4ème dimanche de Carême, de Laetare – Année A – Jn 9
« Il s’en alla et se lava ; quand il revint, il voyait. »
Du temps de Jésus, les Juifs pensaient qu’une maladie ou une infirmité était une punition divine pour un péché commis par celui qui en souffrait ou par ses parents. C’est pourquoi, à la vue de l’aveugle né, les apôtres demandent à Jésus qui a péché pour qu’il soit né aveugle. Personne n’a péché leur répond le Christ, il est né aveugle pour que se manifestent en lui les oeuvres de Dieu,c’est-à-dire pour qu’on voie, lorsque je vais lui rendre la vue, que je suis le Messie qui accomplit les oeuvres de Dieu et que je suis la lumière du monde. Là dessus, sans même attendre que l’aveugle le supplie de le guérir, le Seigneur,avec sa salive, fait de la boue dont il lui enduit les yeux et l’envoie se laver à la piscine de Siloé. Sans discuter, sans poser de questions, faisant confiance à Jésus, l’aveugle s’y rend et au retour, il voyait. Tout cela se passait un jour de sabbat.
Cette guérison n’est pas un simple geste de bonté ou un miracle parmi d’autres, c’est là un signe de la présence du Messie comme l’avait prophétisé Isaïe : quand il viendra: « les yeux des aveugles verront »(29,13) Mais l’opinion publique est divisée. Certains n’arrivent pas à y croire : cet homme n’est pas l’aveugle né qui serait guéri, mais quelqu’un qui lui ressemble, d’autres disent : c’est bien lui. Les pharisiens aussi sont divisés. Les uns pensent que Jésus est un impie puisqu’il opère des guérisons le jour du sabbat. Le autres disent qu’un pécheur ne pourrait pas accomplir des choses pareilles. Leur hostilité envers Jésus s’accroît. Ils refusent de croire au miracle et menacent d’exclure de la synagogue ceux qui y croiraient.
Pourquoi cette hostilité et ce refus de croire ? Pour deux raisons, d’abord la jalousie. Ils constatent que Jésus gagne toujours plus d’autorité et de prestige auprès de la foule impressionnée par la profondeur de son enseignement et par ses miracles. Avant qu’il ne commence à prêcher, c’est eux qui jouissaient de cette autorité et de ce prestige. Leur observation minutieuse de la Loi suscitait l’admiration et le respect de tous. La foule les considérait comme des maîtres. Aujourd’hui c’est Jésus que l’on considère comme un maître. Il est donc urgent pour eux de montrer à tous que l’enseignement qu’il donne aussi bien que ses agissements sont ceux d’un impie. Il a guéri l’aveugle un jour du sabbat, c’est là faire un travail. Or on ne doit pas travailler le jour du sabbat. Donc c’est un impie. La cause est entendue. En réalité le but des Pharisiens n’est pas de rétablir l’autorité de la Loi et le respect du sabbat, mais de déconsidérer Jésus en montrant qu’il est un impie et de restaurer leur prestige compromis par l’emprise croissante de Jésus sur le peuple.
D‘autre part les Pharisiens s’opposent à Jésus et refusent de croire en lui parce qu’il les bouscule. Il dérange l’univers paisible où ils évoluent, entourés de la considération de tous. Avec les prêtres et les docteurs de la Loi ils avaient bricolé l’Ecriture et la Tradition pour se fabriquer une interprétation de la religion à leur pointure, qui ne les dérange pas trop et leur assure la considération de tous. Ils ne peuvent pas accepter ce Jésus qui vient bouleverser leur tranquillité.
