Dimanche 14 Juillet 2024

Jusqu’alors, les douze étaient de simples disciples de Jésus. Ils écoutaient son enseignement et l’accompagnaient dans ses déplacements. Aujourd’hui, pour la première fois, le Seigneur les envoie annoncer la Bonne Nouvelle et chasser les démons. Ils sont donc désormais des apôtres, des envoyés. Pourquoi Jésus les envoie-t-il ? Il pourrait tout faire tout seul. Mais il veut en faire ses collaborateurs. Alors même qu’ ils ne sont guère à la hauteur, et il le sait très bien. A part Matthieu un collecteur d’impôts qui devait avoir un peu d’instruction, les autres sont plutôt illettrés. Comme tout le monde ils connaissent un peu l’Ecriture et la Tradition mais ils n’ont aucune formation religieuse sérieuse. Le Seigneur n’a jamais eu l’intention d’en faire un groupe d’admirateurs passifs. Dès le premier instant, en les appelant, il avait dit aux pêcheurs du lac : Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. (Marc 1,17) Normalement les douze ne sauraient être des collaborateurs du Christ. Ce sont de simples pécheurs du lac plutôt ignorants. Par eux-mêmes, ils n’ont pas autorité. Mais justement l’évangile le précise bien : le Seigneur leur donne autorité.  

Il en va de même pour nous aujourd’hui. Le baptême fait de nous bien plus que de  simples                disciples, écoutant passivement l’enseignement du Christ ou de simples admirateurs éblouis par la personnalité du Christ. En nous communiquant la vie du Christ, Fils de Dieu, envoyé par le Père, le baptême fait de nous d’autres christs envoyés comme lui. Tout baptisé est envoyé, apôtre, missionnaire. Même si, défigurés par le péché, nous sommes incapables d’être des ouvriers du Royaume, collaborateurs du Christ, dans son amour miséricordieux le Seigneur passe par-dessus nos médiocrités, sa grâce nous transforme et nous donne autorité. Comme le dit St Paul aux Ephésiens : Le Père fait de nous des êtres nouveaux en Jésus-Christ, en vue des œuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance pour que nous les accomplissions (Eph.2,10)

Mais il ne nous force pas à devenir ces êtres nouveaux. De notre côté, il faut que reconnaissant notre incapacité radicale, nous acceptions de recevoir la grâce qui nous rend capables désormais de faire par nous-même ce que normalement nous ne pouvons pas faire par nos propres forces. Il faut que nous acceptions de reconnaître notre pauvreté, l’inefficacité de tous nos moyens humains et que nous acceptions de recevoir de Dieu seul l’aide qui nous est nécessaire. Car la force d’un envoyé de Dieu ne saurait venir des richesses ni des moyens matériels ou intellectuels, elle ne peut venir que de sa foi et de son union à Dieu. Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent les maçons, dit le psaume. (Ps.106) C’est pourquoi le Christ prescrit aux apôtres qu’il envoie de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture… des sandales, mais pas de tunique de rechange.

Du temps de Jésus, les mœurs rustiques de l’époque permettaient aux apôtres une grande austérité de moyens. Aujourd’hui le service de Dieu requiert davantage de moyens. Les prêtres doivent faire de solides études d’Ecriture Sainte et de théologie, disposer d’un bureau bien équipé, d’un téléphone et la plupart du temps d’une voiture. Les laïcs engagés ont besoin d’une solide formation spirituelle et doivent pouvoir s’appuyer sur les moyens de communication modernes pour exercer leur apostolat. N’empêche qu’aujourd’hui comme du temps de Jésus, ce n’est pas les moyens matériels, ni les diplômes universitaires qui constituent la valeur et la force d’un apôtre. Tant mieux si votre curé est docteur en théologie, s’il dispose d’un bon ordinateur pour taper le texte de son


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homélie, et tant mieux si les micros de l’église fonctionnent bien, mais ce n’est pas cela qui va faire que son homélie sera de qualité ! C’est du Seigneur que vient notre capacité, disait St Paul (2 Cor.3,5) Voilà la première caractéristique de l’envoyé : sa capacité vient du Seigneur.

