La parabole des talents fait partie d’un long discours de Jésus sur la fin des temps et répond à une question bien précise : que faire pour se préparer à cette échéance ? Tout se passe comme si le maître d’une propriété, parti en voyage après avoir confié ses biens à ses employés rentrait chez lui et demandait à ses employés de lui faire un rapport sur l’état de ses biens. En voyant qu’il remet un talent à un serviteur, deux talents à un autre, cinq à un troisième, avant de partir, nous pourrions penser qu’il leur remet un petit pécule leur permettant de vivre jusqu’à son retour, alors qu’en fait il s’agit de sommes très importantes : un talent représente l’équivalent de plus de quinze ans de salaire ! En réalité, cette parabole nous raconte l’histoire d’un homme qui confie tous ses biens à ses serviteurs et leur en confie la gestion.
Le Christ veut nous faire comprendre par-là que le créateur nous confie toute sa création, ce que relève le texte de la quatrième prière eucharistique de la messe Père très Saint, nous proclamons que tu es grand et que tu as créé toutes choses avec sagesse et par amour. Tu as fait l’homme à ton image et tu lui as confié l’univers, afin qu’en te servant, toi son créateur, il règne sur la création. Nous ne sommes pas les maîtres ni les propriétaires de ce monde dont nous pourrions faire n’importe quoi, n’importe comment, mais nous ne sommes pas non plus des esclaves ni de simples exécutants qui n’auraient pas leur mot à dire. Nous sommes les gérants d’un maître infiniment bon qui nous fait confiance pour gérer au mieux ses biens. Si nous avons un peu de bon sens, nous allons administrer cette fortune en reprenant les projets de ce maître si généreux D’ailleurs le texte de la messe Tu as confié l’univers à l’homme afin qu’en te servant, Toi son créateur, l’homme règne sur la création laisse entendre que si nous nous éloignons de l’esprit de service de Dieu, il va y avoir des problèmes. Et puis surtout la parabole des talents nous dit clairement que nous aurons à répondre un jour de notre gestion, comme les serviteurs, dans la parabole, à qui le maître, à son retour, demande des comptes.
Mais quels sont les projets de Dieu pour le monde ? C’est d’y établir un royaume où règnent la paix, la justice, la charité. Après deux mille ans de christianisme nous sommes encore loin du compte. Cependant des avancées ont été réalisées. Beaucoup d’états ont pris le relais des institutions chrétiennes qui autrefois étaient les seules à créer des hôpitaux, des hospices et des écoles Même si tous ne les mettent pas en pratique, beaucoup de chefs d’états, et de gouvernements prétendent promouvoir dans leurs pays des idéaux de paix et de justice d’inspiration chrétienne. Un peu partout, la Croix Rouge, des ONG, une foule d’institution privées, sans parler des lois sociales mises en place par les gouvernements viennent en aide aux enfants, aux personnes âgées, aux malades, aux sans-abris, exerçant une véritable charité laïque Ces jours derniers, tout près de nous, dans le Pas de Calais éprouvé par de graves inondations, plusieurs municipalités, débordées devant l’afflux des secours leur parvenant, ont dû lancer des appels à la population pour qu’elle cesse de proposer de l’aide aux sinistrés .. Tout cela est loin d’être suffisant. Même s’il n’en est pas aussi absent que nous le pensons quelquefois, on ne peut pas dire que l’esprit de l’évangile dirige le monde.
