3ème dimanche du temps ordinaire – Année A – Mt 4,12-17
« Il vint habiter à Capharnaüm pour que soit accomplie la parole d’Isaïe. »
Cette page d’évangile marque un passage charnière entre l’ère de Jean Baptiste qui se termine, et l’ère de Jésus qui commence. Jean Baptiste vient d’être arrêté par Hérode à qui il reprochait sa conduite. Sa sécurité étant menacée Jésus se retire près de la mer de Galilée où il commence à prêcher : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Voyant deux pêcheurs, Pierre et André qui jetaient leurs filets, Jésus leur dit Venez à ma suite, je vous ferai pêcheurs d’hommes. Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. Pourquoi se sont-ils mis en route si rapidement, sans attendre, sans poser de questions ? Ils n’étaient même pas de ceux qui entouraient le Christ. Jésus arrive,entouré d’un certain nombre de gens qui l’accompagnent. Pierre et André les voient venir, ils sont en train de pêcher, ils n’interrompent même pas leur travail. Mais dès que Jésus leur dit : Venez à ma suite, je vous ferai pêcheurs d’hommes, ils laissent là leur barque et leurs filets et partent avec lui. Qu’est-ce qui a déclenché leur décision de suivre Jésus aussi soudainement ?
C’est difficile de décrire ce qui se passe dans le coeur de celui qui répond à un appel du Seigneur. On peut penser que Pierre et André avaient déjà entendu parler de Jésus, de son enseignement et de ses miracles. Cela a dû les toucher. Pour qu’ils aient répondu ainsi à l’appel du Seigneur, il faut qu’ils aient été touchés au plus profond d’eux-mêmes auparavant, et quand Jésus les a appelés à le suivre, cet appel a déclenché leur décision. Pour ceux qui sont appelés par le Seigneur, l’appel est ressenti comme quelque chose qui les atteint profondément, qui les comble, leur apportant paix et sérénité. Ils ont le sentiment qu’ils ne pourraient rien faire de mieux que de répondre à cet appel. Ils décident de répondre à cet appel parce qu’ils sont séduits. Il n’y a pas d’autre explication. Parce qu’une vocation à suivre le Christ c’est toujours une question d’amour. Amour de celui qui appelle, le Christ, pour celui qui est appelé, et amour de celui qui est appelé pour le Christ qui l’a appelé. Mais pourquoi celui qui est appelé ressent-il de l’amour pour le Seigneur qui l’appelle ? Il est difficile sinon impossible de donner les raisons pour lesquelles on aime quelqu’un. Pascal disait :(Attention, c’est un peu compliqué : attachez vos ceintures !!!) Les raisons me viennent après, mais d’abord la chose m’agrée ou me choque par cette raison que je ne découvre qu’après. Mais je crois non pas que cela choquait par ces raisons qu’on trouve après, mais qu’on ne trouve ces raisons que parce que cela choque. (Pensée 276 classification Brunschwig) Autrement dit, quand j’aime quelqu’un ou quelque chose, j’aime sans savoir pourquoi, je ne sais pas expliquer pourquoi j’aime. Et quand je dis j’aime cette personne ou cette chose pour telle ou telle raison, ce n’est pas vrai, la vérité, c’est que je n’ai trouvé ces raisons que parce que d’abord je l’aimais. Pourquoi Pierre, André, Jacques et Jean sont-ils partis tout de suite, sans attendre, sans poser de questions ? Parce qu’ils avaient été touchés au plus profond d’eux-mêmes, emportés comme par une force, un courant d’amour, ils avaient été séduits.
Mais pourquoi donc Jésus a-t-il appelé ces quatre pêcheurs sans grande instruction, alors qu’il y avait des prêtres, des lévites, des docteurs de la Loi, des scribes beaucoup plus instruits, qui étaient des spécialistes des affaires religieuses, connaissant infiniment mieux l’Ecriture et la tradition que des pêcheurs du lac ? Jésus fournit lui-même la réponse à cette question quand il dit à ces quatre pêcheurs : »Venez à ma suite et JE VOUS FERAI pêcheurs d’hommes. » Ils ne sont pas qualifiés. Ils ne sont p as capables d’être des apôtres. Pierre, leur chef, ne sait ni lire ni écrire. Le Seigneur sait tout cela. Mais il apaise leurs doutes et leurs inquiétudes: Je vous rendrai capables, je vous ferai pêcheurs d’hommes. Ceux qui sont appelés au sacerdoce ou à la vie religieuse, conscients de leur faiblesse et de leur incapacité sont toujours un peu effrayés. Ni dans l’Ancien Testament ni dans les vingt siècles d’histoire de l’Eglise, on n’a jamais vu quelqu’un, appelé par le Seigneur, s’estimer digne ou capable de répondre à cet appel. St Luc, qui nous donne plus de détails sur l’appel des premiers apôtres, nous rapporte que Pierre se jeta aux pieds de Jésus :« Seigneur éloigne toi de moi, je suis un pécheur ». (Luc5,8) Il y a 2.600 ans Jérémie appelé à la charge de prophète proteste de son incapacité :« Ah Seigneur Yahvé, vois, je ne sais pas porter la parole, je suis un enfant. Mais Yahvé répondit : ne dis pas je suis un enfant, mais va vers ceux à qui je t’enverrai et tout ce que je t’ordonnerai, dis le. N’aie aucune frayeur, car je suis avec toi pour te protéger. » (Jer.1,6,7) St Paul disait « C’est de Dieu que vient notre capacité » (2Cor.3,5) « Ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu ». (1Cor.15,10 )Le Christ n’a appelé aucun prêtre, scribe, docteur de la Loi, personne qui ait étudié les Ecritures, il a choisi des hommes simples, sans instruction, se réservant de les former, ce qui faisait dire à St Paul : »Considérez qui vous êtes, vous qui avez reçu l’appel de Dieu : il n’y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille. Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les forts. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. »(1Cor.1,25-27) Et aujourd’hui encore, même si on fait étudier la théologie, l’histoire de l’Eglise et les Ecritures aux futurs prêtres et religieux, ce qui les qualifie, ce ne sont pas leurs études ni leurs diplômes , mais avant toute autre chose, ce qui les qualifie c’est la qualité des grâces que le Seigneur leur accorde au long de leur vie de prière et de leur intimité avec le Seigneur C’est pour cela que j’ai choisi pour mettre au verso des images-souvenirs de mon ordination ce passage de St Paul aux Ephésiens (3,20) : »A celui dont la puissance agissant en nous peut faite bien plus, infiniment plus que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer, à Lui la gloire pour les siècles des siècles. »
Que retenir de tout cela ?
Quand le Seigneur appelle, la vocation est ressentie comme quelque chose qui vous touche au plus profond. On est séduit et on a le sentiment qu’on ne pourrait rien faire de mieux que de répondre à cet appel. L’évangile d’aujourd’hui nous parle de la vocation d’apôtre. Cela ne signifie pas que la vocation, c’est uniquement pour ceux qui sont envoyés annoncer la parole de Dieu. Le Seigneur ne laisse personne de côté et il appelle chacun de ses enfants, chaque jour, à une tâche précise, quelque part dans le monde. N’attendons pas que l’ange Gabriel nous apparaisse pour nous dire ce qu’il faut faire. Mais dans notre prière demandons « Seigneur que veux tu que je fasse, qu’est-ce que tu attends de moi, là, tout de suite, cette semaine ? » Notre Père, disait St Paul auxEphésiens, fait de nous des êtres nouveaux en Jésus Christ en vue des oeuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance pour que nous les accomplissions » (Eph.2,10)