Dimanche 13  Octobre  2024

(Sag,7,7-11)—(Heb.4,12-13)—(Marc 10,17-30)

Aujourd’hui dans l’évangile, le Christ nous parle du danger des richesses. Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu, dit-il.…Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. Ses propos sont durs. Pourquoi est-ce si difficile à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ? Qu’est-ce qui est si mauvais dans les richesses ?

Cet homme riche qui se jette aux pieds de Jésus, c’est certainement quelqu’un de fervent. Depuis sa jeunesse, il a observé les commandements. Il a entendu parler de Jésus et il a été tellement touché par son enseignement qu’il vient se jeter à ses pieds pour lui demander conseil : Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en partage ? Cependant, lorsque Jésus lui propose de vendre ses biens, de les donner aux pauvres et de le suivre, trop attaché à ses richesses, il cale. Il s’en alla tout triste, car il avait de grands biens nous dit l’évangile. Comment se fait-il que la richesse arrive à détourner du Christ cet homme plein d’ardeur dont l’enthousiasme avait ému le Seigneur qui posa son regard sur lui et l’aima ? Qu’y a-t-il donc de si pernicieux dans la richesse ?

La richesse, ce n’est pourtant pas quelque chose de mal. C’est un don de Dieu, un signe de la générosité divine, de plus, elle consacre la réussite de l’effort. Dieu enrichit ceux qu’il aime. La Bible  nous rapporte qu’Abraham était très riche (Gen.13,2) et qu’Isaac et Jacob étaient eux extrêmement riches (Gen.26,13…30,43). La richesse est un bien que tout le monde recherche. Personne ne veut être pauvre, personne ne souhaite à ceux qu’il aime d’être pauvres. Pourtant, l’évangile d’aujourd’hui nous le montre, la richesse peut être un mal qui détourne de Dieu.

Comment la richesse qui au départ est un don de Dieu, devient-elle un mal qui nous détourne de lui ? En permettant à celui qui en possède de se procurer tout ce qu’il veut et de satisfaire tous ses désirs, la richesse peut donner au riche un sentiment de toute puissance absolue et d’indépendance totale, comme si  elle  le créait à nouveau, faisant de lui quelqu’un de tout puissant. Le riche se retrouve alors dans une attitude diamétralement opposée à celle du croyant qui, devant Dieu se reconnaît faible limité et essentiellement dépendant. La richesse, au lieu de renforcer son attachement à Dieu puisqu’elle est un don venant de lui, peut l’amener à le renier comme le disait le Deutéronome : Quand tu auras mangé et te seras rassasié, quand tu auras bâti de belles maisons et y habiteras, quand tu auras vu se multiplier ton gros et ton petit bétail, abonder ton argent et ton or, s’accroître tous tes biens, n’oublie pas alors Yahvé ton Dieu. Garde toi de dire en ton coeur : c’est ma force, c’est la vigueur de ma main qui m’a donné ce pouvoir. Souviens-toi de Yahvé ton Dieu, c’est lui qui t’a donné ce pouvoir. (Deut.8,12). Pour le croyant c’est Dieu qui le crée, qui le fait être ce qu’il est. Pour le riche, c’est la richesse qui le fait être ce qu’il est Autrement dit la richesse a pris la place de Dieu dans le cœur du riche. Pour lui son dieu, c’est la richesse.

De plus, la plupart du temps le riche, n’est jamais satisfait, il en veut toujours plus, il n’a plus qu’un but dans l’existence : amasser toujours plus de richesses par tous les moyens. Et c’est là que la richesse qui nous a déjà  coupé de Dieu va nous couper maintenant de l’autre qui n’ est plus quelqu’un à aimer, mais un rival à dépasser, un concurrent à écraser.  La passion des richesses balaye tout scrupule tout souci de justice et toute sollicitude pour les autres. L’histoire nous le montre au long des siècles : la recherche effrénée de l’argent et du profit, l’amour des richesses sont à l’origine de toutes les luttes, de tous les conflits sociaux de toutes les crises économiques   et de toutes les guerres. On en arrive à des sociétés comme la nôtre où le progrès ne vise pas à ce que les hommes vivent mieux, mais à ce que le profit et la rentabilité financière soient toujours meilleurs, même si les rythmes de travail inhumains compromettent la santé des travailleurs déclenchant des « burn out » à tous les niveaux, depuis le grand patron jusqu’au dernier des manoeuvres sans spécialité. St Paul l’avait vu bien avant nous qui disait, péremptoire : La racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. (1Tim.6,10)

Mais l’amour de l’argent ne touche pas seulement les riches, il peut atteindre aussi les pauvres, qui, ressentant durement le manque, sont quelquefois plus acharnés que les riches à vouloir s’enrichir par tous les moyens. Madeleine Delbrel, l’apôtre des déshérités d’Ivry disait : Il y a pire que les riches, c’est les pauvres. Si tout le monde, aussi bien les riches que les pauvres peut être contaminé par l’amour de l’argent qui ruine toute vie religieuse, sociale, familiale ou personnelle, alors, qui peut être sauvé ? Pour les hommes, c’est impossible, nous dit le Christ, mais pas pour Dieu. Comment cela ? Par son Esprit qui nous éclaire, le Seigneur nous fait prendre conscience de notre misère : nous n’arrivons pas à faire le bien que nous aimons et nous faisons le mal que nous n’aimons pas (Rom 7,17,24). A partir de là, nous allons nous tourner vers lui, lui demander son aide. Lui, dont l’amour jamais ne varie, va nous sauver. C’est plus fort que lui, il ne peut pas faire autrement, il ne  peut pas se détourner d’un pauvre qui appelle au secours. Il ne cesse de le répéter au long de siècles : Le ciel est mon trône et la terre mon marchepied, mais celui vers lequel je jette les yeux, c’est le pauvre et le cœur contrit. (Isaïe 66,1,2)

Que retenir de tout cela ?

La richesse est un don de Dieu qui enrichit ceux qu’il aime et la récompense de l’effort. Mais elle devient un cancer mortel lorsque le désir des richesses tourne à l’addiction et prend toute la place dans notre cœur. Les riches sont plus exposés que les pauvres à attraper ce cancer. Enivrés par l’amour de l’argent et le désir d’en avoir toujours plus, emportés par un orgueil illusoire, ils croient n’avoir plus besoin de rien ni de personne  et surtout pas de Dieu. C’est pourquoi, oui, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des cieux.

Mais les pauvres ne sont pas à l’abri du danger des richesses. Car, ressentant durement le manque, ils sont parfois plus acharnés que les riches à vouloir s’enrichir à tout prix. Pour eux aussi, la richesse peut devenir une addiction mortelle.

On pourrait dire que la richesse est un bien qui peut avoir des effets secondaires mortels lorsque devenue une véritable addiction elle nous détourne de Dieu et ruine toute vie sociale, familiale et même personnelle, tandis que la pauvreté est un mal qui peut avoir des effets secondaires positifs dans la mesure  où nous faisant prendre conscience de tout ce qui nous manque, elle  nous aide à nous faire sentir que nous avons besoin de l’aide de Dieu et nous amène à  nous tourner vers Lui.

C’est pourquoi le mieux est encore d’en revenir à la prière d’Agur dans le livre de la Sagesse : ne me donne ni pauvreté ni richesse. Laisse moi goûter ma part de pain, de peur qu’étant comblé je ne me détourne et ne dise : Qui est Yahvé ? ou encore qu’étant indigent je ne dérobe et ne profane le nom du Seigneur. (Prov.30,9)

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