7ème dimanche du temps ordinaire – Année A – Mt 5, 38-48
« Aimez vos ennemis. »
Dans l’évangile d’aujourd’hui, le Christ nous parle de l’amour du prochain et de l’attitude à avoir en cas de conflit avec lui. Les exigences du Seigneur : ne pas riposter au méchant, tendre l’autre joue, aimer ses ennemis, être parfait comme le Père nous paraissent irréalistes et en tout cas irréalisables. Faut-il prendre ces paroles de Jésus au pied de la lettre, ou devons nous les considérer comme relevant de la façon de parler des orientaux qui utilisent souvent l’hyperbole où on exagère l’expression pour faire une forte impression ? Regardons de plus près le texte de cet évangile pour essayer de voir ce que le Seigneur veut nous dire exactement.
Il part de la loi du talion suivant laquelle on ne doit punir une offense que par une peine soigneusement dosée qui doit être identique à l’offense : Oeil pour oeil, dent pour dent et pas plus. Mais le Christ demande davantage : qu’on ne riposte pas au méchant. Mais ne pas riposter pas au méchant, est-ce que cela ne va pas l’encourager à continuer à faire le mal ? On ne peut tout de même pas laisser faire le mal sans réagir ? D’ailleurs le Christ lui-même, devant les abus des vendeurs du Temple par exemple a riposté et violemment « S’étant fait un fouet de cordes il les chassa tous du Temple » (Jean 2,13…) Il demande aussi de tendre l’autre joue. Mais n’est-ce pas là encore une manière d’encourager le méchant, de se rendre complice de sa méchanceté ? D’ailleurs le Christ, au cours de sa Passion, lorsqu’il a été giflé par un garden’a pastendul’autre joue . II a réagi et dit au garde : »Si j’ai mal parlé, montre en quoi ; si j’ai bien parlé pourquoi me frappes tu ? »(Jean 18,23). Car c’est un devoir de ramener vers le droit et la justice celui qui s’en est écarté, comme il le dit lui -même en St. Mt. « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et fais lui tes reproches seul à seul. » (Mt.18,15)
Alors quoi faire ? D’un côté le Seigneur nous demande de ne pas riposter devant le mal et de tendre l’autre joue. C’est ce que fait le Christ lorsqu’il monte à Jérusalem sachant qu’il y sera arrêté et crucifié. Mais d’un autre côté, comme ne pas riposter et tendre l’autre joue peut encourager le méchant à persévérer dans le mal, le Seigneur nous demande aussi de 1°) réagir devant le mal et même vivement si c’est nécessaire, ce qu’il a fait avec les vendeurs du Temple et 2°) de nous efforcer de ramener le méchant dans le droit chemin, ce qu’il a fait avec le soldat qui l’a giflé. Alors, en définitive, quelle position le Christ veut-il que nous tenions ? Le problème est de ramener la paix. Pour ramener la paix, il est certain que le mieux c’est de ne pas riposter, car du même coup le conflit s’ éteint. Mais si ne pas riposter amènerait l’adversaire à profiter de l’indulgence manifestée envers lui pour persévérer dans le mal, alors, dans cette hypothèse, pour ramener la paix, le mieux c’est de réagir.Devant les conflits, il faut donc décider au cas par cas, en jugeant selon les circonstances.
Le Christ continuant son discours nous invite maintenant à aimer nos ennemis. Pas facile. Je me vois mal allant prêcher aux Ukrainiens d’aimer les Russes ! Pourquoi aimer ses ennemis ? Pour être de vrais fils de notre Père du ciel qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Pourtant le Père n’aime ni mal ni l’injustice. Alors comment fait il ? Et comment le Christ fait-il pour aimer les pécheurs ? Qu’est-ce qu’il aime en eux ? Sûrement pas le péché. Ce qu’il aime en eux, c’est ce qui reste de bon , le bon grain au milieu de l’ivraie. Il aime les pécheurs parce qu’il croit qu’ils peuvent encore se convertir, il le souhaite et l’espère. « Il ne prend pas plaisir à la mort du méchant mais au retour du méchant qui change de voie pour avoir la vie » comme dit le prophète Ezechiel. (Ez.33,3) Aimer ses ennemis, c’est ne pas les rejeter en les jugeant irrémédiablement mauvais mais croire qu’il reste du bien en eux et qu’ils peuvent encore se convertir. Pour le Christ, il suffit d’un petit rien de bon grain au milieu de beaucoup d ‘ivraie chez quelqu’un pour qu’il l’ l’aime, tandis que pour nous, il suffit d’un petit rien d’ivraie au milieu de beaucoup de bon grain chez quelqu’un pour que nous le rejetions. Il y a comme un mystérieux parti-pris chez notre Dieu qui persiste à nous faire confiance, malgré toutes nos faiblesses, un mystérieux parti-pris d’ amour et de miséricorde, dont rien ne peut venir à bout.
