31° Dimanche du temps ordinaire – année C – Luc 19,1-10
« Le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Jésus accompagné de ses disciples est en route vers Jérusalem. Il leur a expliqué que c’est là que doit s’accomplir tout ce que les prophètes ont annoncé au sujet du Fils de l’homme(Luc 18,31). Comme ils n’avaient pas l’air de comprendre, ne fois encore il leur a expliqué qu’il aurait à souffrir sa Passion, qu’il serait mis à mort mais qu’il ressusciterait le troisième jour. Mais, nous rapporte St Luc, ils ne savaient pas ce que Jésus voulait dire. (Luc 18,34) En attendant ils poursuivent leur chemin, accompagnés d’une foule de gens qui se pressaient autour de Jésus. Et voilà que juste avant d’arriver à Jéricho, il guérit un aveugle qui mendiait au bord du chemin et St Luc commente : Tout le peuple v,oyant cela, fit monter à Dieu sa louange (Luc 18,43) Jésus entre donc dans Jéricho accompagné d’une foule enthousiaste. Il remarque alors un homme grimpé dans un arbre. C’est Zachée, un chef des collecteurs d’impôts. Il collectait les impôts pour les colonisateurs romains. Les collecteurs d’impôts étaient mal vus. On leur reprochait d’être des traîtres à la patrie, de détourner à leur profit l’argent de l’état et de plus, comme ils côtoyaient tous les jours des romains, donc des païens, ils encouraient une impureté légale. Universellement méprisés, les collecteurs d’impôts étaient considérés comme des pécheurs publics, d’où leur surnom de publicains. Ils étaient exclus de la société des croyants et des gens honnêtes.
Comment se fait-il que Zachée cherchait à voir Jésus ? Il avait certainement entendu parler de lui, de ses miracles et de son enseignement. Mais, de plus, il avait une raison spéciale de s’intéresser à Jésus, c’est ce qu’on est en droit d’appeler son « anticléricalisme ». Le Christ en effet critiquait ouvertement et remettait sèchement en place, les scribes, les prêtres, les lévites, les docteurs de la Loi, et les Pharisiens, tous ces bien pensants qui justement étaient les plus acharnés à exclure des gens comme Zachée. Ce dernier voulait donc absolument voir à quoi ressemblait ce Jésus qui s’attaquait à ses détracteurs. Comme il était de petite taille, il n’a pas hésité à grimper dans un arbre pour arriver à bien voir Jésus qu’on avait de la peine à apercevoir au milieu de la foule qui le serrait de près. C’est tout de même cocasse : un haut fonctionnaire grimpé dans les branches d’un arbre pour regarder passer la procession ! Et voilà que Jésus levant les yeux l’interpelle : Zachée, descends vite, aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie. Il n’aurait jamais imaginé une chose pareille : Jésus, cet homme de Dieu que certains regardaient comme le Messie en personne qui s’invite chez lui, lui qui était regardé comme un exclu, absolument infréquentable. On comprend l’indignation de tous les assistants, profondément choqués. Imaginez le pape en visite à Lille qui irait prendre son repas chez le tenancier d’une boîte de nuit au lieu d’aller dîner à l’archevêché !
Mais pourquoi donc Jésus s’intéresse-t-Il à Zachée que tout le monde regarde comme quelqu’un de peu recommandable ? Nous avons du mal à admettre que Jésus n’est pas venu pour les justes mais pour les pécheurs et qu’il y a plus de joie dans les cieux pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion (Luc 13,7) Comment le Christ regarde-t-il Zachée ? Il sait très bien qu’il est ce qu’il est, mais il sait aussi qu’il reste en lui un petit rien de bon grain au milieu de l’ivraie Et cela suffit pour qu’il se tourne vers lui, le relève, le sorte du mal et du péché dans lesquels il patauge, pour le replacer sur un terrain ferme où il pourra se développer et s’épanouir. Tandis que nous, c’est le contraire. Il suffit qu’il y ait un petit rien d’ivraie au milieu de beaucoup de bon grain chez quelqu’un, pour que nous nous détournions de lui, dégoûtés. Pour apprécier le comportement de Jésus envers Zachée, nous pouvons reprendre, goûter et méditer ce passage de la première lecture que nous avons entendu tout à l’heure : « Tu a pitié de tous les hommes parce que tu peux tout. Tu fermes les yeux sur les péchés des hommes pour qu’ils se repentent. Oui, Tu aimes tous les êtres et n’as de mépris pour rien de ce que tu as fait; car si Tu avais haï quelque chose, Tu l‘aurais pas formée etcomment une chose subsisterait elle si Tu ne l’y avais appelée ! Mais Tu épargnes tout parce que tout est à toi, Maître, ami de la vie » (Sagesse 11, 13-16).
Zachée est retourné par ce qui lui arrive. Il est submergé par une joie profonde en voyant que jésus ne le condamne pas, ne le rejette pas. Malgré tout le mal qu’il a pu faire, le Christ l’aime encore au point de s’inviter à sa table et de s’afficher avec lui devant tout le monde. Zachée réalise qu’il est pardonné, réintégré, qu’il n’est plus exclu, rejeté du mauvais côté de la vie; Jésus l’a remis au monde, du bon côté de la vie. Alors lui qui était trop attaché à l’argent et qui n’avait pas toujours été honnête, décide de se convertir, de changer de vie. Voici Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus.
L’histoire de Zachée, c’est aussi la nôtre. Jésus s’intéresse à nous, alors qu’il sait très bien qui nous sommes et ce que nous sommes. Il n’est pas dégoûté ce nous. Il voit bien que chez nous, comme chez Zachée, il y a pas mal d’ivraie, mais il voit aussi le petit rien de bon grain qu’il a semé en nous et que nous ne sommes pas parvenus à étouffer. Et à chacun de nous il dit aussi Vite, aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi. Eh bien, comme Zachée, descendons vite de notre arbre, de nos abris, de nos routines, pour rencontrer le Seigneur qui vient nous relancer dans une vie renouvelée.
Que retenir de tout cela ?
D’abord l’esprit d’initiative et la débrouillardise de Zachée. Décidé à voir Jésus, il va jusqu’à grimper dans un arbre comme un gamin espiègle, sans craindre le qu’en dira-t-on. S’il était resté dans son bureau, il ne se serait rien passé.
Mais ce qu’il faut retenir de cet évangile avant tout, c’est l’extrême patience et l’extrême bienveillance de Jésus envers nous. Jamais découragé de nos médiocrités, il suffit qu’il reste au fond de nous un tout petit rien de bon grain , même perdu au milieu de beaucoup d’ivraie, pour qu’il se penche sur nous et nous relève. Alors que nous, au contraire, il suffit qu’il y ait chez quelqu’un un tout petit rien d’ivraie, même au milieu de beaucoup de bon grain, pour que nous nous détournions, écoeurés.
Enfin, cet évangile nous montre comment le Seigneur, dans sa miséricorde et son pardon ne se contente pas d’effacer les fautes mais transforme le coeur du pécheur, le refait à neuf, comme l’explique St Paul aux Ephésiens Il fait de nous des êtres nouveaux en Jésus Christ en vue des oeuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance pour que nous les accomplissions. (Eph. 2,10)a