8e dimanche T.O. année C Quo 27,4-7, 1Co 15,54-58; Lc 6,39-45
(Jésus n’a rien d’un intellectuel jonglant avec les idées. Ses propos ne s’appuient pas sur des idées abstraites enchaînées les unes aux autres par des arguments logiques conduisant à des conclusions inéluctables. Il aime convaincre son auditoire par des images concrètes, des comparaisons simples, des paraboles parlantes. Il est plus proche des fables de La Fontaine que du discours de la Méthode de Descartes.)
Qui étaient ces disciples qui l’entouraient ce jour-là ? Il y avait un peu de tout. Certains étaient là pour la première fois, d’autres le suivaient depuis un certain temps déjà, et puis il y avait les douze apôtres qu’il venait de choisir. Tout ce monde là ne se prenait pas pour n’importe qui. Même les derniers arrivés estimaient qu’ils étaient un peu supérieurs à tous ceux qui ne prêtaient pas attention à Jésus. Ils éprouvaient une certaine fierté de se sentir attirés par le spirituel et se considéraient déjà comme les disciples d’un Maître. Les douze eux, pensaient même avoir trouvé le Messie et s’être mis définitivement à sa suite. Pierre le dira haut et fort quelques jours plus tard, répondant à une question de Jésus : Pour nous, tu es le Messie, le fils du Dieu vivant. (Mt.16,16)
Sans rien brusquer, doucement, mais fermement, le Seigneur va remettre tout le monde en place. Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? En, d’autres termes : vous ne voyez pas si clair que vous le pensez, vous êtes encore des débutants. La vie d’un croyant, c’est un long processus de perfectionnement. Il s’agit de se former au long d’une démarche de conversion continue, jamais achevée. C’est seulement une fois bien formé que le disciple sera comme son maître et portera de bons fruits. Il sera alors capable de corriger et de guider les autres sur le chemin de la vérité.
Surtout si nous sommes chrétiens depuis l’enfance, nous pouvons être tentés, nous aussi, de croire que nous ne sommes pas n’importe qui. Et c’est vrai que nous ne sommes pas comme tant de personnes autour de nous, des braves gens, honnêtes, qui ne font de tort à personne et s’efforcent d’élever leurs enfants du mieux qu’ils peuvent mais pour qui Dieu et la religion n’existent pas. Leur horizon ne dépasse guère les vacances de l’année prochaine. Ils vivent parfaitement à l’aise dans un univers étriqué avec une grande surface pas trop loin pour y faire leurs couses et la télé en couleurs dans la salle de séjour. C’est vrai, nous sommes des privilégiés. Depuis la petite enfance nous avons entendu parler de Dieu et nous essayons de le prier régulièrement. Peut-être même connaissons nous un peu la Bible. Peut- être avons-nous nos psaumes ou nos auteurs préférés parmi les prophètes ou les livres de la Sagesse. En tous cas l’évangile, nous le connaissons, nous l’entendons commenter tous les dimanches à la messe et parfois même il nous arrive de le méditer.
