Dimanche 21 août 2022

21° Dimanche du temps ordinaire – année C – Luc 13,22-30

« N’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »

Ce n’est pas étonnant que quelqu’un ait demandé à Jésus : N’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? A l’époque, on ne savait que croire. Certains rabbins affirmaient que tous les Israélites seraient sauvés en tant que fils d’Abraham, d’autres disaient que ceux qui périraient seraient plus nombreux que ceux qui seraient sauvés. Jésus ne répond pas directement à la question mais il recommande à chacun de faire ce qu’il faut pour être sauvé. Autrement dit le nombre des sauvés cela ne vous regarde pas, occupez vous de votre salut à vous, c’est plus urgent : efforcez vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à rentrer et n’y parviendront pas.

Il profite de l’occasion pour redire ce qu’il avait déjà dit, dès le début de son enseignement : Ce n’est pas parce qu’on est fils d’Abraham, qu’on est automatiquement sauvé, ce qui compte c’est de produire des fruits de repentir. Produisez des fruits de repentir et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : nous avons pour père Abraham. Car je vous le dis, des pierres que voilà Dieu peut susciter des enfants à Abraham. (Mt.3,8,9 )Et aujourd’hui il insiste : vous aurez beau dire : Seigneur, nous avons mangé et bu en ta présence et tu as enseigné sur nos places, le maître vous répondra Je ne sais pas d’où vous êtes. Eloignezvous de moi vous qui commettez l’injustice.

Produire des fruits de repentir. Qu’est-ce que le Christ entend par là ? Ne pas commettre d’injustice, pratiquer la justice. Le Christ insiste là-dessus parce que l’enseignement religieux de l’époque recommandait surtout l’observation de pratiques extérieures comme des sacrifices ou des célébrations festives, laissant de côté les devoirs de justice alors que justement l’Ecriture et la tradition enseignaient le contraire Pratiquer la justice et le droit aux yeux de Yahvé vaut mieux que les sacrifices lit-on dans le livre des Proverbes, (21,3) A travers Amos et Osée le Seigneur explique sans ménagements : Je hais, je méprise vos fêtes, pour vos solennités je n’ai que dégoût.Vos oblations, je n’en veux pas, vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde pas. Eloigne de moi le bruit de tes cantiques, que je n’entende pas le son de tes harpes, mais que le droit coule comme l’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit pas. (Amos 5,21-24 )C’est l’amour que je veux, non les sacrifices. (Osée 6,6)

L’univers des auditeurs de Jésus s’écroule. Ils se croyaient pratiquement sûrs d’être sauvés puisqu’ils étaient fils d’Abraham et puisqu’ils observaient soigneusement des pratiques pieuses comme des célébrations festives ou des sacrifices, et voilà que Jésus leur explique que tout cela ne vaut rien aux yeux de Dieu, mais que ce qui compte pour entrer par la porte étroite, c’est de pratiquer la justice et la charité. Et pour mettre le comble à leur désarroi, il ajoute que tous ceux qui se seront convertis et auront pratiqué la justice et la charité seront sauvés, même s’il s’agit de païens, de collecteurs d’impôts ou de prostituées : les collecteurs d’impôts et les prostituées entreront avant vous dans le Royaume de Dieu. Jean est venu dans le chemin de justice et vous ne l’avez pas cru, collecteurs d’impôts et prostituées au contraire l’ont cru. (Mt.21,11-12) On viendra de l’Orient et de l’Occident, du Nord et du Sud prendre place au festin.Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers.

Mais, aujourd’hui, que veut nous dire le Seigneur à travers cet évangile ? A nous aussi comme aux Juifs d’il y a deux mille ans, le Seigneur nous dit : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Même si nous ne pensons pas comme les Juifs que nous serons sauvés parce que nous sommes descendants d’Abraham, parfois nous nous laissons aller à penser que, si des bons pratiquants comme nous, qui essayons de gérer le mieux possible notre foyer, notre métier, l’éducation de nos enfants, ne sommes pas parmi les élus, qui le sera ? Tant mieux si nous sommes des chrétiens pas trop mauvais. Mais de toute façon, ce n’est pas tout à fait de notre faute, nous devons beaucoup au Seigneur qui nous a aidés de sa grâce et qui a mis des guides sur notre chemin. Avec l’éducation que nous avons reçue et les talents que le Seigneur nous a donnés, peut-être que nous devrions être bien meilleurs que nous ne sommes ? Et nous savons bien que chaque jour nous avons à lutter contre l’égoïsme, l’orgueil, l’esprit de domination, pour arriver à pratiquer tant soit peu la justice et la charité. Le prophète Michée résume bien notre programme : On t’a fait savoir homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : pratiquer la justice, aimer avec tendresse et marcher humblement avec le Seigneur ton Dieu. (6,8 )

