Dimanche 19 juin 2022

Solennité du Saint Sacrement – Luc 9,11-17

Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. – Jean 6,53

Le St sacrement, qu’on appelle aussi l’Eucharistie est un sacrement par lequel le Christ nous donne en nourriture son corps livré et son sang versé pour le salut du monde. Le soir du Jeudi Saint, faisant ses adieux aux apôtres avant d’entrer dans sa Passion, le Seigneur a voulu nous laisser un moyen d’entretenir en nous la vie nouvelle que le baptême introduit en nous. Il a donc inventé un sacrement qui serait la nourriture de cette vie nouvelle recommandant solennellement et avec insistance d’y avoir recours Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. (Jean 6,53)

On peut être tenté de se demander Mais est-ce bien nécessaire un tel sacrement ? Une fois que j’ai reçu le sacrement de baptême, j’ai en moi la vie de Dieu, je n’ai plus besoin de rien. Pourquoi encore recevoir un autre sacrement ? Il faut bien comprendre que le baptême ne produit pas en nous une sorte d’assimilation par laquelle notre personnalité serait dissoute en Dieu, il crée une communion avec le Seigneur dans laquelle nous demeurons des personnes libres et donc susceptibles de repousser ou de rejeter cette communion avec le Seigneur. Par le baptême, nous avons reçu la vie de Dieu en nous. Mais nous demeurons des personnes libres, des pécheurs exposés au danger de céder à la tentation de nous séparer de Dieu. Nous avons donc besoin de recevoir une nourriture qui nous donne la force de résister à la tentation et de nous maintenir au niveau de la vie nouvelle reçue au baptême. Voilà pourquoi le Christ insiste tant :Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous.Et poursuivant, il ajoute : Celui qui me mange vivra par moi. (Jean 6,,57).

Mais quand il nous dit : il faut vous nourrir de moi pour avoir la vie, de quel moi et de quelle vie s’agit-il ? Il s’agit du moi livré pour vous. Quand au cours de la messe, nous recevons la communion, nous ne recevons pas le petit Jésus de Bethléem, nous ne recevons pas le Christ annonçant l’évangile ou faisant des miracles, nous recevons le Christ qui donne sa vie pour nous. Et la vie que nous recevons c’est la vie du Christ qui donne sa vie Autrement dit la vie que le Christ veut nous donner, dont il veut que nous vivions, c’est une vie qui se donne par amour pour les autres. Pour un chrétien, donner sa vie pour les autres, ce n’est pas facultatif, ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire ou ne pas faire, comme de dire son chapelet ou de faire une neuvaine. C’est quelque chose d’ indispensable, de nécessaire, d’essentiel. St Jean le dira plus tard, dans sa première épître : Lui, Jésus a donné sa vie pour nous; nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères. (1Jean 3,10))

Donner sa vie pour les autres comme le Christ, ce n’est pas nécessairement se condamner à mourir crucifié comme lui. Donner sa vie pour les autres, cela veut dire quoi ? Cela veut dire les aimer, les faire être, faire tout ce qu’on peut pour qu’ils soient épanouis, heureux. Cela peut demander de la peine, des efforts, des sacrifices. Bien sûr. Mais le service des autres dans l’amour, ce n’est pas, pour autant, un martyr ! Loin de là ! Il ne viendrait à l’idée de personne de dire d’une maman qui se consacre à son enfant toute la journée qu’elle mène une existence de martyre ! Son enfant passe avant elle. Elle se donne du mal pour lui. Il lui cause bien du tracas. Mais pour rien au monde elle ne voudrait en être débarrassée ! C’est le miracle de l’amour : quand on aime il n’y a pas de peine ; et s’il y a de la peine, c’est une peine qu’on aime.

N’empêche qu’aimer d’amour, c’est-à-dire faire passer un autre avant soi, cela ne nous est pas naturel. Assez facilement on peut éprouver des sentiments pour quelqu’un, on apprécie ses talents et ses qualités. On dit : un tel, une telle, je l’aime bien. Cela grâce à Dieu, c’est fréquent, on voit cela tous les jours un peu partout Mais aimer d’amour, c’est-à-dire faire passer un autre avant soi, c’est plus rare, cela ne nous est pas naturel. C’est que l’amour n’est pas un sentiment humain C’est même contraire à la psychologie humaine la plus élémentaire : regardez un bébé dans son berceau, il essaie d’attraper tout ce qui passe à portée en train de se ses mains et le porte à sa bouche, même son pied. Mais grâce à Dieu, c’est le cas de le dire, parce que les hommes sont créés à l’image de Dieu, un tas de gens parviennent à aimer d’amour. Ceux qu’ils aiment, ils les font passer avant eux, ils les mettent au dessus d’eux. Cependant parce que nous demeurons pécheurs, toujours tentés de nous replier sur nous-mêmes, nous avons besoin de nous nourrir du pain de vie pour nous maintenir au niveau de l’amour dans notre vie de tous les jours. C’est pourquoi le Christ insiste : Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous.

Que retenir de tout cela ? 

Le saint Sacrement, l’Eucharistie, la communion, c’est un sacrement par lequel nous recevons le Christ qui se donne à nous, le Christ en train de se donner. Dans la communion, nous ne recevons pas le Christ enfant, le Christ menuisier à Nazareth ou le Christ annonçant l’évangile à travers la Palestine, nous recevons le Christ qui donne sa vie pour nous.

Pourquoi le Christ a-t-il inventé ce sacrement ? Pour nous donner une nourriture qui nous procure la force dont nous avons besoin pour donner notre vie tous les jours dans le service des autres. Car même si par le baptême nous avons reçu la vie de Dieu, nous restons des personnes libres susceptibles de nous laisser entraîner par les tentations et de rejeter la communion avec le Seigneur qui nous est offerte. Nous avons encore besoin de la force de Dieu pour repousser les tentations. En d’autres termes, le baptême, c’est comme une naissance et de même que le nouveau né a besoin de nourriture porur développer la vie qu’il a reçue le jour de sa naissance, de même nous avons besoin du Pain de Vie pour développer la vie nouvelle que nous avons reçue au baptême.

En insistant pour que nous ayons recours à ce sacrement sous peine de ne plus vivre de sa vie, le Christ nous fait comprendre que donner sa vie dans le service des autres ce n’est pas quelque chose qu’ un chrétien pourrait faire ou ne pas faire, c’est quelque chose d’essentiel sous peine de ne plus être chrétien. On dit les chrétiens, c’est les gens qui vont à la messe. Non. Les chaises de l’église qui ne manquent pas une messe n’ont rien de chrétien !!! La marque du chrétien, c’est d’être quelqu’un qui donne sa vie au service des autres. Après le lavement des pieds, le Christ l’a précisé formellement Si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné. Ce que j’ai fait pour vous, faites le vous aussi. (Jean 13,14,15)