Dimanche 2 Juin 2024

Le Saint Sacrement, ou sacrement de l’Eucharistie, c’est le sacrement du corps du Christ qui se donne en nourriture. Pourquoi appeler ce sacrement : Saint ? Tous les sacrements sont saints. C’est que ce sacrement est spécial, en ce sens qu’il ne donne pas une grâce particulière, comme le sacrement de pénitence par exemple qui procure le pardon des péchés, il nous met en communion avec le Christ lui-même en personne. Le Saint Sacrement est spécial également en ce sens qu’il ne s’adresse pas à certaines personnes au moment où elles s’engagent dans un état de vie de vie, comme l’ordre ou le mariage il est destiné à tous les chrétiens, quels que soient leur état et leur situation présente. De plus, le Christ insiste beaucoup sur la nécessité absolue de recevoir ce sacrement : Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous (Jean 6,53 ) parce que Je suis le pain de vie (Jean 6,48) et Le pain que je donne, c’est ma chair pour que le monde ait la vie (Jean 6,51)

Mais, est-ce que ce n’est pas le baptême qui nous donne la vie de Dieu ? Tout-à-fait. Cependant, de même qu’après sa naissance le nouveau-né a besoin de se nourrir pour développer sa vie naturelle, humaine, de même le baptisé après son baptême, a besoin du pain de vie pour nourrir la vie divine en lui. D’autant plus que le baptême n’est pas un bain dans lequel nous serions dissous en Dieu. Après avoir reçu le baptême, nous demeurons des personnes libres et donc exposées à toutes les tentations qui risquent d’affaiblir et de mettre en danger la vie divine que nous venons de recevoir. Nous avons donc absolument besoin d’une nourriture qui alimente et fortifie cette vie nouvelle donnée par le baptême. C’est pourquoi le Christ veut nous donner son corps en nourriture.

 Mais quand il nous dit : il faut vous nourrir de mon corps pour avoir la vie en vous, de quel corps s’agit-il ? St Luc, qui nous donne également le récit de l’institution de l’Eucharistie, le précise, il s’agit de mon corps livré pour vous. (Luc 22,19) Quand nous recevons la communion, ce n’est pas le corps de Jésus enfant à Nazareth, ni le corps de Jésus annonçant l’évangile que nous recevons, mais le corps de Jésus donnant sa vie pour nous. Ce qui veut dire que la vie que le Christ nous communique et qui fait de nous des chrétiens est une vie qui se donne pour les autres. Autrement dit, je ne suis pas chrétien si je ne donne pas ma vie pour les autres. Je peux être chrétien que je dise mon chapelet ou non, que je porte ma médaille de baptême autour du cou ou non, mais je ne peux pas être chrétien si je ne donne pas ma vie pour les autres. St Jean conclut, péremptoire : Jésus a donné sa vie pour nous, nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères. (1Jean 3,16)

Donner sa vie pour les autres, comme le Christ, pas une fois de temps en temps, mais tous les jours, cela ne va pas être facile, c’est même tout-à-fait impossible, Il faut que nous recevions le sacrement de l’Eucharistie pour en devenir capables. Le Christ le dit clairement : Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous. (Jean 6,53 ) Mais si nous recevons la communion, le-Christ-qui-donne-sa-vie pénètre en nous et  nous rend alors capables de donner nous aussi notre vie pour les autres.

Donner sa vie pour les autres… cela peut paraître un programme terriblement exigeant. Mais ne dramatisons pas. En fait, cela ne demande pas nécessairement d’être héroïque du matin au soir. Se donner pour les autres, cela se vit déjà dans le simple service des autres de tous les jours. Or dans toutes nos activités, dans toutes les professions, il y a déjà un aspect de service des autres. Un agriculteur qui cultive du blé ou des pommes de terre contribue à nourrir la population, un commerçant dépanne les gens de son quartier qui n’ont pas à courir plus loin faire leurs courses, un médecin soigne les malades, un enseignant dans son école, un policier dans son commissariat, un conseiller municipal ou un employé de mairie, un pharmacien ou un conducteur de bus scolaire, tous, d’une manière ou d’une autre sont au service des autres. Il n’y a pas un seul père de famille qui travaille uniquement pour lui. C’est pour les siens et pour d’autres encore autour de lui, qu’il s’échine au travail. Et que dire d’une femme au foyer ! Tout ce qu’elle fait, du matin au soir, tous ses gestes, ce n’est pas pour elle, mais pour sa famille, son mari, ses enfants. Ce n’est pas du don de soi pour les autres, ça ?  Rappelons-nous ce que dit le Christ Ce que vous aurez fait pour le plus petit d’entre les miens, c’est pour moi que vous l’aurez fait. (Mt.25,40)