Nous autres aujourd’hui, nous avons bien des défauts, devant Dieu nous sommes tous des pécheurs, mais nous ne sommes tout de même pas tous, autant que nous sommes, des pharisiens. Cependant, est-ce que, parfois, nous ne sommes pas tentés, comme les Pharisiens, de rejeter le Christ parce qu’il nous dérange, parce que , comme les Pharisiens, nous voulons en faire à notre tête et diriger notre vie comme nous l’entendons, sans que personne ne vienne se mettre en travers ? Dostoïevski disait « O
Christ, Tu es venu pour nous gêner Le Christ dérange notre orgueil : nous ne sommes plus les maîtres, c’est sa parole qui devient l’inspiratrice de notre vie. Il dérange notre égoïsme : avec lui, il faut s’occuper des autres, alors que nous avons déjà tant à faire. Nous sommes tentés de le rejeter.
Car malgré les facilités et le confort que nous apporte les progrès de notre époque, voitures, téléphone, ordinateurs, internet, si nous voulons nous maintenir au niveau de vie élevé auquel nous sommes habitués, la vie est dure. Les rythmes de travail sont souvent à la limite du supportable, et nous avons de la peine à venir à bout de tout ce que nous avons à faire . Nous sommes alors tentés de trouver que le Christ, l’évangile, la religion nous compliquent l’existence et viennent alourdir, aggraver le poids déjà si lourd de nos multiples obligations. Nous sommes alors tentés de le rejeter, Allons nous, comme tant d’autres autour de nous, le renier ? Ou, au contraire, est-ce que, au coeur même de nos difficultés et nos épreuves, nous allons découvrir que le Christ est la vraie lumière qui révèle tout le sens toute la valeur toute la noblesse de nos efforts et de nos labeurs ? La femme, le mari, les enfants, le souci des autres, c’est lourd, d’accord. Mais « ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait » (Mt.25,40). Le travail, que ce soit à la maison, dans un bureau, un atelier, une école ou un hôpital, ce n’est jamais facile, parfois même inhumain ou déshumanisant. Mais c’est aussi notre participation au développement de la création, un complément bien modeste mais réel à l’épanouissement de l’oeuvre de Dieu dans l’univers.
Aurons nous la simplicité de l’aveugle né qui, accueillant la parole du Christ sans discuter, va se laver à la piscine de Siloé, se retrouve guéri et débouche dans la lumière ? Ou allons nous comme les Pharisiens, prétendre que nous voyons clair, refuser la lumière du Christ et nous enfermer dans nos ténèbres ? Qui est le Christ pour nous ? Celui qui illumine notre existence dont il révèle tout le sens, toute la valeur, toute la noblesse ? Ou bien n’est-il qu’un gêneur insupportable dont il vaut mieux se débarrasser ?
Que retenir de tout cela ?
Trois choses.
1°) Jésus rend la vue à l’aveugle-né. Il fait passer l’aveugle des ténèbres à la lumière des yeux, mais aussi des ténèbres à la lumière de la foi. Car Jésus est la lumière du monde, qui éclaire non seulement nos yeux, mais aussi nos coeurs . Le Christ lumière du monde est la seule clarté à la lumière de laquelle on puisse voir tout le sens, toute la valeur, toute la noblesse de la vie humaine. Est-ce que ça nous intéresse ?
2°)L’évangile d’aujourd’hui nous montre que cette lumière, il faut aller la chercher, comme l’aveugle-né qui va à la piscine de Siloé. car si le Seigneur donne sa lumière à tous ceux qui la cherchent sans jamais repousser personne, il ne l’impose pas de force. C’est« Celui qui marche à ma suite qui aura la lumière qui conduit à la vie » nous dit-il en St Jean (8,12).
3°)Et surtout l’évangile d’aujourd’hui nous montre que dans notre monde il y a le camp de ceux, comme l’aveugle-né qui, voyant bien qu’ils ne voient pas clair, désirent la lumière, font tout ce qu’il faut pour l’obtenir, même si ça les dérange, et reçoivent la lumière quiconduit à la vie. Et il y a le camp de ceux, comme les Pharisiens, qui se targuent d’être éclairés, refusent la lumière (elle révélerait leur obscurité) ne veulent pas être dérangés et s’enferment à jamais dans les ténèbres et la perdition….. Dans quel camp voulons-nous nous ranger ? A chacun de choisir, s’il ne l’a pas déjà fait.