Un tel programme, on n’a jamais fini de le remplir. Nous ne pourrons jamais dire : j’en ai fait assez. C’est tous les jours qu’il nous faut veiller à ne pas dévier, à vivre en accord avec la volonté de Dieu. Ce qui est d’autant plus difficile que, soumis à la pression d’un monde où on vit comme s’il n’y avait pas de Dieu, nous sommes tentés de nous laisser aller à « faire comme tout le monde » à sortir le chien ou faire du jogging le dimanche matin plutôt que d’aller à la messe !!!

C’est inquiétant de voir combien facilement la masse , le « tout le monde » se laisse entraîner à faire n’importe quoi, à suivre n’importe quelle idéologie même la plus barbare. Les rétrospectives historiques qu’on peut voir à la télévision nous montrent comment des millions d’hommes qui étaient certainement des braves gens, se sont laissés tromper par des propagandes, que ce soit en Allemagne, en URSS, en Chine, au Moyen Orient ou je ne sais où encore. C’est extrêmement embarrassant, gênant, humiliant, de voir tous ces peuples qui ont donné au monde des intellectuels de valeur, des philosophes réputés, des artistes et des musiciens célèbres se mettre à suivre les pires idéologies . Dans ce monde où beaucoup ont abandonné la source d’eau vive pour se creuser des citernes lézardées qui ne retiennent pas l’eau, comme disait Jérémie, (Jer.2,13), l’évangile nous amène à nous interroger : Et moi, où en suis-je ? Qu’est-ce qui dirige ma vie ? Où est-ce que je place mon idéal ? Est-ce que je suis encore un disciple attentif à suivre celui qui est la Voie, la Vérité, la Vie ? (Jean 14,6) Un jour, alors que beaucoup de disciples le quittaient, Jésus demanda aux douze s’ils allaient partir eux aussi. Aujourd’hui, Serions nous capables de répondre avec la même conviction que Pierre : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la Vie éternelle.(Jean,6,68 )

Que retenir de tout cela ? 

Chacun de nous se retrouvera un jour devant cette fameuse porte étroite. Il vaudrait mieux ne pas l’oublier. Il n’y a aucune raison d’être anxieux. Ce que veut le Seigneur, c’est que tous les hommes soient sauvés. Mais cette porte là ne s’ouvre pas automatiquement comme les portes de ces magasins qui s’ouvrent toutes seules dès que quelqu’un s’en approche. Elle s’ouvre seulement devant ceux qui se seront efforcés de pratiquer la justice, d’aimer avec tendresse et de marcher humblement avec le Seigneur leur Dieu. ( Michée 6,8 )

Par conséquent soyons toujours attentifs à tenir le bon cap. Ne nous laissons pas entraîner à dériver au fil du train-train quotidien, dans les multitudes de choses à faire en oubliant de vérifier si nous tenons toujours le bon cap. Plusieurs fois, j’ai fait des campagnes de pêche en mer du Nord avec mon père et j’étais fasciné de voir comment les hommes de quart dans la passerelle du chalutier fumaient tranquillement leur cigarette, discutaient entre eux, une nuit, ils se sont même mis à chanter tous les chants de la grand-messe, en latin, Kyrie, Gloria, Credo etc c’était magnifique. Mais jamais ils ne quittaient des yeux la boussole et jamais ils ne cessaient de scruter l’horizon. De même, faisons tout ce que nous avons à faire, mais comme les hommes de quart dans la passerelle ne quittent pas des yeux la boussole, gardons les yeux fixés sur le Seigneur pour ne pas dériver mais aller tout droit vers la porte étroite qu’il nous ouvrira en en nous voyant arriver.