5° Dimanche de Pâques – année C – Jean, 13,31-33,34,35
Maintenant le Fils de l’homme est glorifié
Je commenterai deux phrases de cet évangile : Maintenant le Fils de l’homme est glorifié et le commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Nous sommes le Jeudi Saint au soir. Après le repas au cours duquel le Seigneur a institué l’Eucharistie, célébré la Pâque juive et a lavé les pieds de ses apôtres, il leur fait ses adieux avant d’entrer dans sa Passion. Il vient de leur annoncer que l’un d’eux allait le trahir, ce qui les a profondément troublés. Et il poursuit .Maintenant le Fils de l’homme est glorifié. A quel moment précis ce maintenant fait-il allusion ? Il vient de se passer quelque chose de grave. Judas est sorti pour aller livrer le Seigneur à ses ennemis. Le processus de la Passion est enclenché. C’est à cela que Jésus fait allusion avec son maintenant. Ce qu’il veut nous dire, c’est : Maintenant que la Passion est commencée le Fils de l’homme est glorifié. Le Fils de l’homme est glorifié par sa Passion.
Comment peut-on dire une chose pareille ? Dans sa Passion, est-ce que le Christ n’apparaît pas humilié, vaincu ? Ses adversaires s’emparent de lui, il est dépouillé de ses vêtements, battu, torturé, flagellé et finalement il meurt cloué sur une croix. Quelle glorification y a-t-il là-dedans ? Pourtant à plusieurs reprises Jésus parle de sa Passion comme de quelque chose de glorieux. Quelques jours auparavant,parlant de sa passion imminente, il avait dit à Philippe et André : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. (Jean 12,23 ) C’est que, contrairement aux apparences, ce ne sont pas les ennemis du Christ qui se sont emparés de lui, c’est lui qui s’est offert volontairement : Ma vie, nul ne me l’enlève, je la donne de moi-même (Jean 10,18) leur a-t-il déclaré un jour. Il est parti pour Jérusalem, sachant ce qui l’attendait. Par trois fois il avait annoncé aux apôtres qui n’y avaient rien compris, qu’il fallait que le Fils de l’homme souffit beaucoup de la part des Anciens, des grands prêtres et des scribes, être mis à mort et ressusciter le troisième jour (Mt.16,21). Volontairement il va laisser déferler sur lui toute la puissance du mal, du péché et de la mort, mais tel un tsunami irrépressible, la puissance de son amour infini va recouvrir les forces du mal du péché et de la mort dont elle va triompher. Au moment où on le cloue sur la croix il prie encore pour ses bourreaux : Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. (Luc, 23,34) Autrement dit : vous pouvez me tuer si vous voulez, moi, je vous aime encore. C’est là que son amour se révèle plus fort que toute la haine des hommes. C’est là que la gloire du Christ se révèle. En dépit des apparences, la Passion et la mort du Christ sur la croix, avant même le triomphe de la Résurrection, manifestent la gloire de l’amour infini du Christ qui l’emporte sur toutes les forces du mal, du péché et de la mort. St Paul écrira plus tard : Oui, j’en ai l’assurance, ni la mort, ni la vie, ni le présent ni l’avenir,ni les anges ni les dominations, ni aucune autre créature, rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en JCNS. (Rom.8,38,39)
Voir dans la Passion et la crucifixion un Christ humilié et vaincu par ses ennemis qui se seraient emparés de lui, c’est voir les choses à l’envers, un peu comme on regarderait un tapis à l’envers. Tous les fils de toutes les couleurs sont là, on les voit, mais on ne voit pas le dessin du tapis. Par contre s’il est clair pour nous que dans la Passion, ce ne sont pas ses ennemis qui s’emparent de lui mais lui qui se livre, alors on voit la Passion et la mort du Christ à l’endroit, comme une victoire de son amour infini qui a surpassé, balayé et vaincu les forces du péché et de la mort. La Passion et la mort du Christ sur la croix, loin de montrer un Christ humilié et vaincu, montrent au contraire un Christ triomphant par la puissance de son amour dont rien ne peut venir à bout. Avec la Résurrection, la gloire et le triomphe du Christ seront complets puisqu’il aura vaincu le mal, le péché et la mort. Mais déjà avec la Passion et la mort sur la Croix où son amour infini triomphe du mal et du péché,le Christ est glorifié.
