Jésus sort de l’anonymat, quitte Nazareth et commence son ministère public. Sa première prédication va reprendre celle de Jean Baptiste : Repentez-vous, le royaume de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile.
L’expression convertissez-vous traduit le mot grec Métanoïa qui signifie deux choses : changement de mentalité et retour vers Dieu. Changer de mentalité, c’est plus que se repentir et regretter ses fautes. Avec le repentir, nous restons enfermés dans le passé. Le Seigneur nous demande plus que de nous repentir du passé, il nous demande de pousser ce repentir jusqu’à nous convertir c’est -à-dire jusqu’à orienter autrement notre vie à l’avenir, jusqu’à changer notre vie à l’avenir.
Orienter autrement notre vie. Mais dans quelle direction ? Vers Dieu, car le terme métanoïa signifie changement de mentalité et retour vers Dieu. S’il faut que nous revenions vers Dieu, c’est que nous nous sommes éloignés de lui. Comment peut-on s’éloigner de Dieu ? Soit en s’opposant à lui, en agissant contre sa volonté, soit encore en ne s’occupant pas de lui ni de sa volonté, en faisant comme s’il n’existait pas. Dans un cas comme dans l’autre, nous prenons la place de Dieu, décidant par nous-mêmes de ce qui est bien et de ce qui est mal. Même s’il nous arrive parfois, malheureusement, de faire le mal, nous ne sommes quand même pas de ceux qui choisissent délibérément d’orienter toute leur vie dans un sens contraire à l’évangile. Mais peut-être sommes-nous de ceux qui dirigent leur vie sans trop s’occuper de la volonté de Dieu, nous appuyant sur notre intelligence, notre jugement, notre bon sens, notre bon cœur, avec le souci de ne faire de mal à personne. Cela pourrait être pire ! Mais sans nous en rendre compte, nous éliminons Dieu de notre vie, décidant par nous-mêmes de ce qui est bien et de ce qui est mal. Il est donc urgent de changer de mentalité et de réintégrer le Seigneur dans notre vie. Comment cela ? C’est très simple : au lieu de nous demander : que dois-je faire, comment dois-je réagir dans telle situation, me demander : qu’est-ce que le Seigneur voudrait que je fasse ? Comment veut-il que je réagisse ? St Ignace appelait cela : garder Dieu devant les yeux en toute occasion.
La deuxième partie de l’évangile nous montre Jésus appelant des pêcheurs à devenir ses disciples. Simon et André sont en train de jeter leurs filets dans la mer. Jésus passe et leur dit venez à ma suite, je vous ferai pêcheurs d’hommes. Aussitôt laissant leurs filets ils le suivirent. Un peu plus loin, il voit Jacques et Jean en train de réparer leurs filets. Il les appelle et eux aussi, laissant tout, partirent à sa suite. Il y a là quelque chose de très surprenant : ils sont en plein travail, Jésus les appelle, aussitôt ils lâchent tout, leurs filets, leur barque, leur père et suivent Jésus. Qu’est-ce qui les a poussés à tout laisser, comme ça, tout de suite ? Il faut que l’appel du Seigneur les ait touchés très profondément pour que tout de suite ils partent avec lui. C’est là le secret de la vocation : c’est un appel qui vous touche très profondément, qui bouscule tout dans votre vie et vous emporte. Un prêtre âgé me racontant sa vocation me disait : j’avais dix ans, j’étais en sixième. Au cours d’une journée de récollection, le prédicateur a parlé de la Passion du Christ. Alors j’ai pensé : le Christ a fait ça pour moi, eh bien moi je serai prêtre. C’est tout. Cela m’a mis dans une espèce de sérénité et de certitude. Il était clair que je devais être prêtre. C’est cela qui me comblait. On est comme séduit. C’est d’ailleurs le terme qu’emploie Jérémie, quand il dit à propos de sa vocation : Tu m’as séduit Yahvé et je me suis laissé séduire. (Jer.20,7)
