Dimanche 12 mars

3ème dimanche de Carême – Année A – Jn 4

«   Une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »

Voilà une scène pleine de rebondissements inattendus.Ayant quitté la Judée, en route vers la Galilée Jésus traverse la Samarie. Il est midi, il fait chaud. Fatigué, il s’assied au bord d’un puits, . Les apôtres sont partis au village acheter de quoi manger. Arrive une femme qui vient puiser. Il s’adresse à elle :« Donne moi à boire. » La femme s’étonne : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine !«  C’est que lesJuifs et les Samaritains ne se fréquentent pas. Les Samaritains ont bâti un temple à Samarie et ne montent plus prier au temple de Jérusalem. Les Juifs considéraient donc les Samaritains comme des païens. Tout contact avec eux leur ferait encourir une impureté légale. La Samaritaine s’étonne donc que Jésus ose transgresser l’interdit social et rituel qui le sépare des Samaritains et qu’il lui adresse la parole. Jésus, qui ne repousse jamais personne, engage la conversation avec elle et lui dit que si elle savait à qui elle a affaire, c’est elle qui lui demanderait à boire de l’eau vive. Avec bon sens, elle lui fait remarquer : comment pourrais-tu me donner boire, tu n’as ni seau ni corde pour puiser ! Mais Jésus reprend :« Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif et cette eau deviendra en lui une source d’eau jaillissante pour la vie éternelle »Là-dessus, la femme, tout-à-fait à l’aise,lui demande, sur un ton enjoué, de lui donner de cette eau là qui lui éviterait la corvée d’aller puiser tous les jours. Sûre d’elle, la Samaritaine domine le dialogue, croyant avoir affaire à un original inoffensif.

Mais, un rebondissement imprévu se produit lorsque Jésus lui demande d’aller chercher son mari. Un peu embarrassée, elle lui répond qu’elle n’a pas de mari. Et stupéfaite, elle entend alors Jésus lui retracer toute son histoire avec ses cinq maris. Impressionnée et sans doute un peu effrayée, elle n’a plus du tout envie de plaisanter. Et là il se passe quelque chose de tout-à-fait anormal. Après que le Seigneur lui ait manifesté qu’il connaissait son parcours avec cinq partenaires différents, logiquement, elle aurait dû être embarrassée, honteuse, et sa réaction aurait dû être de s’enfuir, d’aller se cacher. Mais elle reste là et respectueusement elle s’adresse à Jésus en lui donnant le titre de Seigneur « Seigneur, je vois que tu es un prophète ». Pourquoi est-elle restée là ? C’est qu’elle est tombée sur celui qui est venu non pas pour juger mais pour sauver ce qui était perdu. Il ne lui a pas parlé durement, il ne lui a pas reproché sa conduite ni son ralliement aux Juifs séparés de Samarie, il ne l’a pas condamnée, il lui a parlé avec bonté. Il n’est pas comme nous. Pour nous, un pécheur, c’est quelqu’un qui fait le mal, un point c’est tout et on le rejette. Pour le Christ un pécheur, c’est quelqu’un qui fait le mal, oui, mais c’est aussi quelqu’un qui peut encore se convertir et revenir au bien. C’est pourquoi quand il voit un pécheur, il se précipite au devant de lui, comme il a fait avec Zachée qu’il est allé décrocher de son arbre parce qu’il est venu chercher et sauver ce qui était perdu.(Luc 19,10) Devant la bonté de Jésus qui ne la repousse pas, la Samaritaine habituée à voir les gens se détourner d’elle avec mépris, est toute retournée. Elle confie à Jésus qu’elle est même prête à revenir prier à Jérusalem, mais celui-ci lui fait comprendre qu’il ne suffit pas de changer de paroisse, mais que c’est son coeur qu’il faut changer afin de prier en esprit et en vérité. Et comme elle explique à Jésus qu’elle attend « le Messie qui nous fera connaître toutes choses« celui-ci lui dit « je le suis, moi qui te parle ». Là-dessus les apôtres arrivent. Voyant Jésus en conversation avec la Samaritaine, ils sont choqués de cette violation des usages : normalement un juif ne reste pas seul à causer avec une femme , surtout une Samaritaine, mais ils n’osent pas poser de questions. Ils voient bien qu’il se passe quelque chose de pas ordinaire. D’autant que Jésus ne veut pas manger. Il prétend qu’« il a à manger une nourriture quils ne connaissent pas«  . Au milieu du silence qui s’est installé, soudain, la femme, laissant tout le monde là, s’en va, bouleversée, rapporter aux gens du village

ce qui s’est passé : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »

