20° Dimanche du temps ordinaire – année C – Luc 12,49-53
« Je ne suis pas venu mettre la paix sur terre, mais bien plutôt la division »
Une fois de plus les propos du Christ choquent et déconcertent : Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non , je vous le dis, mais bien plutôt la division. Pourtant dès sa naissance à Bethléem, les anges avaient annoncé la paix aux hommes que Dieu aime. (Luc,2,14) Et dans l’évangile le Christ ne cesse de répéter : Je vous laisse la paix, je vous donne la paix. (Jean 14,27) Je vous ai dit tout cela pour qu’en moi vous ayez la paix. (Jean 16,33) Alors que faut-il croire ? Il apporte la paix ou il apporte la division ? St Paul, dans l’épître aux Colossiens, nous permet d’y voir clair. Il explique : le Christ a réconcilié le ciel et la terre, ayant établi la paix par le sang de sa croix. (Col.1, 20) Autrement dit : il a bien apporté la paix, mais d’abord il a dû lutter pour édifier cette paix. Il est arrivé dans un monde où régnaient le mal, le péché et la mort. Il a fallu qu’il en triomphe d’abord. Et lorsque dans son amour infini, il a versé son sang pour nous, alors ce sang versé, tel un tsunami irrépressible a recouvert et noyé le mal le péché et la mort dont il a triomphé, établissant la paix sur le monde. Le Christ n’a pas apporté au monde la paix dans un paquet cadeau tout fait enveloppé d’un beau ruban. Il a bâti cette paix, il l’a édifiée en venant à bout de l’opposition du mal, du péché et de la mort dans le triomphe de la croix.Voilà pourquoi le Christ peut dire sans se contredire Je ne suis pas venu apporter la paix mais bien le glaive et la division (Mt.10,34_Luc 12,51) et dire aussi : Je vous donne la paix. (Jean14,27)
Mais comment se fait-il qu’une opposition au Seigneur se soit manifestée ? Apparemment tout le monde attendait dans la ferveur l’arrivée du Messie. Alors pourquoi, lorsqu’il est arrivé chez les siens, les siens ne l’ont pas reçu ? Curieusement ses plus farouches opposants ont été les prêtres, les docteurs de la Loi, les scribes, autrement dit tout le milieu clérical, les cadres de ce qu’on pourrait appeler l’Eglise de l’époque, ainsi que beaucoup des pratiquants les plus fervents : les pharisiens. Ils l’accusaient de vouloir démanteler la Loi et détruire la religion. Dès le début de sa prédication, le Seigneur s’en est défendu très vigoureusement : N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes, je ne suis pas venu abolir mais accomplir (Mt.5,17) c’est-à-dire mener à la perfection et donner son vrai sens au code de vie religieuse qu’est la Loi. Dans le premier grand discours qui expose son enseignement, au début de l’évangile de St Mt, à six reprises, il déclare Vous avez appris qu’il a été dit…eh bien moi je vous dis et à chaque fois, il renforce les exigences de la Loi. Ainsi, à propos de l’adutère : Vous avez appris qu’il a été dit : tu ne commettras pas l’adultère. Et moi je vous dis : quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà, dans son coeur, commis l’adultère avec elle. (Mt.5,27,28)
C’est là que nous commençons à comprendre pourquoi Jésus a amené non la paix mais la division : il dérangeait l’ordre établi. Les prêtres et les docteurs de la Loi avaient manipulé la religion, ils avaient faussé le sens de la Loi, imposant une interprétation de la Loi qui leur conférait pouvoir et autorité. Ils avaient fixé ce qu’il fallait faire et ce qu’il ne fallait pas faire, ce qui était permis et ce qui était défendu. Ils s’étaient proclamés les arbitres, les maîtres, les juges du bien et du mal. Ils étaient les détenteurs du pouvoir et de l’autorité. Rien ni personne ne menaçait leur prestige. Ils prétendaient servir Dieu alors qu’en réalité ils se servaient de Dieu pour asseoir leur pouvoir sur le peuple. Ils avaient ramené Dieu au rang d’un subalterne au service de leurs désirs et de leurs ambitions personnelles. Satisfaits d’un tel Dieu, il n’avaient pas du tout envie d’en changer. Or voici que le Christ arrive, appelant à la conversion, rappelant à tous qu’ il s’agit de servir Dieu par amour et non pas de se servir de lui pour satisfaire son orgueil et s’octroyer du pouvoir. Il rappelle à tous qu’il s’agit de vivre selon la volonté de Dieu et non pas d’amener Dieu à faire nos volontés. Certains vont accepter, d’autres vont s’opposer plus ou moins violemment à cette conversion , surtout les prêtres, les scribes et les docteurs de la Loi qui craignaient de voir remis en question leur autorité et leur prestige.
