Dimanche 16 avril

2ème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde – Année A – Jn 20,19-31

« Huit jours plus tard, Jésus vient. »

Nous sommes au soir du jour de Pâques Les apôtres sont rassemblés. Toutes les portes du lieu où ils se trouvent sont soigneusement fermées par crainte des Juifs dont l’hostilité ne faiblit pas. Ils sont là tristes, découragés, marqués par les évènements tragiques qu’ils viennent de vivre : la passion et la mort du Christ sur la croix, l’ensevelissement et la mise au tombeau. Ils avaient tellement espéré qu’il serait le Messie que tout le monde attendait…. Inquiets, ils se demandent ce qu’il va se passer maintenant. Des bruits courent : Marie Madeleine et deux disciples en route vers Emmaüs prétendent l’avoir vu ressuscité. Mais les apôtres n’en croient rien. Ils sont abattus, désorientés. Soudain « Jésus vint et il était au milieu d’eux« . Voyant qu’ils sont effrayés, il les rassure : « La paix soit avec vous !« Et constatant qu’ils n’arrivent pas à croire que c’est bien lui, il leur montre les plaies de ses mains et de son côté. Convaincus, ils laissent éclater leur joie !

Mais Jésus ne leur est pas apparu seulement en vue de les consoler dans leur accablement ; s’il leur apparaît, c’est aussi dans le but de les envoyer en mission. Déjà au cours des trois année qu’ils avaient passé avec lui, il les avait envoyé pour de courtes missions dans les villages environnants. Aujourd’hui le ton est plus grave et plus solennel : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » Non seulement il n’ a pas un mot de reproche à leur égard pour l’avoir abandonné et s’être enfuis lors de son arrestation, mais il leur fait encore confiance. Ils en sont bouleversés. Afin de les armer pour cette nouvelle mission, il souffle sur eux, reproduisant ainsi le geste primordial où le créateur a insufflé en l’homme un souffle qui fait vivre explique le livre de la Sagesse (15,11). Il s’agit donc ici d’une sorte de nouvelle création par laquelle le Seigneur insuffle en ses disciples sa vie nouvelle ressuscitée, et donc la force de cette vie nouvelle capable de venir à bout du mal, du péché et de la mort. Désormais, ils peuvent partir affronter le monde et construire le royaume. Pâques, la Résurrection ce n’est donc pas une « happy end », le dernier épisode d’une histoire qui finirait bien, c’est le commencement d’une nouvelle étape dans l’histoire du salut, un nouveau départ dans la construction du royaume.

De même que ce jour là il a envoyé ses disciples travailler à l’édification du Royaume, de même aujourd’hui encore, il nous envoie poursuivre la construction de ce Royaume, c’est-à-dire mettre autour de nous toujours plus de vérité, de justice et d’amour. C’est une tâche difficile, c’est vrai. St Paul lui-même en convenait :« Qui donc est à la hauteur d’une telle tâche ? »(2Cor.2,16) Mais il ajoutait tout de suite après : Notre assurance ne vient pas de nous,« c’est de Dieu que vient notre capacité« (2Cor.3,5). Nous ne devons pas oublier que le jour de notre baptême nous avons été greffés sur la vie du Christ ressuscité, nous avons donc en nous cette force du Christ vainqueur du mal, du péché et de la mort. Nous sommes faibles, oui, mais quelle que soit cette faiblesse, avec la force du Christ ressuscité vivant en nous, nous sommes désormais capables d’affronter le monde hostile et d’y travailler pour le transformer en Royaume où règnent la paix, la justice, la charité.

Rappelons nous aussi que le Seigneur ne recrute pas ses apôtres parmi les gens instruits, cultivés, il ignore les élites, même les élites religieuses. Aucun prêtre ni docteur de la Loi parmi ses apôtres qui sont des gens très simples, des pêcheurs plus ou moins illettrés. Ils ont des qualités, mais aussi de sérieux défauts. On trouve dans leurs rangs des incrédules comme Thomas, des renégats comme Pierre et même des adversaires comme Paul qu’il retournera et convertira sur le chemin de Damas. C’est vrai que nous ne sommes pas à la hauteur. Mais n’oublions jamais ce qu’il a dit aux premiers apôtres qu’il a appelés : « Je FERAI de vous des pêcheurs d’hommes.« (Mt.4,10). Il prend n’importe qui pour être ses apôtres, mais il les forme. St Paul dira un jour avec beaucoup de lucidité :« Le Père fait de nous des êtres nouveaux en Jésus Christ en vue des oeuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance pour que nous les accomplissions. » (Eph.2,10)

Mais concrètement qu’est-ce qu’il faut faire pour construire le Royaume ? Rien. Rien de spécial, rien d’autre que ce que nous faisons déjà. Mais il faut le faire autrement. En voyant le sens et la portée devant Dieu de notre travail .Car c‘est à travers nos tâches de tous les jours, que nous construisons le Royaume. La plupart du temps, nous pensons que le travail c’est ce qui me permet de gagner de l’argent pour moi et pour les miens , un point c’est tout. C’est faux. N’importe quel travail déborde mon petit milieu, moi, les miens. Il est toujours un service des autres. Le commerçant rend service aux habitants du quartier, le médecin vient au secours des malades, l’enseignant assure l’éducation des plus jeunes. « et ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez ».D’autre part n’importe quel travail prolonge toujours d’une manière ou d’une autre la création divine. Les maisons que nous habitons, ce n’est pas Dieu qui les a construites, ce n’est pas le créateur qui y a installé l’eau courante, le gaz, l’électricité, le téléphone, la télévision, ce n’est pas lui qui a fabriqué nos voitures ni les vêtements que nous portons ni les chaises sur lesquelles nous sommes assis. C’est pourquoi il est tout à fait juste de dire qu’ à travers notre travail qui continue l’oeuvre de la création, nous pouvons construire le royaume de Dieu. Mais il va falloir veiller à ne pas faire ce travail n’importe comment, chercher le profit à tout prix par exemple ou exploiter les autres, etc. « Comme vous voulez que les autres agissent envers vous, agissez de même envers eux » (Luc 6,31) Pour nous chrétiens, l’évangile, c’est le mode d’emploi de la vie. Bien des idéologies et des propagandes nous sollicitent. Attention à ne pas prendre les vessies pour des lanternes, bien sûr, mais il y a pire encore, ce serait de prendre les lanternes pour des vessies.

Que retenir de tout cela ? 

L’évangile d’aujourd’hui nous fait comprendre que la résurrection du Christ n’est pas la fin d’une histoire qui se termine bien, une sorte de « happy end » mais le début d’un nouveau chapitre de l’histoire du salut où le Seigneur nous fait l’honneur de nous envoyer poursuivre son oeuvre, construire le Royaume de Dieu sur la terre. Comme le Christ a soufflé sur les apôtres, leur insufflant sa vie nouvelle de ressuscité vainqueur du mal du péché et de la mort, il nous a donné dès le jour de notre baptême de participer à sa vie de ressuscité vainqueur de tout mal, nous rendant capables de transformer notre monde de violence, d’injustice et d’égoïsme en un royaume de paix, de justice et de charité. Il y a tant à faire ! Ne traînons pas les pieds. Parlant des chrétiens, je ne sais plus qui disait « Si noble est le poste que Dieu leur a confié qu’il ne leur est pas permis de déserter »ccablés sur le chemin, ayant perdu toute espérance. C’est donc dans la joie et l’action de grâces mais aussi avec le souci de ceux qui ne partagent pas notre foi que nous renouvellerons maintenant les engagements de notre baptême.