30° Dimanche du temps ordinaire – année C – Luc 18,9-14
« Le publicain redescendit dans sa maison ; c’est lui qui était devenu juste, plutôt que le pharisien »
A travers la parabole du Pharisien et du Publicain, le Seigneur fait ici l’éloge de l’humilité. Qu’est-ce que c’est vraiment un Pharisien ou un publicain ? Et qu’est-ce qu’il faut entendre par humilité ?
Un pharisien, c’est un croyant plutôt fervent qui observe minutieusement les préceptes de la Loi, les ablutions rituelles avant les repas, le repos du sabbat, il pratique les jeûnes d’obligation, paye la dîme et bien sûr, fait toutes les prières prescrites. Tout cela est très bien. Malheureusement trop souvent leur orgueil gâche tout. Ils font leurs bonnes oeuvres et leurs prières pour être vus et admirés. Ils se croient justes et méprisent les autres. Toutefois un certain nombre de pharisiens demeurent d’honnêtes croyants. Tels Nicodème, ils s’intéressent à la prédication de Jésus, l’invitent à leur table et n’hésitent pas à prendre sa défense. Un jour, nous rapporte St Luc, ils s’approchèrent de lui et lui dirent Va-t-en, pars d’ici, car Hérode cherche à te faire mourir. (Luc 13,31). Mais comme le peuple touché par la profondeur de l’enseignement de Jésus et l’éclat de ses miracles, accorde à Jésus de plus en plus d’autorité et de prestige, la majorité des pharisiens voient en Jésus un rival et un ennemi à abattre. Faisant cause commune avec les prêtres et les docteurs de la Loi, ils cherchent par tous les moyens à le faire périr.
Un publicain, c’est un fonctionnaire qui perçoit les impôts pour le gouvernement romain. Les publicains sont généralement méprisés. On les considère comme des collaborateurs au service des colonisateurs romains et des voleurs qui détournent l’argent de l’ état pour le mettre dans leurs poches.
Dans sa prière, le pharisien se glorifie d’être un juste, supérieur aux autres. Il rend grâces à Dieu parce qu’il n’est pas comme tant d’autres qui sont voleurs, injustes, adultères ou encore comme ce publicain qui est un fonctionnaire corrompu. Il rend grâce aussi parce qu’il jeûne deux fois par semaine et donne en autmônes le dixième de tout ce qu’il gagne. Tout cela est sûrement vrai. Il n’y a là probablement aucun mensonge ni aucune exagération. Pourtant Jésus n’approuve pas la prière du pharisien. Pourquoi ? Parce que sa prière est centrée sur lui et sur sa propre glorification, il ne se remet pas en face de Dieu mais se compare aux autres qu’il méprise, il s’estime être un juste irréprochable, il ne fait aucune mention de ses défauts de ses manques ou de ses fautes. Il ne parle que de ce qu’il fait de bien, le pire étant qu’il ne reconnaît même pas que toutes ses qualités, ses talents sont des dons de Dieu, source de tout bien, soit qu’il les lui ait donnés directement, par grâce, soit qu’il les lui ait donnés par l’intermédiaire de l’éducation et de la formation reçues de ses parents, de ses maîtres, de ses amis, ou des croyants qu’il a mis sur son chemin. St Paul dira plus tard : »Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? Et si vous l’avez reçu, de quoi vous glorifiez vous, comme si vous ne l’aviez pas reçu ? »(1 Cor.4,7 )Pour beaucoup de Pharisiens, le culte, la religion, ce ne sont pas des moyens de servir Dieu, mais des moyens de se servir de Dieu pour leur propre gloire. Ils en arrivent à croire qu’ils ont des droits sur Dieu en raison de leurs pratiques. Jésus les critique souvent avec sévérité.