Et maintenant, venons en au commandement nouveau Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres.C’est le « comme je vous ai aimés » qui est embarrassant. Autrement, s’aimer les uns les autres, c’est faisable, parfois nous y parvenons. Il y a des familles, des petits groupes où on s’aime vraiment bien les uns les autres, on a suffisamment d’affinités communes, il n’y a pas de problèmes. Mais le Seigneur n’aime pas seulement ceux qui ont des affinités avec lui. Il aime tout le monde. Il a un parti pris absolu de bienveillance envers tous, même envers ses ennemis. L’auteur du livre de la Sagesse disait déjà : Oui tu aimes tous les êtres et n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait, car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formée et comment une chose subsisterait-elle si tu ne l’avais voulue, comment conserverait-elle l’existence si tu ne l’y avais appelée… Mais tu épargnes tout parce que tout est à toi, Maître ami de la vie. (Sagesse 11,24,25)
Comment le christ peut-il nous demander de nous aimer les uns les autres COMME il nous a aimés? Il sait bien que c’est impossible. C’est vrai, par nous-mêmes, jamais nous ne pourrons parvenir à nous aimer comme il nous a aimés, cependant, peut-être que nous pouvons quand même avancer dans cette direction, d’abord parce que le Seigneur nous a créés à son image, de plus par le baptême, nous sommes greffés sur la vie nouvelle du Christ ressuscité, nous avons en nous sa force et chaque fois que nous participons à la messe, notre union au Christ se trouve renforcée. En effet, à la messe, en même temps que nous offrons le sacrifice du Christ, nous nous offrons nous-mêmes, nous offrons notre vie, notre travail et au moment où le Seigneur transforme le pain en corps du Christ et le vin en sang du Christ, le prêtre lui demande de nous transformer aussi, de nous rendre un peu plus semblables au Christ : Dieu tout puissant, nous te supplions de consacrer ces offrandes, sanctifie-les par ton Esprit pour qu’elles deviennent, c’est à dire pour que NOUS devenions le corps et le sang de JCNS. Chaque messe nous rend toujours plus semblables au Christ et donc un peu plus capables de nous aimer les unes les autres comme il nous a aimés. Alors ne cherchons plus d’excuses, en mettant en avant de faux prétextes et une fausse humilité : »Je n’y arriverai jamais, de toutes façons, ce n’est même pas la peine d’essayer ! » Avec la force de la vie du Christ en nous, nous pouvons essayer de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés, même si nous n’y arriverons jamais parfaitement.
Que retenir de tout cela ?
Contrairement aux apparences, dans sa Passion, le Christ est glorifié, parce que dans sa Passion, ce ne sont pas ses ennemis qui se sont emparés de lui. C’est lui qui s’est livré par amour pour nous, offrant sa vie pour nous sauver. Il a laissé déferler sur lui toute la puissance du mal et du péché, mais son amour infini dont rien ne peut venir à bout, a été le plus fort et en a triomphé. Dès le Vendredi Saint, avant même sa victoire sur la mort lors de sa Résurrection au matin de Pâques, la gloire du Christ est manifestée à travers le triomphe de son amour sur le mal et le péché.
Nous aimer les uns les autres comme le Christ nous a aimés, c’est possible parce que nous sommes créés à son image, parce que depuis notre baptême, nous avons en nous la vie et la force du Christ ressuscité et parce que chaque messe à laquelle nous participons nous transforme davantage en christs et par conséquent nous rend toujours plus capables de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. Nous n’atteindrons peut-être jamais la perfection, mais ce n’est pas une raison pour ne pas tout faire pour mettre toujours un peu plus d’amour dans notre monde qui en manque si cruellement.