Autre chose encore de très surprenant dans cet appel des premiers apôtres. Jésus ne les a pas choisis parmi les prêtres, les scribes, les docteurs de la Loi, des gens qui connaissaient les choses de la religion, qui avaient étudié dans les écoles rabbiniques Il a choisi des matelots, des pêcheurs qui n’avaient aucune formation. St Pierre ne savait ni lire ni écrire. Mais il leur a dit en les appelant : JE FERAI DE VOUS des pêcheurs d’hommes. Tous ceux qui ont été appelés au sacerdoce ou à la vie religieuse vous le diront : ils ont toujours été sûrs de ne pas avoir ce qu’il fallait pour répondre à l’appel qui leur a été adressé, mais le Seigneur les a formés au long des années, à travers les personnes qu’il a mises sur leur chemin, à travers les années d’études et surtout à travers l’expérience de la prière car la formation d’un apôtre du Christ, c’est plus et autre chose que les fruits d’années d’études de philosophie et de théologie. La formation d’un apôtre du Christ c’est surtout une formation spirituelle que seul le Christ peut donner dans l’intimité de la prière. Vous me dites quelquefois : Merci ! vos homélies, c’est intéressant. Je suis content, ça me fait plaisir, mais savez-vous que parfois je me dis : mais qu’est-ce qu’ils ont pu trouver d’intéressant dans cette homélie ? Et une fois rentré chez moi, je la relis pour essayer de voir ce que vous y avez trouvé. Je pense souvent à une réflexion de Georges Bernanos qui disait : Le Seigneur nous envoie porter chez les autres des cadeaux que nous ne possédons pas, des présents dont nous ne connaissons pas le prix. Et ce n’est pas seulement à moi que ça arrive. Tous, prêtres aussi bien que laïcs, combien de fois n’avons-nous pas apporté aux autres une parole qui venait d’au-delà de nous ? Combien de fois n’avons-nous pas éprouvé le sentiment d’être dépassés par la tâche à accomplir, incapables de faire ce que le Seigneur nous demandait et puis finalement nous y sommes parvenus. Pourquoi ? Ma mère disait : Le Bon Dieu y a mis les mains. Aujourd’hui l’évangile nous montre à travers l’appel des disciples ce que le Seigneur est arrivé à faire avec quelques matelots sans spécialité, comme on dit dans le milieu des inscrits maritimes En quelques centaines d’années ils ont porté l’évangile jusqu’aux extrémités du monde. Cela devrait nous donner de l’élan pour construire autour de nous dans nos familles, nos milieux, nos villages, un monde où il y a un peu plus de justice, de paix, de charité.
Que retenir de tout cela ?
Le Christ nous le demande : convertissez-vous et croyez à l’évangile. C’est-à-dire : changez de mentalité, regrettez et reniez vos fautes passées jusqu’à vous engager dans une voie nouvelle. Cette voie nouvelle, c’est de remettre Dieu dans notre vie. Trop souvent, nous l’éliminons de nos journées, dirigeant notre vie tout seuls, en nous appuyant sur notre raison, notre bon sens, notre jugement, sans vouloir faire de tort à personne, mais persuadés que nous sommes assez intelligents pour pouvoir décider par nous-mêmes de ce qui est bien et de ce qui est mal, sans avoir besoin de Dieu pour cela. Voilà ce qu’il faut changer dans notre manière de faire : garder Dieu devant les yeux. Au lieu de dire : qu’est-ce que je dois faire, me demander qu’est-ce que le Seigneur veut que je fasse. Au lieu de faire route tout seuls, garder Dieu devant les yeux et marcher à sa lumière qui éclaire mieux que la modeste lumière de notre intelligence et de notre raison.
Le Seigneur appelle de simples pêcheurs pour être ses apôtres. Ils en sont incapables, c’est une affaire entendue, mais il leur dit : JE FERAI de vous des pêcheurs d’hommes. Et ça a marché. De même, nous aussi, comme les apôtres, nous sommes appelés à faire des choses qui nous dépassent. Pourtant il nous est arrivé plus d’une fois de constater que nous étions parvenus à faire des choses qui nous paraissaient impossibles. Parce qu’il est avec nous, Lui, dont la puissance agissant en nous peut faire bien plus, infiniment plus que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer. (Eph.3,20)Mais le travail n’est pas fini. Aujourd’hui encore le Seigneur nous envoie apporter autour de nous, un peu plus de paix, de justice, de charité. Beaucoup attendent que quelqu’un fasse quelque chose pour eux. Resterons nous sans rien faire ?