5ème dimanche de Carême – Année A – Jn 11
« Je suis la résurrection et la vie. »
« Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra. » Tel est l’enseignement majeur de cet évangile. Mais il faut remarquer aussi 1°) la foi persévérante des Apôtres, alors qu’ils sont souvent décontenancés par les réactions du Seigneur,2°) la confiance totale de Marthe et Marie en Jésus, 3°)les larmes de Jésus devant le tombeau de Lazare et 4°)la perspicacité des témoins du miracle qui en voyant ce que Jésus avait fait, dépassent le simple prodige et crurent en lui..
Les apôtres sont décontenancés par la réaction de Jésus qui, lorsqu’il apprend que Lazare est malade ne part pas immédiatement lui rendre visite. Il faut savoir que lorsqu’on vient dire à Jésus « Seigneur, celui que tu aimes est malade » en réalité ce message veut dire « Viens le voir« . En effet, selon les usages , on ne dit pas brutalement « Viens le voir ». La politesse demande qu’on procède indirectement, par allusions. exactement comme Notre Dame à Cana ne demande pas à son fils de faire quelque chose, elle lui dit tout simplement « Ils n’ont plus de vin »(Jean 2,3) Or voilà que non seulement Jésus ne part pas pour Béthanie rendre visite à Lazare, mais il reste encore deux jours sur place et décide de repartir en Judée où tout récemment encore les Juifs voulaient le lapider. Les apôtres sont désorientés. Voyant cela, Jésus tente de s’expliquer « Lazare s’est endormi. « Rassurés les apôtres réagissent : s’il dort, alors il est sauvé. Mais Jésus leur dit clairement « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ». De nouveau, les apôtres sont complètement perdus. Thomas réagit « Allons y nous aussi pour mourir avec lui. »Complètement à côté de la plaque !Nous voyons là combien les apôtres, même s’ils sont « paumés », ne décrochent pas. Ils ne comprennent pas les façons de faire de Jésus, mais ils le suivent quand même.Fidèles dans leur foi et leur attachement au Seigneur ils sont pour nous des modèles.
Ils sont à la fois ridicules en même temps que touchants. Ridicules parce que bien souvent ils ne comprennent rien. Mais touchants aussi parce qu’au lieu d’être découragés devant un Maître aussi énigmatique, ils lui restent inexplicablement fidèles. Qu’est-ce donc qui les retient ? Quelque part au fond d’eux-mêmes un attachement plus fort que tous les malentendus. Un jour alors que beaucoup de disciples le lâchaient, Jésus se tourna vers les douze « Et vous, allez–vous partir vous aussi ? » Alors jaillit la réponse de Pierre « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la Vie Eternelle. » (Jean 6,68) Comme les apôtres combien de fois ne sommes nous pas désorientés par ce qui nous arrive ou ce qui touche nos proches ? Et nous nous demandons Pourquoi ? Pourquoi le Seigneur permet-il que tel malheur, telle épreuve surviennent ? Mais sommes nous capables de la même obstination dans la confiance ?
Ce qui nous impressionne également dans ce récit, c’est la foi des deux soeurs de Lazare, sûres que si le Christ avait été là, leur frère ne serait pas mort. Dans son dialogue avec Jésus, Marthe va plus loin encore, elle affirme sa conviction que même encore maintenant, tout ce qu’il demandera à Dieu, Dieu lui accordera. Elle croit en la résurrection à la fin des temps, mais elle a entière confiance aussi que le Christ est la Résurrection et la Vie et que celui qui croit en lui, même s’il est mort vivra. En ce temps là, ce n’était pas si facile de croire en Jésus alors que la quasi totalité du monde clérical : les prêtres, les docteurs de la Loi, les scribes, les lévites et un bon nombre des pratiquants les plus assidus : les pharisiens , le considéraient comme un ennemi de la religion. Pour nous aussi aujourd’hui, ce n’est pas facile de croire quand la plupart des gens le dimanche matin font leurs courses au supermarché, font du jogging ou promènent leur chien au lieu d’aller à la messe. …..Avons nous la même assurance dans notre foi que Marthe et Marie ?