La deuxième caractéristique des envoyés, c’est qu’ils vont deux par deux. Les missionnaires doivent œuvrer non pas seuls, mais en équipe. Cette pratique a été prise à la lettre par les premiers chrétiens. Dans les Actes des Apôtres, les missionnaires cheminent toujours à deux : Pierre et Jean (Ac.3,1), Paul et Barnabé (Ac.13,2), Jude et Silas (Ac.15,22b). D’ailleurs le Christ lui-même n’est jamais seul et il le souligne : je ne suis pas seul, il y aussi Celui qui m’a envoyé (Jean 8,16) Pas d’individualisme chez lui, Il ne fait pas son œuvre à lui, mais l’œuvre du Père Je ne cherche pas ma propre volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. (Jean 5,30) Pour nous aujourd’hui, cela veut dire que personne ne fait son petit business à lui, notre action apostolique se déroule toujours en Eglise.

La troisième caractéristique de ceux qui sont envoyés par le Seigneur, c’est la mobilité et la disponibilité. Intérieurement d’abord et en lien avec une attitude de pauvreté, il convient que les envoyés se renoncent à eux-mêmes et à leurs idées, qu’ils soient toujours prêts à aller plus avant avec l’Esprit du Seigneur qui les emmène toujours plus loin, comme le dit St Paul dans une très belle formule : Nous tous qui réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image toujours plus glorieuse, comme il convient à l’action du Seigneur qui est Esprit. (2Co.3,18) Et la disponibilité intérieure des envoyés les amène tout naturellement à aller partout au-devant des autres, sans jamais se limiter à un seul milieu social, et sans jamais se fixer nulle part. Le Christ était toujours en mouvement, allant de village en village, de ville en ville s’adressant aux Juifs, mais aussi aux étrangers, Cananéens, Grecs, Romains, sans exclure personne.

L’évangile d’aujourd’hui se termine en décrivant l’activité des envoyés : ils prêchent la conversion, chassent les démons et guérissent les malades. Mais nous aujourd’hui, il semble bien que nous ne fassions rien de tout cela ? Pas sûr. Beaucoup de parents sans prêcher du haut d’une chaire, élèvent leurs enfants dans un esprit chrétien. Dans la société actuelle on peut relever bien des traces de l’esprit chrétien des générations passées Ce qu’on appelle les valeurs républicaines par exemple sont souvent d’origine chrétienne, même si sur certains points, malheureusement, elles s’en écartent. Les lois sociales, l’instruction publique, les écoles, les hôpitaux, les hospices pour les personnes âgées, sont d’inspiration chrétienne et sont apparus bien après de modestes mais nombreuses institutions chrétiennes auxquelles elles ont succédé. De toutes façons, il reste beaucoup à faire.  Aucun système de sécurité sociale ne nous dispense du devoir de faire régner la charité autour de nous et tandis que les gouvernants débattent indéfiniment de l’âge de la retraite, nous savons que pour nous chrétiens « il n’y a pas de repos, sinon dans la paix des moissons, quand Dieu engrange », comme aimait à le dire Saint Exupery.

Que retenir de tout cela ?

Le Seigneur n’a pas besoin de nous pour édifier son Royaume sur la terre, mais il ne veut pas agir seul, il nous fait l’honneur de nous appeler à être ses associés et ses collaborateurs pour transformer notre monde pollué par l’injustice, l’égoïsme et l’orgueil en un Royaume de paix, de justice et d’amour. Sans nous, le Seigneur ne veut rien faire, mais d’un autre côté, sans lui, nous ne pouvons rien faireC’est pourquoi dès qu’il a appelé ses premiers apôtres il les a rassurés : ne vous inquiétez pas pour votre formation, je m’en charge. Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. Toutefois pour que le Christ puisse agir ainsi en nous, encore faut-il que nous nous reconnaissions désespérément pauvres, incapables de faire le bien que nous aimons alors que nous faisons le mal que nous n’aimons pas et que nous désirions   cette aide qu’aucun moyen humain ne peut nous apporter et que seule la grâce divine peut nous donner. Si nous laissons le Seigneur agir en nous, alors, nous pouvons aller sans de l’avant sans tergiverser, car nos faiblesses et nos misères sont balayées par Celui dont la puissance agissant en nous, dit St Paul, peut faire bien plus, infiniment plus que tout ce que nous pouvons désirer ou imaginer. (Eph.3,20)