Dans sa prière, le publicain lui, fait tout le contraire de ce que fait le pharisien.Il ne parle pas de ses talents ni de ses qualités comme le pharisien, Il ne se compare pas aux autres pour les mépriser et s’estimer supérieur, comme le pharisien, mais il se remet en face de Dieu et d’emblée se reconnaît pécheur « Il se frappe la poitrine en disant : mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis »Le Seigneur fait l’éloge de sa prière. Il le félicite. Pourquoi ?Parce que le publicain se présente tel qu’il est, en vérité, avec réalisme : un pécheur et il demande au Seigneur de l’aider à s’en sortir. Cela ne pouvait pas tomber mieux , parce que justement chaque fois que quelqu’un se reconnaît pécheur devant lui, le Seigneur tout heureux ne peut pas s’empêcher de le relever et de le faire rebondir. La meilleure illustration en est ce qui arrive à Pierre après la pêche miraculeuse. Pierre et ses compagnons avaient péché toute la nuit, moment favorable pour attraper le poisson qui remonte vers la surface et se prend dans les mailles des filets, tendus en rideau depuis la surface. Arrive Jésus qui leur demande de jeter leurs filets. C’est idiot parce qu’au matin les poissons s’enfoncent dans les profondeurs, et on n’a aucune chance de prendre quoi que ce soit. Pierre, sans trop y croire, jette quand même les filets. Et contre toute attente, il fait une pêche extraordinaire. Il se jette alors aux pieds de Jésus Seigneur éloigne toi de moi car je suis un pécheur. Réaction de Jésus Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu auras à pécher. (Luc 5,1-11 ) Autrement dit : St Pierre va à confesse « je suis un pécheur ». Réaction de Jésus : « Oui d’accord, c’est vrai. Eh bien comme pénitence tu seras pape ! » Devant Dieu, celui qui s’abaisse est élevé.
Avec la prière du publicain ou la réaction de Pierre après le pêche miraculeuse, nous sommes en pleine humilité. Pourquoi ? Le publicain et St Pierre se jugent avec réalisme. Ils se reconnaissent pécheurs. Devant Dieu tout homme est pécheur. C’est la réalité. L’humilité, c’est voir les choses avec réalisme. Le mot humilité vient du latin humus, la terre. Quelqu’un qui est humble c’est quelqu’un qui est réaliste, qui a le pieds par terre. II ne se vante pas, il n’enjolive pas les faits, mais il ne noircit pas la situation non plus, il regarde les choses telles qu’elles sont. Car contrairement à ce qu’on pense souvent, mais à tort, l’humilité ne consiste pas à se rabaisser. St Paul l’explique bien dans l’épître aux Romains : « Ne vous surestimez pas plus qu’il ne faut, mais gardez de vous une sage estime, à la mesure de la foi que Dieu vous a départi » (Rom.12,3) Notre Dame, dans son Magnificat, nous donne une parfaite illustration de l’humilité. Se remettant devant Dieu, elle parle de « la bassesse de sa servante » Je ne suis rien du tout, une petite jeune fille de la campagne, mais elle ajoute :« désormais toutes les générations me diront bienheureuse » autrement dit « désormais je suis au-dessus de tout le monde »mais elle précise bien : ce n’est pas de ma faute, je ne l’ai pas fait exprès, c’est parce que le Puissant a fait pour moi des merveilles. (Luc 1,47…)
Que retenir de tout cela ?
L’humilité, c’est une attitude par laquelle nous nous présentons devant le Seigneur, en vérité, avec réalisme, sans nous surestimer ou nous sous estimer, nous reconnaissant pécheurs, sans être catastrophés pour autant. L’évangile d’aujourd’hui nous le montre : l’humilité nous met dans la situation idéale pour que le Seigneur nous vienne en aide. En effet, Il est venu pas pour les justes, mais pour les pécheurs, pour les relever, les relancer Chaque fois qu’il tombait sur des gens qui se rendaient compte qu’ils n’arrivaient pas à être comme ils voulaient, parce qu’ils étaient pleins de défauts, orgueilleux, égoïstes,… mais qui voulaient s’en sortir, c’était sa joie de les relancer. Il leur disait : « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau et je vous soulagerai » (Mt.11,28 ) Par conséquent, lorsque nous sommes au bord du découragement, parce que nous voyons que nous ne sommes décidément pas à la hauteur, « je n’arrive pas à aimer ma femme, mon mari, comme je le voudrais, je ne sais pas élever mes enfants comme je voudrais », ne nous laissons pas abattre, nous sommes dans la situation idéale pour que le Seigneur prenne la relève Déjà il nous l’avait dit par Isaïe « Le ciel est mon trône et la terre mon marchepied…mais celui sur qui je jette les yeux c’est le pauvre et le coeur contrit » (Isaïe 66,1)Et St Paul disait :moi, quand je suis faible, c’est alors que je suis fort (2Cor. 12,10 ) parce qu’il y a Celui dont la puissance agissant en nous peut faire bien plus, infiniment plus que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer. (Eph.3,20 )