Dimanche 18 juin

11ème dimanche du temps ordinaire – Année A – Mt 9,36-10,8

«  Jésus appela ses douze disciples et les envoya en mission. »

Même si Jésus parcourait toutes les villes et tous les villages proclamant la Bonne Nouvelle et guérissant toute maladie et toute infirmité comme le dit l’évangile précédant immédiatement le passage que nous venons d’entendre, il restait bien des misères dans le pays, et voyant les foules désemparées et abattues, le Seigneur était rempli de pitié et de compassion . Pour lui le plus triste, pire encore que les maladies et les infirmités, c’était de voir le peuple laissé à l’abandon sans personne pour le diriger. Les gens étaient comme des brebis sans pasteurs. Ceux qui auraient dû les guider : les prêtres, les scribes, les docteurs de la Loi avaient pour la plupart trafiqué et déformé la religion juive traditionnelle et se fermaient chaque jour davantage au message de salut du Seigneur. Jésus est bouleversé de voir la moisson abondante, et le manque de main d’oeuvre pour s’en occuper. Aussi invite-t-il ses disciples à prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.

Sans plus attendre il appelle ses douze apôtres et les envoie en mission. Nous savons ce qui en a résulté. Ces douze hommes et leurs successeurs ont répandu l’évangile par toute la terre. Le plus extraordinaire c’est que les douze premiers apôtres choisis par le Seigneur n’avaient aucune formation religieuse particulière, ils étaient des croyants tout ce qu’il y a de plus ordinaires. Matthieu, petit fonctionnaire des impôts, était probablement le seul à avoir un peu d’instruction. Or du temps de Jésus, il y avait un certain nombre de gens instruits des choses de la religion, ne serait-ce que parmi les prêtres, les docteurs de la Loi, les scribes, les lévites, et parmi la masse des pratiquants dont certains, comme les saducéens ou les Pharisiens, étaient particulièrement versés dans la connaissance de l’Ecriture et de la Tradition . Il est tout de même très étonnant que le Seigneur n’ait appelé personne parmi eux. Peut-on imaginer aujourd’hui un évêque ordonnant prêtres des hommes ramassés n’importe où et n’ayant pas derrière eux des années d’études dans un grand séminaire ?

Le Christ a innové. Aucun de ses apôtres ne sortait d’une école rabbinique. Aujourd’hui devant la situation difficile de l’Eglise dans notre pays, il faudrait certainement innover. La situation dans l’Eglise et dans le monde n’est plus du tout ce qu’elle était il y a cinquante ou quatre vingt ans. Alors pourquoi vouloir s’accrocher obstinément aux structures d’autrefois ? J’ai eu la chance de passer trente six ans à Madagascar dans une Eglise qui a toujours fonctionné avec très peu de prêtres ce qui entraîne des inconvénients mais aussi des avantages J’ai été curé de brousse pendant vingt ans, responsable d’un district qui comptait trente deux clochers. Comme dans tous les districts missionnaires, chaque petite paroisse était dirigée par un comité de laïcs, hommes et femmes et un catéchiste homme ou femme avait la charge de l’animation spirituelle, prononçant chaque dimanche l’homélie. Comme très peu d’entre eux pouvait abandonner leurs rizières pour suivre les cours d’une école de catéchistes, en ville, la plupart du temps leur formation était assurée par le prêtre en charge du district, au cours de réunions mensuelles d’une grosse journée consacrée à la prière et à la réflexion.