Après nous avoir rapporté la profession de foi de Marthe et Marie, St Jean nous amène alors à l’instant le plus émouvant de son récit : en voyant les deux soeurs de Lazare ainsi que ses amis en pleurs, Jésus, bouleversé se mit à pleurer. Il savait pourtant que dans quelques instants, il allait ramener Lazare à la vie, mais devant le chagrin de Marthe et Marie et de leurs amis, il a craqué et n’a pas pu retenir ses larmes. Cela veut dire que Dieu est humain. Cela veut dire que nos peines, nos souffrances, nos épreuves, nos tristesses,aussi bien que nos moments de joie et de bonheur, il sait ce que c’est, il est passé par là avant nous. On peut parler avec un Dieu comme ça, on peut prier un Dieu comme ça. Ce n’est pas un Dieu lointain, indifférent qu’il faut tenter de convaincre à coups de longues prières de nous venir en aide. « Votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous le lui demandiez » (Mt.6,8) Et St Paul insiste« ne soyez inquiets de rien mais en toute occasion par la prière et la supplication accompagnée d’actions de grâces, faites connaître vos demandes à Dieu » (Phil.4,6 ) Il nous invite même à exprimer notre action de grâces avant même d’être exaucés. C’est d’ailleurs ce que fait Jésus priant devant le tombeau de Lazare « Père, je te rends grâces parce que tu » m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours, mais je te le dis à cause de la foule qui m’entoure afin qu’ils croient que tu m’as envoyé.
Puis s’adressant à Lazare Jésus lui commande« Viens dehors » St Jean n’en parle pas mais on peut imaginer la stupeur et la joie de tous en voyant Lazare rendu à la vie ! Il conclut sobrement : « Beaucoup de Juifs ayant vu ce que Jésus avait fait crurent en lui » Dépassant ce miracle, ils sont remontés à celui qui avait fait ce miracle. Ce qui nous invite, nous aujourd’hui, à remonter jusqu’à la présence de Dieu agissant au milieu de nous à partir de tout ce qu’il peut y avoir de bien dans ce qui se passe autour de nous Car il n’y a qu’une source de bien c’est Dieu. Par conséquent, chaque fois que quelqu’un quelque part dans le monde dit ou fait quelque chose de bien, Dieu est là en train d’agir….. Mais savons nous regarder ?
Que retenir de tout cela ?
Le Christ est la Résurrection et la Vie. Comme il a ressuscité Lazare, il nous ressuscitera un jour. Il l’a affirmé « Je veux que là où je suis, ils (mes disciples) soient eux aussi avec moi » (Jean17,24 )
Les maladresses des apôtres à comprendre les propos de Jésus nous consolent de nos propres difficultés à comprendre la parole de Dieu et leur attachement au Seigneur, malgré leurs difficultés à le suivre est pour nous un modèle de persévérance quand notre fidélité est tentée de faiblir.
Et puis la vigueur de la foi de Marthe et Marie comme le réalisme des témoins de la résurrection de Lazare qui, ayant vu ce qu’avait fait Jésus crurent en lui nous invitent à voir ce qu’il fait aujourd’hui dans nos vies. Je pense à tous ces gestes d’entraide et de solidarité, pendant la crise du Covid, devant les séismes en Turquie et en Syrie, je pense au dévouement des personnels soignants dans les hôpitaux et les Ephads. Le Seigneur est là, présent et agissant au milieu de nous à travers tout cela. J’ai peur qu’Il ne soit obligé aujourd’hui encore de nous faire le même reproche qu’il faisait un jour à ses disciples :Vous avez des yeux, ne voyez-vous pas ? Vous avez des oreilles, n’entendez-vous pas ?