Le Christ termine son exhortation en nous invitant à nous distinguer de ceux qui n’aiment que ceux qui les aiment et conclut:« Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » ce qui signifie que la perfection, c’est d’aimer les autres comme il nous aime, c’est imiter l’amour divin, On a envie de dire c’est impossible. Jamais notre imitation de l’amour divin n’atteindra la perfection du modèle, c’est sûr et certain, mais, et c’est tout autant sûr et certain, chacun de nos efforts pour l’imiter nous rapproche du modèle. Par conséquent, loin de nous décourager, ce constat nous invite à ne jamais baisser les bras, mais à toujours nous efforcer d’aimer mieux pour nous rapprocher du modèle. Comment aimer mieux ? En mettant un peu plus d’amour quand nous aimons les autres.
Car lorsqu’on aime quelqu’un, on ne l’aime pas toujours d’amour. On l’aime parce qu’on apprécie ses talents, ses qualités : il est sympathique, il a de l’humour,il est honnête, etc. C’est ainsi que j’aime mon voisin, mon boulanger ou Georges Brassens. Je les aime vraiment, mais je ne les aime pas d’amour. Aimer d’amour, c’est quoi ? C’est aimer quelqu’un non seulement pour ses qualités que nous apprécions mais, en plus, 1°)nous voulons son bien, son épanouissement son bonheur et 2°) pour cela nous nous donnons beaucoup de peine, nous nous imposons des sacrifices. C’est seulement dans ce cas là qu’on aime d’amour. Ce n’est d’ailleurs pas si dramatique et si héroïque que ça parce que comme on dit : Quand on aime, il n’y a pas de peine, et s’il y a de la peine, c’est une peine qu’on aime. On voit cela chez beaucoup de couples et entre parents et enfants. C’est ainsi que le Christ nous aime. Il veut notre épanouissement :« Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10,10 ). Et il s’impose d’énormes sacrifices pour cela allant jusqu’à donner sa vie pour nous. Donc, comment aimer mieux ? En essayant de mettre toujours plus d’amour dans notre façon d’aimer l’ autre. en essayant de l’aimer comme le Christ nous aime. C’est d’ailleurs ce qu’il nous : « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15,12)
Que retenir de tout cela ?
En cas de conflit, ne pas riposter, c’est l’idéal, car du même coup le conflit s’éteint. Mais parce que ne pas riposter ou tendre l’autre joue pourrait encourager le méchant à persévérer dans le mal, parfois, le mieux est de riposter. Riposter, ne pas riposter ? Le Christ utilise les deux méthodes. Cela veut dire que dans les conflits, il faut discerner au cas par cas pour voir quel est le mieux pour ramener la paix.
Aimer ses ennemis. Pourquoi ? Parce que le Christ fait comme ça. Lorsqu’on est en train de le tuer il prie encore pour ses bourreaux « Père pardonne leur ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,34 )
Etre parfait comme notre Père du ciel. Cela veut dire essayer d’aimer comme lui et le Christ nous aiment , c’est à dire en voulant le bonheur des autres, malgré leurs défauts, en faisant tout pour cela, y compris en s’imposant les sacrifices que cela exige L’auteur du livre de la Sagesse s’émerveillait déjà de ce parti pris absolu d’amour et de miséricorde de notre Dieu. Il décrivait ainsi celui que nous avons à imiter : »Oui, tu aimes tous les êtres et n’as de dégoût pour rien de de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose subsisterait-elle si tu ne l’avais voulue ? Comment conserverait-elle l’existence,si tu ne l’y avais appelée ? Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie. » (Sag.11,24-26 )
Nous somme