Elle est pressée d’aller partager avec eux sa joie et son bonheur. Jésus ne l’a pas humiliée, il l’a relevée. Il ne l’a pas rejetée, il l’a accueillie. Il ne l’a pas écrasée, il l’a libérée. Il ne l’a pas méprisée, il lui a rendu sa dignité. Elle se sent à nouveau comme tout le monde, réintégrée dans la société. Elle ne peut pas garder cela pour elle toute seule.

Une conversion débouche toujours dans la joie.Si nous avions compris cela, nosconfessions seraient bien moins pénibles. Nous sommes souvent tellement vexés et humiliés par nos péchés qu’ils prennent toute la place dans notre champ de conscience et nous prêtons peu ou pas d’ attention au pardon qui nous est donné. A tel point que parfois des pénitents repartent du confessinnal après voir confessé leurs péchés sans même attendre de recevoir le pardon. Cela m’est arrivé. Je leur donnais l’absolution dans le dos, en catastrophe ! De plus, il faut bien voir que ce pardon n’est pas seulement quelque chose qui efface les péchés comme un coup de chiffon enlève la poussière sur un meuble. Le pardon du Seigneur efface les péchés oui, mais surtout comme le dit le livre d’Ezechiel, il nous donne un coeur nouveau, un esprit nouveau. (Ez.36,26). En malgache on dit que le Seigneur transfère son coeur dans le nôtre.Transformés, nous sommes réintégrés dans la famille du Père dont nous nous étions éloignés et nous sommes rendus plus forts pour résister au mal. La Samaritaine a vivement ressenti cela. Au village, tout le monde la méprisait, on détournait le regard quand on la voyait. Le Seigneur lui, ne l’a pas condamnée, il l’a libérée, il ne l’a pas enfoncée, il l’a relevée, il ne l’a pas humiliée, il l’ a rétablie dans sa dignité. C’est cela que dans sa joie elle a voulu aller partager à tout le monde au village . « En entendant son témoignage, beaucoup de Samaritains de cevillage crurent en Jésus et ils disaient à la femme : ce n’est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons, nous-mêmes, nous l’avons entendu et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »

Le Seigneur avait dit à la Samaritaine :« l’eau que je donne devient en celui qui la boit source d’eau jaillissante pour la vie éternelle. »C’est en train de se réaliser en elle qui devient maintenant source d’eau jaillissante pour les gens de son village qu’elle amène puiser auprès de Jésus la vie éternelle. La pécheresse publique rejetée par tout le monde, la voici devenue prédicateur de la foi, annonçant la Bonne Nouvelle.

Que retenir de tout cela ? 

Cet évangile nous invite à nous regarder et à regarder les autres comme le Christ le fait. Pour lui, un pécheur, c’est quelqu’un qui fait le mal, oui, mais c’est aussi quelqu’un qui est encore capable de changer et de revenir vers le bien, c’est pourquoi il va au devant de lui, plein de miséricorde tout à la joie de sceller son repentir dans le pardon et le bonheur des retrouvailles. Le Seigneur sait tout ce qu’il y a de mal dans la vie de la Samaritaine. Il ne le cache pas. Il est ferme devant le péché Mais il sait aussi qu’elle est capable de revenir vers le bien.C’est pourquoi il l’accueille avec miséricorde. Il a le coeur tendre mais l’esprit ferme Nous, au contraire, bien souvent nous avons le coeur dur et l’esprit mou.

D’autre part, l’histoire de la Samaritaine nous montre que la conversion débouche toujours sur une joie et un bonheur profond. Parce que dans le pardon que le Seigneur accorde à notre repentir, il n’efface pas seulement nos péchés, mais il transfère son coeur dans le nôtre. Notre vie, nos relations avec les autres sont transformées. Il nous recrée, nous refait à neuf. La Samaritaine, sa rencontre avec le Seigneur, ça lui a donné un coup de jeune ! Nous, notre rencontre avec le Seigneur dans cette messe, ce serait bien si ça nous donnait aussi un coup de jeune. Ainsi soit-il !!!