Dimanche 12 février

6ème dimanche du temps ordinaire – Année A – Mt 5, 20-22a.27-28.33-34a.37

« Il a été dit aux Anciens. Eh bien ! moi, je vous dis. »

Jésus sème le trouble dans l’opinion. On ne sait plus quoi penser. D’un côté on admire la profondeur de son enseignement et les miracles qu’il accomplit. Mais d’un autre côté, ses critiques incessantes des prêtres, des scribes et des pharisiens qui observent minutieusement les prescriptions religieuses le font apparaître comme un adversaire de la Loi. Or la Loi avec l’enseignement des prophètes, c’est le socle sur lequel repose la religion et l’unité de la nation. Dans l’évangile d’aujourd’hui le Christ se défend vigoureusement de vouloir détruire la Loi, il explique qu’il est venu au contraire l’accomplir, la porter à sa perfection. Et pour preuve, il montre comment sur cinq points importants : le meurtre, l’adultère, les serments, la loi du talion et la charité, ses exigences vont dans le même sens mais plus loin que celles de la Loi. Alors que la Loi se contente d’interdire le meurtre du prochain, Jésus pousse l’exigence jusqu’à interdire de se mettre en colère ou d’insulter autrui. Alors que la Loi se contente d’interdire l‘adultère Jésus exige plus : ne pas regarder une femme avec convoitise. Alors que la Loi se contente d’interdire le parjure, Jésus interdit tout serment. Alors que la Loi se contente de limiter toute vengeance avec la loi du talion, Jésus va jusqu’à recommander la non résistance au mal et alors que la loi limite la charité à l’amour de ses amis Jésus étend la charité jusqu’à l’amour des ennemis.

Mais pourquoi ne cesse-t-il pas de s’en prendre à ceux qui sont le plus respectueux des obligations de la Loi, les scribes et les pharisiens ?Comment peut-il être à la fois pour la Loi et contre ceux qui la pratiquent le plus minutieusement ? Il lui arrive de louer le zèle des Pharisiens, leur souci de perfection et leur respect des traditions, mais le plus souvent il les condamne et dans les termes les plus vifs. Qu’est-ce que le Seigneur reproche aux Pharisiens ? Essentiellement leur orgueil, leur façon de prier sur les places publiques pour être vus, de chercher toujours les premières places dans les dîners et les synagogues, de rechercher les honneurs, et de chercher par tous les moyens à se faire saluer sur les places publiques et à s’entendre appeler Maîtres. (Mt.23,7)

Leur orgueil les amène à adopter vis à vis des autres et vis à vis de Dieu une attitude incompatible avec celle d’un croyant Les autres, ils les méprisent sans complexes, comme le pharisien de la parabole du Pharisien et du Publicain. Et vis à vis de Dieu, persuadés que leur pratique minutieuse des obligations de la Loi les rend justes et irréprochables devant lui, ils en arrivent à croire que, étant donné tout ce qu’ils font pour Dieu, celui-ci leur doit quelque chose en retour. Ils en arrivent à traiter avec Dieu presque d’égal à égal. Une telle attitude est exactement à l’opposé de celle que préconise le Seigneur lorsque dans l’évangile il indique les dispositions nécessaires pour entrer dans le Royaume. La première et la plus fondamentale de ces dispositions c’est d’être pauvre de coeur, c’est à dire se rendre compte de sa misère et de son besoin criant de l’aide de Dieu. Un pauvre de coeur c’est celui qui se rend compte qu’il n’arrive pas à aimer son mari, sa femme, ses enfants, son prochain comme il le voudrait, à être honnête comme il le voudrait. Il se rend compte comme St Paul :« Le bien que je veux, je ne le fais pas,le mal que je ne veux pas je le fais. « (Rom.7,19,24 ) Malheureux homme que je suis poursuit le texte français, la traduction malgache, plus éclairante dit « Hélas je suis pauvre » Lorsqu’on est dans une telle attitude, le Seigneur vient immédiatement à notre secours. Il ne peut pas faire autrement, c’est plus fort que lui. Dans son amour pour nous, il ne résiste pas à nos appels au secours. Il nous le disait déjà dans Isaïe, :« Le ciel est mon trône et la terre mon marchepied, mais celui vers lequel je jette les yeux, c’est le pauvre et le coeur contrit » (Is.66,8 ). Le Seigneur nous demande d’être humbles au sens propre du terme, c’est à dire réalistes.( Le mot humilité vient du latin humus : la terre.) Etre humble, c’est avoir les pieds par terre, être réaliste, se reconnaître pécheur. Dans leur orgueil les Pharisiens qui se croient justes sont dans une attitude totalement contraire à celle que demande le Christ, en même temps qu’ils sont dans l’illusion et le mensonge. Et c’est pourquoi le Seigneur nous dit avec insistance :« Si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux »

