Dimanche 20 Octobre 2024


Isaïe (53,10-11) Heb.(4,14-16) Marc (10,40-45)
Lorsque Jacques et Jean demandent à Jésus de siéger à ses côtés dans sa gloire, ils ne se rendent pas compte que cette gloire telle qu’ils se l’imaginent n’a rien à voir avec ce qu’elle est en réalité. Pour eux, la gloire, c’est le prestige, l’honneur, la renommée, tandis que la gloire pour Jésus, c’est le resplendissement de son amour dans toutes les circonstances quelles qu’elles soient, même et surtout dans les circonstances éprouvantes. La gloire de Jésus, c’est le resplendissement de son amour dans le dénuement de Bethléem, dans la pauvreté de Nazareth dans l’hostilité et l’incroyance des coeurs fermés auxquels il se heurte tous les jours et par-dessus tout, la gloire de Jésus, c’est cette gloire qui resplendit quand il passe à travers les terribles souffrances de la Passion et de la mort sur la croix avant de ressusciter au matin de Pâques, sans que jamais ne fléchisse son amour pour nous. Car c’est surtout dans sa passion et sa mort sur la croix que la gloire du Christ se manifeste.
Mais nous avons du mal à l’admettre. Obsédés par le fait que ce sont nos péchés qui ont causé la passion du Christ et sa mort sur la croix, la plupart du temps nous considérons la Passion et la mort du Christ en croix comme un crime épouvantable dont nous portons la responsabilité et nous avons du mal à voir que vues du côté du Christ, sa Passion et sa mort sur la croix sont la plus haute manifestation de sa gloire puisque c’est là que se manifeste de la manière la plus éclatante son amour sans limites. Lui-même a essayé de le faire comprendre à ses apôtres lorsqu’au soir du Jeudi Saint évoquant sa passion et sa mort imminentes, il leur a confié : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. (Jean 12,23) Nous disons souvent que ses ennemis se sont emparés de lui, ce qui est faux, puisque c’est lui qui s’est livré. Il est monté à Jérusalem sachant bien ce qui l’attendait et à trois reprises, il l’avait annoncé à ses disciples, tout en leur précisant bien : Ma vie nul ne me l’enlève, mais je m’en dessaisis de moi-même. (Jean 10,18) Lorsqu’ils demandent à Jésus les premières places dans sa gloire, Jacques et Jean ne se rendent pas compte qu’ils demandent aussi le premières places à ses côtés dans sa Passion. C’est bien pourquoi Jésus leur dit : Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Dans la deuxième partie de l’évangile, le Christ explique à ses apôtres en quoi consiste la grandeur dans le Royaume. Comme toujours son enseignement est déconcertant. D’habitude, la grandeur on la trouve chez ceux qui dominent en maîtres et font sentir leur pouvoir Dans le Royaume, dit le Christ, la grandeur, on la trouve chez ceux qui se mettent au service des autres, celui qui veut être le premier doit se faire l’esclave des autres. Comment servir les autres, se faire leur esclave peut-il faire de nous les premiers et nous conférer quelque grandeur ?
Si, poussé par la misère, je suis obligé de me mettre au service de quelqu’un, il n’y a rien là de glorieux, je me retrouve à un niveau inférieur dans la société. Mais si c’est par amour que je me mets au service de quelqu’un, c’est autre chose. Une maman par exemple qui toute la journée se consacre à ses enfants, tout le monde la respecte et l’estime. Pourquoi ? Parce que tous ces travaux toutes ces corvées qui l’accaparent toute la journée, elle ne les fait pas parce qu’elle est forcée de le faire par quelqu’un qui la contraint, elle ne les fait pas pour un salaire, elle les fait parce qu’elle aime ses enfants. Tous ces travaux, toutes ces corvées, ce ne sont plus des travaux, ce ne sont plus des corvées, c’est de l’amour en actes, c’est de l’amour qui se déploie. Quand le service des autres, est l’expression de l’amour qu’on a pour eux, ce qu’il pourrait contenir de servitude disparaît, on n’y voit plus que de l’amour. La vie du Christ en est la plus éclatante illustration.
Et pour que nous comprenions bien, Jésus ajoute : moi, je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir. Le Jeudi Saint au soir, il en fera la démonstration en lavant les pieds de ses disciples et en leur laissant une consigne on ne peut plus claire : Si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres, car c’est un exemple que je vous ai donné ; ce que j’ai fait pour vous, faites-le, vous aussi. (Jean 13,14,15) Or ce geste de laver les pieds des hôtes était courant dans l’Orient pour honorer un hôte qui était arrivé par de chemins poussiéreux ou boueux. Mais il était considéré comme un geste humiliant qu’on ne pouvait même pas demander à un esclave juif. C’est pourquoi en voyant Jésus leur laver les pieds les apôtres ont été extrêmement choqués.
Si vous voulez, pour essayer de transposer de nos jours et dans notre culture, je dirais imaginez que l’archevêque que vous avez invité à dîner se lève de table et s’en aille nettoyer les cabinets. Impensable, inadmissible. Les apôtres ont eu du mal à accepter ce geste et cet enseignement du Christ. Nous aussi, aujourd’hui. Le Seigneur est formel : Si quelqu’un veut se mettre à ma suite, qu’il se renonce. (Marc 8,14) ; Si je veux être disciple du Christ, il faut que je m’efface, que je me taise, que je le laisse parler, que j’accueille sa parole, qu’elle me plaise ou non, qu’elle aille dans mon sens ou qu’elle me dérange. Quelquefois on croit accueillir le Christ alors qu’on accueille seulement un Christ tamisé, filtré ; On n’a laissé entrer en nous que ce qui s’accorde avec nos manières et ne tranche pas trop avec nos usages. L’évangile d’aujourd’hui est inquiétant. Il nous accule à vérifier. Est-ce que c’est bien le Christ tout entier que je reçois ? Ou est-ce que je le censure, n’accueillant qu’un Christ tamisé, filtré, rétréci à la taille de mon étroitesse d’esprit ? retaillé à nos dimensions.


Que retenir de tout cela ?
Que Jacques et Jean aient le désir de siéger aux premières places dans le Royaume, après tout, il n’y a rien de mal, ils veulent être le plus près possible du Seigneur, rien là que de très louable. D’ailleurs dans n’importe quel domaine, que ce soit dans les études, le sport ou les affaires il n’y a rien de mal à vouloir être le premier, à condition que ce ne soit pas en trichant, en fraudant ou en causant du tort injustement au prochain.
Vouloir être parmi les premiers dans le Royaume des cieux, c’est très bien, mais le chemin à suivre pour y parvenir est ardu et ne mène pas à la célébrité des vedettes du sport, aux richesses des grands hommes d’affaires, ou au prestige et à la puissance des grands hommes politiques. Vouloir être parmi le premiers dans le Royaume, c’est viser à suivre le Christ, au plus près, sur la voie de l’amour et du service. Lui, Jésus, a donné sa vie pour nous, ou aussi nous devons donner notre vie pour nos frères écrit St Jean (1 Jean, 310) Est-ce que, enfermé dans mon univers mesquin, je n’accueille qu’un Christ tamisé, censuré, compatible avec mes étroitesses ? Suis-je capable de me renoncer, de m’effacer, de laisser parler le Christ, d’écouter sa parole sans chercher à la filtrer et à ne retenir que ce qui ne me gêne pas trop ?