Dimanche 21 Avril 2024

L’image du Bon Pasteur était parlante pour les auditeurs de Jésus qui étaient pour la plupart des agriculteurs et des éleveurs. Pour nous qui sommes des citadins, cela ne nous dit pas grand-chose.

Des bergers, des moutons, nous n’en voyons guère qu’à la télévision, dans la publicité pour les fromages de brebis ! Si nous voulons comprendre cette page d’évangile, essayons de voir d’un peu plus près ce qu’est la vie d’un berger. Le Seigneur relève trois aspects de la vie d’un berger : il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent, il les rassemble et il donne sa vie pour ses brebis.

Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. Pour nous qui ne connaissons guère les conditions de vie réelles des bergers, cette façon de parler nous paraît exagérée. Mais quand on y regarde de près, ce n’est pas si faux que ça. Seul dans la montagne avec ses chiens, jour et nuit il est exposé aux ardeurs du soleil comme au brouillard et à la pluie. Comme il se déplace constamment, il ne peut même pas se construire un abri ne serait-ce qu’avec des mottes de terre et des branchages. Toute la journée il lui faut veiller à ce que les bêtes ne s’aventurent pas dans des endroits dangereux, et la nuit il ne dormira que d’un œil. S’il ne donne pas sa vie pour ses brebis, au sens de se livrer à la mort, il n’est pas exagéré de dire qu’il se tue pour son troupeau. En tous cas, lorsque celui qui est mort sur la croix pour nous dit moi, je suis le bon pasteur, le bon berger qui donne sa vie pour ses brebis, nous savons qu’il n’exagère pas

 Le Bon Pasteur connaît ses brebis et ses brebis le connaissent nous dit encore le Christ. Je n’avais pas vraiment compris cette parole jusqu’à ce qu’un berger rencontré dans les Alpes me raconte comment il était venu en train depuis la Provence avec son troupeau de cinq cents moutons. Et il m’a dit cette chose stupéfiante : quand les agents de la SNCF ont débarqué les cinq cents moutons sur le quai de la gare de Modane, j’ai vu tout de suite qu’il en manquait deux ! C’est ça un bon berger qui connaît ses moutons. Cela nous paraît incroyable qu’un berger puisse reconnaître chacune de ses bêtes dans un troupeau de cinq cents têtes ! Et nous avons du mal à comprendre comment le Seigneur peut connaître personnellement chacun de nous. Nous le croyons parce qu’il l’a dit, mais tout juste. Pourtant il nous arrive de reconnaître, sans aucun doute possible, que parfois il traite avec nous de personne à personne, par exemple quand je vois qu’il a exaucé ma prière ou quand il appelle quelqu’un à la prêtrise ou à la vie religieuse. Parfois même, c’est extrêmement rare, mais cela arrive, il se manifeste à celui qu’il appelle et dialogue avec lui. C’est ainsi qu’il dit à Jérémie : Avant de te former au ventre maternel, je t’ai connu, avant que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré, comme prophète des nations je t’ai consacré.  Comme Jérémie proteste de son incapacité : Ah, Seigneur Yahvé, vois, je ne sais pas porter la parole, je suis un enfant, Yahvé répond : Ne dis pas je suis un enfant, mais va vers tous ceux à qui je t’enverrai…N’aie aucune frayeur, car je suis avec toi pour te protéger. (Jer.1,5-8)

Évidemment nous aimerions qu’il se manifeste aussi clairement chaque fois qu’il veut nous demander quelque chose. Mais même s’il ne nous apparait pas chaque fois qu’il nous demande quelque chose, il nous fait toujours connaître sa volonté. Mais est-ce que nous entendons sa voix ? Quand nous prions, nous demandons à Dieu d’écouter nos prières et c’est très bien, mais est-ce que nous cherchons à écouter les siennes ? Chaque fois que nous récitons le Pater, nous prions en toute sincérité : Que ta volonté soit faite. Mais, soyons honnêtes, nous ne voyons pas trop de quoi il s’agit. Nous prions pour que la volonté de Dieu soit faite, en gros, en général, dans le monde, mais peut-être pas vraiment pour que la volonté de Dieu soit faite aujourd’hui, pour  chacun de nous… La plupart du temps  parce nous ne voyons pas très bien de quoi il s’agit, nous ne voyons pas en quoi consiste cette volonté de Dieu sur nous chaque jour.  