Or le Seigneur nous avait confié l’univers afin qu’en le servant, nous arrivions à régner sur la création. Comme nous nous sommes éloignés de cet esprit de service de Dieu, il y a bien des problèmes et au lieu de régner paisiblement sur la création, nous vivons dans une certaine anxiété. Nous essayons de la refouler en ne pensant qu’aux soucis immédiatsdu présent, mais dès que nous levons le nez de nos occupations immédiates elle ressurgit. Il n’y a pas une seule famille où on ne se demande : Dans quel monde nos enfants vont-ils vivre ? Trois gros sujets d’inquiétude nous préoccupent. Les guerres, en Ukraine, en Israël qui pourraient s’étendre et dégénérer en guerre
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mondiale, les idéologies expansionnistes de domination et un consumérisme débridé qui menace l’existence même de la planète. A l’origine de ces trois fléaux une seule cause : l’orgueil d’une humanité qui rejette la loi de Dieu pour suivre ses délires. Chaque fois que nous achetons quelque chose, toujours nous l’utilisons dans la pensée celui qui l’a fabriquée. Pourquoi est ce que nous n’utilisons pas le monde, la vie dans la pensé de celui qui les a fabriqués ? L’histoire de l’humanité nous montre pourtant que toutes les tentatives pour remplacer l’idéal évangélique par d’autres idéaux que l’on pensait meilleurs n’ont donné que toujours plus de violences, de ruines et de morts.
Rejetant la sagesse de Dieu seule source de la vie et malgré l’expérience des guerres dans les siècles passés avec leurs milliards victimes, et les ruines énormes qu’elles ont entraînées, des responsables politiques, il faudrait dire des irresponsables politiques poussés par un orgueil insensé, déclenchent encore de nouveaux conflits dans le but de dominer ou d’exterminer les pays voisins. Ces conflits qui demeurent locaux pour l’instant pourraient évoluer en guerre mondiale d’un instant à l’autre, ce qui nous angoisse, bien sûr.
Rejetant la sagesse de Dieu seule source de la vie, des gouvernants intoxiqués par des idéologies totalitaires plongent dans un esclavage bien pire que celui des siècles passés des millions d’hommes qui n’ont plus aucune liberté d’expression ni de pensée. Toute personne qui conteste est immédiatement emprisonnée, soumise à des lavages de cerveau, torturée ou exécutée. A l’école on n’enseigne plus l’histoire mais on impose comme réalité une propagande basée sur des idéologies expansionnistes dont personne n’est à l’abri.
Enfin rejetant la sagesse de Dieu qui met sa création à notre disposition pour que nous en profitions tous, nous nous abandonnons à un consumérisme égoïste. On cherche la rentabilité et le profit à tout prix, chacun cherchant son avantage personnel sans aucun souci du bien commun. Une compétitivité féroce s’installe partout : résultat : loin de régner sur la création nous devenons des esclaves soumis à des conditions de travail inhumaines qui menacent l’équilibre psychologique des personnes et des familles, tandis que les conflits d’intérêts et les grèves ruinent la paix sociale. La nature elle-même est attaquée : la pollution, les brulis et les incendies de forêts font d’énormes dégâts. Le réchauffement climatique amène des pics de chaleur et des inondations. Des espèces animales disparaissent. Et dans certaines régions du monde, la montée du niveau de la mer va faire disparaître des pays entiers comme le Bengladesh. Sans nous en rendre compte, inconscients, imprévoyants, nous sommes en train de « détruire notre maison commune » comme dit le pape François. Un ami me disait l’autre jour : tout cela me fait penser aux passagers du Titanic qui dansaient insouciants dans les salons du paquebot à quelques minutes du naufrage qui allait les engloutir.
Que retenir de tout cela ?
Nous sommes comme les serviteurs de la parabole à qui le maître a confié tous ses biens pour qu’ils les fassent fructifier et un jour il nous demandera de rendre compte de notre gestion. Il nous a confié l’univers pour accomplir une tâche immense : le transformer en un royaume où règnent la paix, la justice, la charité. Le pape François nous le rappelle dans son encyclique Laudato Si :Nous sommes appelés à être les instruments de Dieu le Père pour que notre planète soit ce qu’il a rêvé en la créant. (Laudato Si, N°53) Bien sûr, ce n’est pas à nous, habitants de Fournes d’aller rétablir la paix à Gaza ou en Ukraine, ce n’est pas cela que le Seigneur nous demande aujourd’hui. Mais l’évangile d’aujourd’hui nous le rappelle : nos familles, notre paroisse, notre commune, notre paroisse c’est à nous de faire qu’elles soient ce que le Père a rêvé en les créant.