Mais qu’est-ce que c’est cette justice des pharisiens ? Et quelle justice le Christ veut il nous voir pratiquer? Pour les pharisiens, la justice, c’est respecter les commandements, les obligations, les rubriques, à la lettre. Pour eux, le juste c’est celui qui applique les prescriptions de la Loi méticuleusement. Pour le Christ, la justice, celle qu’il souhaite que nous ayons, c’est une justice qui demande davantage que le simple respect d’un certain nombre de lois ou de préceptes, elle demande la fidélité à la volonté de Dieu par amour pour lui.Le Seigneur ne s’intéresse pas au respect des lois mais à l’amour qu’on met dans le respect de ces lois.Pour le Christ, est juste celui qui, parce qu’il aime Dieu, obéit à ses prescriptions. On peut même dire que la matérialité du geste n’ a guère de sens et de valeur devant lui; ce qui qui compte, c’est l’amour qu’on met dans l’ accomplissement de ce geste. Par exemple ne pas se marier, cela n’a pas en soi de valeur spéciale devant Dieu, mais quand un prêtre ou une religieuse renonce à fonder un foyer par amour de Dieu pour se consacrer à lui, à son service et au service des autres, un tel engagement a de la valeur aux yeux de Dieu. Déjà dans l’A.T. le Seigneur nous le faisait savoir sans circonlocutions : « C’est l’amour que je veux, non les sacrifices«  (Osée 6,6 )

Prisonniers de leur orgueil, les pharisiens se croient parfaits avec leurs pratiques, par conséquent ils ne veulent surtout pas entendre parler d’idées ou de façons de faire nouvelles. Qu’on ne touche à rien ! Or le Christ arrive qui bouscule tout et invite tout le monde à aller de l’avant :« Vous avez appris qu’il a été dit …eh bien ! moi je vous dis » En entendant cette parole, aujourd’hui, nous aussi nous sommes bousculés, parce que sans être des pharisiens à proprement parler , sans nous croire parfaits, quelquefois, il nous arrive peut-être parfois de penser que finalement nous ne sommes pas si mal que ça. : je prie de temps en temps, je vais à la messe le dimanche, je rends service autour de moi, inutile de me compliquer l’existence ! Et nous sommes tentés de rêver d’ une vie chrétienne, qui se déroulerait tranquille, en roue libre. Et voilà que le Christ dans l’évangile d’aujourd’hui vient ébranler notre bonne conscience.

Que retenir de tout cela ? 

Jésus et son évangile bousculent et dérangent. Il a devant lui des scribes et des pharisiens qui ont bricolé, accommodé, domestiqué la Loi pour qu’elle ne les dérange pas. Ils respectent la Loi et la Tradition dans le but que ce respect leur procure autorité et prestige aux yeux de tous, et par tellement pour servir Dieu dans l’amour. Dans leur orgueil, ils se croient justes et ne veulent surtout pas qu’on change quoi que ce soit au statu quo. Mais le Messie arrive qui pousse à aller de l’avant . Il vient pour accomplir la Loi, la porter à sa perfection. Scribes et pharisiens ne peuvent accepter cela.

Nous, aujourd’hui, sommes nous prêts à nous laisser bousculer par le Christ et son Evangile ? Nous sommes probablement des chrétiens sincères et de bonne volonté, mais sommes-nous assez réalistes pour voir que nous avons encore des progrès à faire, que nous avons encore besoin de conversion ? Dans cet évangile le Christ nous invite à secouer notre médiocrité tranquille et à le suivre là où il nous emmènera sans crainte, avec confiance, sûrs de son amour Puissions nous avoir la même disponibilité que Notre Dame, disant au Seigneur « Que tout se passe pour moi selon ta parole » (Luc 1,38 )

Nous somme