Seulement, bêtement, nous sommes incapables de voir le don de soi pour les autres qu’il y a dans ce que nous faisons de manière banale tous les jours, nous ne voyons pas la valeur devant Dieu de nos travaux, le pire c’est que nous en arrivons à penser que le travail, c’est du profane, du matériel qui nous empêche de mener une vie qui soit vraiment chrétienne. C’est pour ça qu’on ne voit jamais une représentation de Notre Dame en train de faire la lessive, de balayer sa maison ou de faire la cuisine. Nous avons, ancrée en nous, cette idée fausse que la vie chrétienne, c’est les prières. Alors que dans l’évangile, le Christ se moque des païens qui font de longues prières et nous met sérieusement en garde contre une mauvaise compréhension de la prière : Il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur pour entrer dans le royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. (Mt.7,41) La prière n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’entrer en communion avec Dieu pour ensuite faire sa volonté. Une prière qui ne débouche pas sur une action est une prière avortée. Nous sommes là à la messe, très bien. Et alors ? Les chaises aussi. Elles sont là à toutes les messes. Elles n’en ratent aucune. Ce qui compte, c’est qu’à travers la liturgie de la parole, nous tirions un enseignement qui transforme notre cœur et que, de la communion, nous tirions la force de vivre et d’agir davantage selon la volonté du Père. A la messe nous sommes là pour faire le plein pour la semaine. Comme des voitures à une station essence.

 Indispensable de faire le plein. Mais ce n’est pas une fin en soi. On fait le plein pour rouler ensuite. Indispensable de prier. Indispensable de recevoir la communion. Mais ce n’est pas une fin en soi. On prie, on communie, pour se brancher sur Dieu et acquérir ainsi la force de vivre et d’agir selon sa volonté.

Que retenir de tout cela ?

Le Saint Sacrement, c’est le sacrement du Christ qui donne sa vie pour nous. Quand nous recevons la communion, c’est le-Christ-qui donne-sa-vie que nous recevons. La vie que le Christ nous communique et qui fait de nous des chrétiens, est une vie qui se donne pour les autres. Autrement dit, la vie chrétienne, c’est donner sa vie pour les autres. Et nous ne pouvons y parvenir qu’en recevant la communion où le-Christ-qui-donne-sa-vie pénètre en nous et nous rend capables à notre tour de donner notre vie pour les autres. Mais donner sa vie pour les autres cela ne signifie pas qu’il faille s’imposer du matin au soir des sacrifices terriblement exigeants, héroïques et spectaculaires. Cela peut très bien se vivre dans la banalité des gestes que chacun accomplit tous les jours pour le service des autres.  

Chaque jour, quand je célèbre la messe, je suis fier d’offrir au Seigneur en même temps que le sacrifice du Christ tout ce qui se vit comme service des autres, comme dévouement, du matin au soir, chaque jour, dans vos familles, …et puis au-delà, partout, dans les écoles, les hôpitaux, les EPHADs…Tout ça n’est peut-être pas assez. Il faudrait faire mieux, c’est sûr.

 Saint Exupery parlant de quelques vieilles dames qui s’usaient les yeux à broder des chasubles d’or pour leur Dieu disait : elles allaient, ne le sachant pas, les mains pleines d’étoiles. Eh bien soyons honnêtes : dans notre monde, il n’y a pas que Gaza, l’Ukraine la misère de pays sous-développés et le trafic de drogues. Grâce à la puissance du Saint Sacrement vous allez, sans trop le savoir, vous aussi, et une foule de chrétiens  avec vous, les mains pleines d’étoiles. Il convient, surtout aujourd’hui, d’en rendre grâces à Dieu.