28° Dimanche du temps ordinaire – année C – Luc 17,118-19
« Jésus, Maître, prends pitié de nous ! »
En route vers Jérusalem Jésus arrive à l’entrée d’un village, lorsqu’un groupe de dix lépreux vient à sa rencontre. A cette époque, la lèpre n’était pas considérée seulement comme une terrible maladie, mais comme un châtiment divin et celui qui en était atteint était regardé comme en état de péché. La Loi interdisait aux lépreux de pénétrer dans les agglomérations et même d’approcher les personnes croisées en chemin. C’est pourquoi ils restent à distance lorsqu’ils supplient le Seigneur : « Jésus, Maître, prends pitié de nous.« Cette supplique est une manière indirecte, respectueuse des usages de l’époque, d’implorer leur guérison. Marthe et Marie n’agissent pas autrement lorsqu’ils envoient dire à Jésus « Celui que tu aimes est malade« . C’était une façon polie de lui demander : Viens rendre visite à notre frère Lazare. Jésus, qui comprend bien la supplique des lépreux leur dit alors : « Allez vous montrer aux prêtres« . Selon laLoi, quand un lépreux était guéri, il devait aller se montrer aux prêtres qui, jouant le rôle d’officiers de santé, attestaient de sa guérison et lui donnaient l’autorisation de vivre de nouveau en société. Mais ici, les lépreux se mettent en route pour aller se montrer aux prêtres alors qu’ils ne sont pas encore guéris, c’est bien parce qu’ils ont confiance que Jésus va exaucer leur demande. Ils montrent là une foi peu ordinaire. Et voilà qu’en cours de route, ils sont guéris.
L’un d’entre eux, seul parmi les dix, revient alors vers Jésus. « Glorifiant Dieu à pleine voix, il se jette aux pieds de Jésus en lui rendant grâces« .Or c’était un Samaritain. Les Samaritains, ce sont des Juifs souvent métissés, qu’on regardait comme des étrangers. Depuis 700 ans ils s’étaient séparés des autres Juifs, ils ne priaient plus au Temple de Jérusalem mais dans leur propre temple à Samarie. On ne leur adressait pas la parole, on les méprisait, on les regardait comme des bâtards et des hérétiques. Jésus est heureux de souligner le geste de ce Samaritain « Il ne s’est trouvé que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre grâces à Dieu ? Où sont les neuf autres ?« Il ne rate jamais une occasion de remettre en place les Juifs qui se prennent pour un peuple supérieur. Parce que Yahvé a fait alliance avec leur ancêtre Abraham, ils en concluent un peu vite qu’ils sont, eux et eux seuls, le peuple de Dieu, et que le salut leur est réservé, à eux et eux seuls, tandis que les autres nations, des païens de race inférieure, en sont exclus . Toutes les fois qu’il le peut, le Christ souligne la foi des étrangers et des païens, que ce soit un centurion romain, une femme syrophénicienne ou cananéenne. Petit à petit il fait ainsi pénétrer dans l’ esprit de ceux qui l’écoutent, l’idée que la volonté de Dieu c’est que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.« (1Tim.2,4) afin qu’il n’y ait plus « qu’un seul pasteur et un seul troupeau.« (Jean 10,16)
Devant tout le monde, il conclut en disant au Samaritain prosterné : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé.« Sous entendu : Vous voyez ce Samaritain que tout le monde méprise ? vous voyez sa foi ? Dieu l’a éclairé et il a reconnu son Messie. Vous l’avez entendu glorifier Dieu à pleine voix ? Eh bien il est entré dans le monde des sauvés maintenant. Ce Samaritain, en effet, n’est pas seulement guéri de sa lèpre, il n’a pas obtenu seulement la guérison de son corps comme ses neuf autres compagnons, mais en plus, il a trouvé Dieu. Il a reconnu en Jésus le Messie, envoyé du Père. Nous autres en Europe, actuellement, nous sommes délivrés de la lèpre qui a complètement disparu je crois, mais avons-nous trouvé Dieu, avons nous trouvé le salut ?