Pour nous aussi aujourd’hui, le Christ apporte non pas la paix, mais la division, le combat, la lutte de la conversion qui amènera le triomphe de la paix Parce que sans le vouloir vraiment, sans le faire exprès, peut-être plus par maladresse que par malice, comme les prêtres, les scribes et les pharisiens, au lieu de servir Dieu nous essayons de mettre Dieu à notre service. Dans nos prières, trop souvent nous demandons à Dieu d’exaucer nos désirs et de faire que notre volonté soit faite. Nous n’arrivons pas à croire que Dieu est un Père qui nous aime, qui n’a qu’un but dans l’existence, notre bien et notre bonheur, si bien que, si son nom est sanctifié, si son règne advient, si sa volonté est faite partout, alors tout ira bien pour nous. Du coup, nous le prions pour que nos désirs à nous se réalisent et nous ne prions plus guère pour que ses désirs à lui se réalisent. Autrement dit, nous avons dévié. Nous ne croyons plus que Dieu sait mieux que nous quel est le meilleur pour nous. Nous sommes persuadés que nous savons mieux que Dieu quel est le meilleur pour nous et nous le prions de bien vouloir exaucer nos désirs.
Comme les prêtres et les docteurs de la Loi, nous avons besoin de nous convertir et de revenir au vrai Dieu en abandonnant nos points de vue erronnés. Sans compter que la mentalité du monde qui nous entoure nous fait dévier du côté de l’orgueil, de l’égoïsme, de la violence, de la recherche de l’argent, de la domination et du pouvoir. Comme les prêtres et les docteurs de la Loi, nous avons besoin d’une conversion qui nous fasse revenir au vrai Dieu. Le Christ et son évangile viennent donc contrarier nos dérives. Et il nous faut lutter d’abord contre le mal et les tentations avant de parvenir à la paix que le Seigneur nous apporte. C’est là que le Christ n’apporte pas la paix, la tranquillité, mais la division, le glaive, le combat. Mais son but n’est pas d’apporter la division et le combat sur cette terre. Son but c’est d’apporter la paix, mais ,au terme du combat de la Passion. C’est pourquoi St Paul, dans l’épitre aux Colossiens, conclut son hymne au Christ chef de l’univers en disant Il a établi la paix par le sang de sa croix. (Col.1,20)
Que retenir de tout cela ?
Non le Christ n’apporte pas d’abord la paix sur la terre mais bien la division, mais cette division est une division et un combat pour la paix. Et la paix qu’il apporte n’est pas simplement une absence de conflit, mais aussi la santé, la prospérité, le bonheur en plénitude. Une telle paix n’est pas possible, si d’abord le mal sous toutes ses formes n’est pas vaincu, le mal en chacun de nous et le mal dans la société. C’est pourquoi dans l’évangile d’aujourd’hui, le Christ nous invite à nous convertir, à lutter comme lui et avec lui contre toute forme de mal, afin de construire la paix dont nous rêvons et que le Seigneur veut pour le monde.
Il a fallu qu’il passe par sa Passion où son amour a triomphé du mal pour établir la paix. Aujourd’hui, le Seigneur nous envoie pour continuer d’établir la paix dans le monde. Il ne faut pas rêver. Nous aussi il va falloir passer par un combat sans merci contre le mal en nous et autour de nous pour voir s’établir enfin la paix de Dieu dans nos vies et dans notre monde.