Comment faire pour entendre sa voix et savoir ce qu’il attend de moi ?  Tout simplement en lui demandant dans la prière : Seigneur, que veux-tu que je fasse ?   Et c’est à ce moment-là qu’il faut bien écouter. Parmi les pensées qui vont se présenter à moi, certaines peuvent venir de moi, de mon raisonnement, certaines peuvent venir  du démon, elles nous poussent au mal et nous les appelons des tentations et puis il y en a qui nous poussent au bien, ce sont des pensées qui viennent De dieu. C’est ça les appels de Dieu, les vocations.

Pourquoi est-ce que de notre côté, ça ne répond pas ? Parce que même si nous entendons l’appel qui nous est adressé, nous ne le reconnaissons pas comme venant du Seigneur. Nous nous disons : je me fais des idées, Dieu ne perd son temps à s’occuper de gens ordinaires comme moi,  il s’occupe des gens importants, c’est eux qu’il appelle  à une tâche précise dans la construction du Royaume…. Et sûrs qu’il n’y a rien à entendre, nous ne cherchons plus à écouter. Peut-être regardons nous notre Dieu non pas comme un  Père qui a le souci de chacun de ses enfants, et n’en laisse aucun  de côté, mais comme le PDG d’une énorme multinationale qui bien évidemment ne peut pas connaître et encore moins s’intéresser à chacun de ses employés.

Pourtant nous voyons bien dans l’évangile que le Seigneur ne laisse personne de côté La volonté de mon Père, dit-il, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés. (Jean 6,39)Il n’est pas du tout du genre à ne fréquenter que les riches, les gens instruits, les cadres, les élites. Bien au contraire, il est plutôt en mauvais termes avec les gens importants de la société qui sont à  l’époque  les prêtres, les docteurs  de la Loi et tout le milieu clérical.  Par contre, il est à l’aise avec les gens simples, ses apôtres viennent d’un milieu très modeste, on lui reproche même d’être toujours fourré avec des gens peu recommandables, des pécheurs publics, des fonctionnaires douteux ou des femmes de mauvaise réputation…mais il rétorque qu’il est venu appeler non pas les justes mais les pécheurs (Marc 2,12 ) Mais il n’était pas entendu pour autant et il  interpellait ses interlocuteurs : Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? (Jean8,43) Mais cette triste constatation, loin de le décourager, ne faisait que renforcer son ardeur à rassembler les brebis encore perdues ou égarées afin qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et un seul pasteur et il ira jusqu’à donner sa vie sur la croix pour que tous soient un, comme toi, Père et moi nous sommes un. (Jean 17,11,21-23 )

Que retenir de tout cela ?

A travers cette parabole du Bon pasteur, l’Évangile veut nous faire comprendre que notre Dieu, tel un bon berger connaît chacune de ses brebis. Pas d’une connaissance froide, abstraite. Il établit avec chacune d’elles des relations personnelles. Il confie à chacun une tâche précise dans la construction du Royaume. Il n’impose pas. Il  propose. A chacun d’entre nous de reconnaître cet appel, cette vocation, et d’y répondre. Alors, moi, où en suis-je ? Est-ce que je crois vraiment que mon Dieu est un Père qui  se préoccupe de moi parce qu’il ne met de côté aucun de ses enfants ? Ou est-ce que je le prends pour une sorte de PDG d’une énorme multinationale qui ne peut pas connaître chacun de ses employés ? Est-ce que je cherche à voir ce qu’il me demande  et est-ce que je m’emploie à le faire  ? A côté de moi, tant de gens ne savent pas qu’il y a un Dieu qui les aime, qui veut le mieux pour eux, dans le monde où je vis , tant d’innocents  sont victimes de la haine et de la violence ou pire encore tant de criminels inconscients répandent la haine et la violence…..Bien sûr, ce n’est pas moi tout seul qui puis ramener la paix au Soudan, en Ukraine ou à Gaza, mais là où je suis, le Seigneur me demande  de faire quelque chose pour qu’il y ait davantage de justice, de paix et d’amour. Parce que sa volonté, ce n’est pas de faire de nous un troupeau de moutons, mais un troupeau de pasteurs.