Qu’est-ce que c’est être sauvé ? Quelqu’un qui est sauvé, c’est quelqu’un qui croit que Dieu est un Père qui l’aime et qui veut son bonheur, qu’Il lui a donné la vie, qu’ il l’a placé sur la terre à un endroit donné pour faire quelque chose de précis, et qu’après sa mort, il sera réuni à Dieu avec tous les autres sauvés, dans une vie autre, nouvelle, qui n’aura pas de fin. Il s’efforce donc de vivre chaque jour en accord avec la volonté de ce Dieu là. Etre sauvé, c’est avoir trouvé Dieu qui donne sens à sa vie. Tant qu’on ne l’a pas découvert, on marche à côté de sa vie. On rate sa vie, on végète dans un univers étriqué, coincé dans le train train quotidien et les nécessités immédiates. On fait les choses les unes après les autres, au coup par coup, sans savoir où on va. J’aime ce verset du ps. 118 qui dit « Fais moi comprendre et je vivrai ». Comprendre la parole de Dieu, la Loi de Dieu, la volonté de Dieu, cela ne donne pas seulement un savoir pour l’intelligence qu’on rangerait dans sa tête entre le théorème de Thalès et les règles d’accord du participe passé ; le psaume ne dit pas: Fais moi comprendre et je saurai, mais fais moi comprendre et jevivrai.Laparole de Dieu donne plus qu’un savoir, c’est une parole de vie, une parole à vivre.Comprendre la parole de Dieu, sa Loi, sa volonté, cela donne sens à notre vie, cela nous donne de vivre et de vivre à plein, parce que nous sommes alors en communion avec celui qui est « la Voie, la Vérité, la Vie » (Jean14,6 )
Aujourd’hui, nous autres, est-ce que nous sommes des sauvés ou est-ce que nous sommes des paumés ? Comme tous ces braves gens qui nous entourent, qui n’ont toujours pas découvert le mode d’emploi de leur vie, je veux dire l’évangile, et qui vont, le nez sur l’écran de leur portable, pressés de répondre aux exigences immédiates du quotidien, sans trop savoir où cela les mène. Nous autres, chrétiens, même si nous sommes déjà dans le camp des sauvés parce que, par grâce, nous avons un peu compris un peu quelque chose du sens de notre vie, ne nous faisons pas d’illusions, il nous reste encore beaucoup à comprendre de la parole de Dieu pour vivre à plein et accomplir pleinement notre destinée. Cherchons toujours à comprendre un peu plus, c’est urgent, afin de vivre chaque jour un peu mieux, et afin de pouvoir aider les autres, ceux qui autour de nous n’ont pas encore trouvé la voie, la vérité, la vie. Parce que malgré nos maladresses et nos insuffisances, nous avons tout de même quelque chose à apporter aux plus désemparés. Dans ce mois d’Octobre qui est le mois des missions, plus encore que d’habitude, ayons le souci des plus pauvres que nous. Prions pour eux, bien sûr mais surtout que notre façon de vivre, à nous, chrétiens, puisse leur apporter un peu d ‘aide. Encore une fois, ce n’est pas que nous soyons tellement supérieurs, pas du tout. Mais il paraît qu’au royaume des aveugles, les borgnes sont rois !!!
Que retenir de tout cela ?
D’après la Loi, un lépreux guéri devait aller se montrer aux prêtres qui authentifiaient sa guérison et le réintégraient dans la société. Les dix lépreux donnent le témoignage d’une foi peu ordinaire en partant se montrer aux prêtres alors qu’ils ne sont pas encore guéris. Pourtant neuf d’entre eux ratent le meilleur. Il sont guéris mais ils ratent l’occasion de trouver Dieu alors que leur guérison leur donnait l’occasion de prendre Dieu en flagrant délit, en train d’agir dans leur vie. Seul le dixième a saisi l’occasion. Non seulement il est guéri de sa lèpre, mais en plus, il a trouvé Dieu.
Et nous aujourd’hui ? Comme les dix lépreux nous avons une certaine foi. Mais est-ce que nous allons jusqu’à trouver Dieu dans le quotidien de nos vies ? Ce n’est pourtant pas compliqué. Il suffit de repérer ce qui se dit ou se fait de bien soit à travers nous, soit à travers les autres. Dieu est là en train d’agir. Parce qu’il n’y a qu’une source de bien dans le monde, c’est lui. Par conséquent chaque fois que, quelque part dans le monde, quelqu’un dit ou fait quelque chose de bien, Dieu est là, présent,en train d’agir.
Enfin, cet évangile nous invite à n’exclure personne, comme le Christ qui est ouvert et accueille tout le monde, même les Samaritains et les païens. Ceux qui ne pensent pas comme nous et que, si souvent, nous tenons à distance : les étrangers, les SDF, le Christ est mort pour eux comme il est mort pour nous. Les voleurs et les assassins, nous les excluons de notre monde. Mais n’oublions pas : le premier homme dont nous sommes sûrs qu’il soit entré au paradis, c’est un gangster, le bon larron.