Mais la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu est toujours incomplète et insuffisante Elle est aussi unique, spéciale et profondément différente de nos autres connaissances. D’abord parce que nous ne pouvons pas l’acquérir comme nos autres connaissances à force d’études ou de raisonnements. Notre intelligence, à elle seule, est trop courte pour atteindre Dieu. O Toi, l’au-delà de tout…disait St Gregoire de NazianceTu dépasses toute intelligence…Tu es indicible car tout ce qui se dit est sorti de toi…Tu es inconnaissable car tout ce qui se pense est sorti de toi.. Si nous arrivons à connaître Dieu, c’est parce qu’il s’approche et vient éclairer notre recherche. Mais attention ! Si notre recherche à elle seule ne peut nous permettre de de rejoindre Dieu, elle est cependant absolument indispensable. Cherchez et vous trouverez nous dit le Christ dans l’évangile (Mt.7,7.) ce qui veut dire aussi que celui qui ne cherche pas ne trouve pas. Donc, si nous arrivons à connaître Dieu, c’est parce qu’il s’approche de nous et vient éclairer une recherche
active de notre part. Il se laisse connaître, comme il le dit en Jérémie : Je me laisserai trouver par vous (Jer.29,14) Vous me trouverez pour m’avoir cherché de tout votre cœur (Jer.29,13)
D’autre part notre connaissance de Dieu est spéciale aussi en ce qu’elle n’est pas un savoir pour l’intelligence seulement comme nos autres connaissances, elle ne nous donne pas seulement des idées sur lui ou un savoir à propos de lui mais elle change notre cœur et notre manière de vivre. Savoir que Tokyo est la capitale du Japon, ou connaitre les techniques du ciment ne bouleversent pas notre vie tandis que connaître la vie du Christ entraîne une conversion et un changement dans notre manière de vivre.
Et enfin, cette conversion et ce changement dans notre manière de vivre visent à établir une communion de tout notre être avec le Seigneur, ils ne visent pas l’un ou l’autre point de notre conduite. En définitive, Connaître Dieu, c’est co-naître avec Lui. Quand je commence à connaître Dieu, je redémarre dans ma vie autrement, avec Lui. !
Et au fur et à mesure que se développe cette communion avec le Seigneur, notre connaissance de Dieu s’approfondit. Mais de même que notre communion avec Dieu n’est jamais parfaite, de même la connaissance que nous pouvons avoir de lui n’est jamais achevée. Nous sommes toujours en formation, en formation permanente et continue, nous ne pouvons donc jamais nous ériger en donneurs de leçons. Nous pouvons seulement partager nos pauvretés. Celui qui en sait un peu plus ou qui a une meilleure expérience partage ce qu’il a reçu avec les autres, et tous nous nous efforçons de rester constamment attentifs à l’action du Seigneur qui ne cesse de nous enseigner, comme le disait St Paul aux Corinthiens : Nous tous qui réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image toujours plus glorieuse, comme il convient à l’action du Seigneur qui est Esprit. (2Cor.3,18)
Voyant comment le Seigneur dans son amour et sa miséricorde a un tel souci de nous, qui sommes des pécheurs, des gens qui ne valent pas grand-chose, voyant comment, jour près jour, il ne cesse de s’approcher de nous pour nous instruire et nous mettre en communion avec lui, nous ne pouvons que rendre grâces. On n’a jamais vu un Dieu pareil ! Je ne cesserai pas de vous faire du bien….je trouverai ma joie à vous faire du bien, confiait-il à Jérémie, il y a 2.600 ans environ, et depuis, il n’a pas changé d’avis.
Que retenir de tout cela ?
En tant que disciples du Christ nous sommes toujours en formation et cette formation n’est jamais achevée. Chaque jour le Seigneur nous fait découvrir du nouveau. Et il nous reste toujours beaucoup à apprendre. C’est pourquoi nous ne pouvons jamais nous ériger en donneurs de leçons. Il s’approche et se fait connaître. Son but n’est pas seulement de nous communiquer un savoir le concernant, mis de nous mettre en pleine communion avec lui. Ouvrons nos oreilles et surtout nos cœurs pour entendre sa Parole qui n’est pas une parole à comprendre avec sa tête seulement, mais aussi avec le cœur car c’est une Parole de Vie, une parole à vivre. Et partageons avec les autres ce que nous avons reçu.
Connaître Dieu c’est « co-naître » avec lui. Quand nous commençons à connaître Dieu, nous redémarrons autrement notre vie, avec lui. Alors que nous ne valons pas grand-chose, que nous sommes des pécheurs pollués par l’orgueil et l’égoïsme, le Seigneur, pas dégoûté, persiste à vouloir nous mettre en communion avec lui : Voici que je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. (Apoc.3,20) Allons-nous laisser notre porte fermée ?