J’ai eu tout le loisir de constater que le manque de prêtres n’est pas forcément une catastrophe. Au contraire, cela permet aux laïcs de donner toute leur mesure. Et d’après ce que j’ai vu, non pas en passant rapidement quelques jours ou quelques mois, mais pendant trente-six ans à Madagascar, les Eglies de pays de mission, plus dynamiques que les Eglises de nos pays de vieille chrétienté, ont quelque choe à leur apprendre. Je ne comprends pas que, puisqu’en France actuellement où on se trouve dans la situation qui était traditionnellement celle des pays de mission, je ne comprends pas qu’on n’aille pas voir là-bas comment ça marche, peut-être pas pour copier ce qui s’y fait, mais pour s’en inspirer. D’autant plus que nous avons chez nous des laïcs de valeur ayant déjà une formation chrétienne certainement supérieure à celle de mes catéchistes de brousse. Il y a huit jours j’étais dans une petite paroisse des environs de Lille. le comité pastoral avait préparé la liturgie de la messe, non seulement les chants et les lectures, mais ils avaient recomposé les oraisons de la messe. Comme d’habitude, leurs oraisons étaient bien meilleures que celles du missel officiel. Je suis rentré en France depuis bientôt dix ans. Partout où j’ai pu aller, j’ai n’ai entendu que des éloges à propos des équipes de laïcs qui s’occupent des enterrements. Cessons de gémir sur la prétendue situation catastrophique de l’Eglise de France. C’est vrai qu’il y a malheureusement beaucoup moins de monde qu’autrefois dans les églises. Mais partout où je suis allé ces dix dernières années j’ai toujours vu des célébrations bien meilleures que celles auxquelles je participais lorsque j’étais enfant, grâce aux équipes de laïcs en charge avec le prêtre de l’endroit de la pastorale et de la liturgie. Mais on ne va pas assez loin. On s’enferme dans les habitudes des cent dernières années que l’on canonise, décrétant que c’est ça LA tradition de l’Eglise qu’ il faut respecter sous peine de péché mortel. J’ai entendu un très bon prêtre, un excellent curé de paroisse, déclarer avec beaucoup de conviction : un laîc faire l’homélie ? Jamais ! C’est réservé au prêtre ! C’est faux.La tradition de l’Eglise ne se limite pas à ce qui s’est fait ces cent dernières années dans notre pays ! Dans les premiers siècles de l’Eglise, on a célébré l’Eucharistie avant qu’il y ait des prêtres. C’était un ancien de la communauté qui présidait la célébration, le presbuteros. Cela aussi, c’est la tradition de l’Eglise. On pourrait peut-être y revenir. Il n’y aurait là aucun sacrilège. Rien dans la foi ou le dogme ne s’oppose à l’ordination de prêtres mariés ou de femmes Pourquoi ne pas étudier sérieusement la question ? Le statut des femmes a considérablement évolué partout sauf dans l’Eglise Vous trouvez aujourd’hui des femmes au volant de poids lourds de 44 tonnes ! C’est une femme qui dirige la banque mondiale. Plusieurs sont chefs d’état ou premiers ministres, certaines sont à la tête de puissants syndicats et on ne compte plus les femmes chefs d’entreprises. Pendant ce temps là certains curés refusent encore aux filles d’être servants d’autel. Soyons sérieux ! on dit qu’on prie pour les vocations, c’est vrai, mais dans le même temps on les limite,on les freine, on les enferme les vocations, dans nos peurs paniques du nouveau et nos préjugés injustifiables.

Le petit nombre de prêtres et qui ne cesse d’aller en décroissant est bien préoccupant . Prions pour les vocations , oui. Mais si les chose ne s’arrangent pas, ce n’est pas parce que le Seigneur ne veut pas appeler. C’est de notre côté que ça coince. Peut-être faudrait-il cesser de marcher à rculons vers l’avenir, les yeux fixés sur ce qui se faisait il y a quatra-vingt ans et qu’on regarde

comme LAtradition et qu’il faut respecter sous peine de péché mortel. !!!

Prions pour les responsables de l’Eglise, pour qu’ils osent prendre les décisions que les situations nouvelles réclament et pour le peuple chrétien, qu’il soit prêt à abandonner certaines de ses habitudes s’il le faut, pour en adopter de nouvelles. Laissons nous rajeunir par le Seigneur qui se présente dans l’Ecriture que ce soit dans l’ancien testament, dans Isaïe, comme « Celui qui va faire du nouveau »(Isaïe 43,19) ou dans le nouveau testament, dans l’Apocalypse « Voici, je fais toutes choses nouvelles » (Apoc.21,5).