est seulement dans leurs idées sur le Messie Dieu vu comme libérateur rendant l’indépendance politique à Israëlqu’ils ne croient plus. Jésus n’a aucun mal à leur faire découvrir ce qu’est vraiment le Messie. Tout heureux et le coeur brûlant tandis qu’en chemin il leur explique les Ecritures, ils le retiennent à souper avec eux pour en entendre davantage. Et quand ils ont enfin reconnu Jésus, ils courent vite à Jérusalem partager leur joie et leur foi restaurées avec les apôtres.
Nous autres aujourd’hui, bien souvent nous sommes comme les disciples d’Emmaüs. Après l’épreuve de la Passion, ils avaient quasiment perdu la foi. Nous aussi après une épreuve, par exemple après une grosse déception parce que le Seigneur n’a pas exaucé une de nos prières, découragés, notre foi s’éteint. Le Seigneur a bien dit « Demandez et vous recevrez » (Jean16,24 ) alors pourquoi notre prière n’est-elle pas exaucée ? Nous sommes déçus, découragés. Notre foi est-elle morte pour autant ? Il faudrait y regarder de plus près. D’abord Seigneur n’a jamais dit Demandez et vous recevrez ce que vous demandez. Il a seulement dit Demandez et vous recevrez. Ne recevant pas ce que nous avons demandé, alors, comme les disciples d’Emmaüs, nous sommes découragés, notre foi s’effondre nous croyons quelle est morte . En fait ce n’est pas notre foi en Dieu qui est morte mais notre foi dans nos idées sur Dieu qui est morte. Et quand par la suite quelque chose, une parole d’Ecriture ou un évènement qui survient nous ramène dans la pleine vérité, alors comme les disciples d’Emmaüs, débarrassés de la foi que nous nous étions fabriquée, nous n’avons plus que celle, bien plus solide, qu’il nous a donnée et comme les disciples d’Emmaüs,nous retrouvons notre joie et notre foi d’avant, désormais renforcées.
Conclusion : les épreuves, les moments de doute peuvent nous amener à perdre la foi, c’est vrai. Mais ils peuvent tout autant nous conduire à une foi plus solide, dégagée de nos idées fausses sur Dieu, débarrassée d’une fausse compréhension de sa parole. N’ayons pas peur de regarder en face nos doutes et nos questionnements. Si nous n’arrivons pas à trouver la réponse à notre trouble, parlons en à un ami ou à un prêtre mais surtout prions le Seigneur de nous éclairer. Car la foi on ne l’achète pas avec de l’argent on ne l’acquiert pas avec un savoir ou des diplômes, c’ est un don de Dieu qui, dans son amour, veut partager avec nous tout ce qu’il a et tout ce qu’il est et nous accueillir dans son intimité « Voici que je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi ». dit l’Ecriture. (Apoc.3,20)
Que retenir de tout cela ?
L’histoire des disciples d’Emmaüs qui n’arrivent pas à reconnaître le Seigneur de leurs yeux, montre que le Christ ressuscité n’étant plus présent physiquement parmi nous, nous ne pouvons plus percevoir sa présence que par la foi.
D’autre part qu’est-ce qui a plongé les disciples d’Emmaüs dans le découragement et le doute ? Leurs idées fausses sur le Messie. Ils le voyaient comme celui qui rendrait l’indépendance politique à Israël. Ils pensaient croire en Dieu, ils croyaient seulement dans leurs idées sur Dieu. Plus tard sur le chemin d’Emmaüs, ils croyaient avoir perdu la foi en Dieu, ils avaient seulement perdu la foi dans leurs idées sur Dieu. Nous aussi, ce sont nos idées fausses sur Dieu qui nous plongent parfois dans le découragement et le doute.Une chose est certaine : le doute qui peut nous amener à perdre la foi, peut tout autant nous conduire à une foi plus solide, parce qu’il nous amène à nous débarrasser de nos idées fausses sur Dieu et d’une foi bancale
Enfin les disciples d’Emmaüs qui avancent, tristes et découragés, sans voir le Seigneur à leurs côtés, nous invitent à réagir pour chercher et découvrir sa présence à nos côtés. « Vous me trouverez pour m’avoir cherché de tout votre coeur, je me laisserai trouver par vous » nous assure le Seigneur dans Jérémie. (29,13) Tâchons d’être assez adroits pour ne pas le rater.